Publié le 6 mai 2013 à 1h00 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 15h49
Un climat économique morose
Malgré quelques bonnes nouvelles enregistrées dans le secteur de la croisière et du transport aérien, le département des Bouches-du-Rhône a été, à l’instar de la France, touché par une dégradation de l’activité économique au 1er trimestre 2013. Cet effritement, constaté notamment dans le BTP, l’immobilier ou la chimie, a conduit à une hausse du chômage (+0,4%). Pour y remédier, les entrepreneurs appellent à « des réformes structurelles » capables d’améliorer l’environnement économique et la compétitivité des entreprises.
Une stagnation de l’activité des entreprises dans un climat de morosité : c’est ainsi que l’Union pour les entreprises des Bouches-du-Rhône (UPE 13) et les CCI Marseille-Provence et du Pays d’Arles qualifient la conjoncture économique du 1er trimestre 2013 dans les Bouches-du-Rhône. Après une année 2012 de relatif maintien de l’activité des entreprises, le département ne fait pas exception au contexte national marqué par une dégradation économique.
Emmanuel Barthélémy, vice-président de l’UPE 13 en charge de l’économie, a ainsi fait état, ce mardi 30 avril, d’« un climat général inquiétant ». Il pointe notamment « la perte de compétitivité de la France sur les marchés mondiaux, la baisse de rentabilité des entreprises, la dégradation des capacités d’autofinancement » ou encore « le poids de la fiscalité nationale et locale » : autant d’éléments qui « handicapent l’activité économique et inquiètent les entrepreneurs ». « Dans un tel contexte, il est urgent de donner un cap aux dirigeants d’entreprise, et de mener des réformes structurelles capables d’améliorer l’environnement économique ainsi que la compétitivité de nos entreprises, tant nationales que locales », estime-t-il.
Le vice-président de la CCI Marseille-Provence délégué au développement des TPE/PME, Eric Ammar, insiste pour sa part sur l’importance du « positionnement économique de notre territoire » en appelant notamment à « une vision métropolitaine des investissements à réaliser, des infrastructures à construire », ainsi qu’à l’élaboration « d’un réseau de transports cohérent ». Et de citer en exemples « les investissements coordonnés sur le port, en particulier dans le domaine de la croisière » ou encore « sur l’aéroport, avec le terminal low cost ». Des investissements qui « portent leurs fruits et permettent, aujourd’hui, d’avoir des croissances de trafics passagers importantes ».
Des éléments de satisfaction qui apparaissent comme des éclaircies dans la grisaille ambiante, tant de manière générale les entreprises sont toujours impactées par « l’attentisme de la demande, un manque de visibilité et des difficultés croissantes de trésorerie ». De ce fait, peu de projets d’investissement et de recrutement sont anticipés, les entreprises peinant à évoluer dans un tel contexte.
Des carnets de commande d’à peine six mois dans le BTP
Le BTP, l’un des moteurs de croissance économique du département il y a quelques années, figurent au premier rang de ces secteurs qui souffrent du manque de compétitivité et de la morosité économique ambiante. L’activité du secteur est atone. Au niveau national, une baisse de 3,5% du volume d’activité est anticipée pour l’année 2013. Et 2014 ne devrait pas permettre d’observer de redressement significatif de la situation.
La situation n’est guère plus reluisante dans les Bouches-du-Rhône où le tassement de l’activité s’est poursuivi au cours du 1er trimestre 2013. Même si le territoire semble bénéficier encore des effets des grands travaux et d’une demande spécifique, les carnets de commande s’établissent à moins de 6 mois. Le secteur du logement est particulièrement touché par ce repli de l’activité alors que les entreprises (TPE, artisans) présentes sur le marché de la rénovation résistent en revanche un peu mieux.
Philippe Meiffren, délégué général de la fédération du BTP 13, souligne « le premier pas » effectué par le gouvernement en direction de cette profession avec le Plan urgence BTP et logement qui prévoit la mise en application, dès l’été, des 20 mesures d’urgence destinées à soutenir la construction de logements et engager la rénovation énergétique de l’habitat. Mais Philippe Meiffren rappelle que les entreprises du secteur sont néanmoins confrontées à différents maux tels que « la concurrence déloyale » – détachement de travailleurs européens, statut d’auto-entrepreneurs -, « l’allongement des délais de paiement » – la loi de modernisation de l’Economie (LME) fixe un délai maximal de paiement entre entreprises à 60 jours nets à compter de la réception de la facture mais il apparaît aujourd’hui, selon Altares, acteur majeur du secteur de l’information sur les entreprises, que seul un tiers des entreprises (36%) règlent dans les délais -, les « recours abusifs contre certains permis de construire » – 6 000 logements en souffrance dans le département -, ou les « prix bas ». Tout ceci affecte l’activité et freine l’investissement, l’innovation ou l’emploi. Et le délégué général de la fédération du BTP 13 de pointer que « les effets des mesures annoncées par le gouvernement ne sont pas attendus avant 2014 ».
Un marché immobilier en net repli dans l’ancien
La situation n’est pas meilleure dans le secteur de l’immobilier où l’on a enregistré, sur l’année 2012 en France, un repli de -20 à -25% du volume d’activité dans l’ancien. Une tendance qui semble se poursuivre au premier trimestre 2013, tant au niveau national que local, à l’exception de certains micromarchés (Cassis, Aix-en-Provence). René Ancellin, administrateur de la FNAIM 13, évoque « les freins des ménages à se loger ». Car si la demande des primo-accédants existe, elle reste ralentie en raison notamment des difficultés à trouver du financement, des craintes sur le pouvoir d’achat ou de la fin de certains dispositifs incitatifs comme le prêt à taux zéro.
Le marché de l’immobilier ancien est ainsi devenu un marché d’acquéreurs, qui fixent les prix du marché. Les vendeurs sont attentistes et restent fermes sur leurs prix. Ce qui limite le volume des transactions, les professionnels de l’immobilier éprouvant des difficultés à faire concorder offre et demande de bien immobilier.
Quant aux investisseurs, ils se font également rares sur un marché immobilier déprimé. Et quand ils sont présents, ils se portent sur des projets d’envergure réduite, l’offre du marché haut de gamme trouvant difficilement preneur. Un constat qui est accentué par la réforme des plus-values immobilières (une surtaxe a été instaurée à partir de 2013 pour les plus-values imposables supérieures à 50 000 €).
Les industries de la chimie et de la pétrochimie sont également sous tension avec l’érosion des marges, les difficultés économiques de l’entreprise Kem One, la société qui dispose de deux sites à Lavéra et Fos-sur-Mer ayant été placée en redressement judiciaire le 27 mars, et une stagnation de la demande.
Le commerce fonctionne au ralenti en raison des arbitrages des ménages de consommation des ménages soumis à une contraction de leur pouvoir d’achat. Le trimestre a également vu les immatriculations de véhicules particuliers (-14,3% dans le département par rapport au 1er trimestre 2012) et utilitaires (-15%) marquer le pas, alors certains frets sont en recul : -9,1% pour le maritime par rapport au 1er trimestre 2012 et -4,8% pour l’aérien. Les services marchands ont aussi subi un essoufflement de leur activité, alors que le secteur touristique démarre l’année sur une tendance baissière avec un taux d’occupation en baisse pour les hôteliers et des résultats décevants pour les congrès et les agences de voyages.
Fréquentation hôtelière en baisse malgré Marseille-Provence 2013
Ainsi, si les expositions de Marseille-Provence 2013 ont bénéficié d’un vif intérêt de la population locale, l’impact pour les hôteliers a été très faible. Selon BDR Tourisme, le nombre de chambres occupées a baissé de 1% en janvier et de 13% en février. Le taux d’occupation moyen – dans un contexte de hausse de l’offre de chambres de 7% en 2012 – s’est élevé à 42% en janvier et 43% en février. Et les professionnels font état de mois de mars et d’avril également très difficiles.
Outre les secteurs de la croisière, du transport de passagers aériens et celui du transport ferroviaire (+3,2% pour les TER PACA), les bonnes nouvelles proviennent des industries agroalimentaires, de l’électronique et de la microélectronique qui ont connu un maintien de leur activité sur le trimestre. Les technologies de l’information et de la communication restent également correctement orientées.
Autre signe encourageant : la création d’entreprises reprend légèrement dans le département (+2,6%) alors que l’heure demeure au repli tant au niveau régional (-5,2% en PACA) qu’au plan national (-4,9% en France).
Mais cela ne se traduit pas sur le marché de l’emploi. Dans les Bouches-du-Rhône, le taux de chômage a progressé pour s’établir à 12,5% (+0,4 point) au 4e trimestre 2012 contre 10,2% pour la France. La demande d’emploi ne cesse quant à elle de s’accentuer depuis le début de l’année. A la fin février, elle avait augmenté de 7,6% par rapport au même mois de l’année 2012. Fin mars, le département comptait ainsi plus 171 700 personnes inscrites à Pôle Emploi. Les jeunes de moins de 25 ans (+8%) et les seniors (+13,5%) restent les publics les plus touchés sur la période.
Dans ce contexte économique morose, les entrepreneurs réclament plus que jamais « une politique économique lisible et ambitieuse » qui, selon eux, « permettrait de combler le climat de défiance existant ».
Serge PAYRAU