Publié le 5 mars 2021 à 10h23 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 15h29
«Toutes les femmes qui veulent l’investiture doivent être baisables !» Cette phrase de Charles Pasqua n’a, au final, pas réellement défrayé la chronique en son temps. Et pourtant, est-on certain que ces déclarations ne sont plus d’actualité dans les hémicycles ? Dans son court-métrage «Calme-toi, chérie ! », Matthias Fortune Droulers a voulu mettre le doigt sur un problème de notre société : le sexisme. Le réalisateur revient sur son court-métrage et nous parle de ces dialogues certifiés 100% véridiques. Entretien
Destimed: Racontez-nous la genèse de ce court-métrage : « Calme-toi, chérie ! »
Matthias Fortune Droulers : Ça a été quelque chose de très impulsif. Il s’est fait très rapidement autour de deux thématiques, le jeu et la perception masculine de la prise de pouvoir des femmes. En d’autres termes il parle d’un sujet répandu : le sexisme. Après, l’histoire est simple : une randonnée, une femme, un mec, un jeu de devinettes qui dégénère.
Quelles ont été vos inspirations ?
J’ai pris comme postulat de base le rap et ses dérives, les messages agressifs et l’image qu’on y donne des femmes. Je me suis demandé comment un tel moyen d’expression peut se permettre d’aller aussi loin dans les messages qu’il véhicule. J’ai cherché alors s’il existait un autre univers où l’on retrouvait un tel degré de sexisme.
L’image de la femme dans la politique est édifiante
Quels ont été les fruits de vos recherches ?
Aussi étonnant que cela puisse paraître, l’image de la femme dans la politique est édifiante. Cela reste un milieu terriblement masculin, qui laisse peu de place à la gente féminine. Certes nous avons beaucoup progressé ces dernières années, mais force est de constater qu’une multitude de politiciens ne prend pas vraiment leurs homologues femmes au sérieux.
Comment s’articule le scénario ?
Il n’a pas demandé une grande réflexion et tout a été basé sur le jeu de répliques sexistes et authentiques d’hommes politiques. Car je tiens à le souligner : toutes ces phrases ont bien été citées publiquement. Au fur et à mesure, ce qui était un amusement devient quelque chose de franchement pas drôle et le héros ne se rend même pas compte qu’il devient sexiste malgré lui, en insistant très lourdement sur le ton de l’humour.
Aucune citation n’a été inventée !
Il est vrai que l’on a du mal à croire à la véracité de toutes ces citations
Je vous invite à relire les nombreuses déclarations de politiques et d’en tirer des conclusions. Comment peuvent-ils se permettre de telles choses alors qu’ils sont médiatisés. Au final, le rap n’est pas plus violent verbalement que la politique. Je le répète, et c’est important, aucune citation n’a été inventée !
Comment s’est déroulé le tournage ?
Il a été fait en totalité au smartphone, sans stabilisateur. Nous voulions vraiment un sentiment de réalisme et de temps réel. Nous souhaitions que le spectateur partage pleinement cette balade bucolique. Il nous a fallu seulement deux heures pour tout filmer. Bien évidemment le montage a été beaucoup plus long.
Un court-métrage qui ne laisse pas indifférent
Lorsque vous le présentez à des festivals, comment est-il perçu?
En général, les réactions sont positives. Parfois, nous discutons avec des gens qui ne comprennent pas le second degré de cette œuvre et qui pensent que nous véhiculons une mauvaise image de la femme. Mais dans tous les cas, il ne laisse pas indifférent et quelque part c’est exactement ce que nous voulions.
Pourquoi avoir choisi le ton de l’humour pour un sujet aussi sérieux ?
L’humour est plus percutant. Nous pointons du doigt le sexisme ordinaire et cette agression quotidienne vécue par les femmes. Le pire dans tout cela, c’est que certains hommes politiques trouvent cela naturel et ne s’en cachent même pas. Les meilleures preuves restent ces déclarations publiques.
Vous êtes en course au Nikon Festival. Que représente cette compétition ?
Elle est très intéressante car elle est accessible à tous. Tous les films sont logés à la même enseigne et le budget n’est pas une chose qui rentre en ligne de compte dans la sélection. Vous n’avez pas de cahier des charges à respecter, pas besoin de faire partie de tel ou tel réseau…
Parlez-nous de l’actrice que l’on voit dans cette balade qui tourne mal ?
Anne-Sophie Liban est très talentueuse. Nous avons fondé une compagnie de théâtre, « le Homard Bleu » qui est basée en Drôme provençale. Nous avons également fait un certain nombre de court-métrages ensemble. Elle n’hésite pas à totalement s’investir dans les rôles. Il y a quelques années elle jouait une femme atteinte de leucémie et il n’a pas fallu bien longtemps pour la convaincre de se raser la tête entièrement.
Propos recueillis par Mathieu Seller
Soutenez « Calme-toi, chérie ! » de Matthias Fortune Droulers et Anne-Sophie Liban, au Nikon Festival en votant en ligne à partir de ce lien.