Camp des Milles. Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et en hommage aux Justes de France

Publié le 27 juillet 2019 à  20h37 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  12h06

En cette journée se pose encore une fois une question plus que jamais indispensable, 77 ans après les déportations et résistances au Vel’ d’Hiv’ et au Camp des Milles, alors que les témoins de cette période disparaissent : Que faire de cette terrible histoire ? Pourquoi revenir sur les souffrances du passé ? Qu’est-ce que cela peut changer ?

Serge Gouteyron a transmis le message de Geneviève Darrieussecq © Fondation du Camp des Milles-Mémoire et Éducation.
Serge Gouteyron a transmis le message de Geneviève Darrieussecq © Fondation du Camp des Milles-Mémoire et Éducation.
Dépôt de gerbe © Fondation du Camp des Milles-Mémoire et Éducation.
Dépôt de gerbe © Fondation du Camp des Milles-Mémoire et Éducation.

Serge Gouteyron, Sous-Préfet de l’arrondissement d’Aix-en-Provence apporta l’essentiel de la réponse avec le message de Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des Armées, lors de la cérémonie de commémoration qui vient d’avoir lieu ce jour au Camp des Milles, en présence de nombreux élus, porte-drapeaux et citoyens. Ce message évoque d’abord la Rafle du Vel’ d’Hiv’ devenu le symbole des Rafles de Juifs en zone occupée et en zone non occupée comme aux Milles. «La rafle des 16 et 17 juillet 1942 est une blessure qui ne cicatrisera jamais. Les cris des enfants séparés de leurs parents sont loin mais nous les entendons toujours. Les larmes des familles déchirées se sont éloignées mais elles nous émeuvent encore. La tragédie du Vel d’Hiv demeure une plaie vive dans nos mémoires. Assurément, elle est une blessure à l’âme de la France. La réalité est là : implacable et douloureuse. Ce jour-là, 13 152 hommes, femmes, enfants ont été raflés. Pourquoi ? Parce qu’ils étaient Juifs. Où ? Dans les rues de Paris et de sa banlieue. Par qui ? Par des Français sous l’autorité du gouvernement de Vichy, auxiliaire zélé de l’occupant. Ces crimes abjects sont indélébiles (…). (…) Depuis 1995, notre pays regarde son histoire avec clarté et vérité, et par-delà les alternances politiques maintient le message de Jacques Chirac : « La France, patrie des Lumières et des Droits de l’Homme, terre d’accueil et d’asile, la France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux. » Alors que les idéaux de la France et de la République étaient bafoués, des femmes et des hommes -des héros anonymes – ont maintenu la flamme de l’honneur et de la dignité. Partout dans notre pays, ils ont bravé le danger pour sauver d’une mort certaine des milliers d’innocents. Ils ont caché des enfants par centaine. Même au fond de l’abîme, la solidarité et l’attention à son prochain n’avaient pas disparu. Même dans la tragédie, il y eut des Justes, il y eut des flambeaux d’humanité.»

«Justes parmi les Nations»

Parmi eux, le Pasteur Henri Manen, son épouse Alice, Auguste et Marie-Jeanne Boyer, le Pasteur Marc Donadille et son épouse Françoise reconnus, comme douze autres personnes, «Justes parmi les Nations» pour leurs actions en faveur des internés et déportés des Milles. Les actes des Justes sauvèrent ainsi des vies innombrables et constituèrent souvent des obstacles importants face à la politique raciste, antisémite et criminelle du Régime de Vichy, qui déporta deux mille juifs du Camp des Milles, parmi lesquels une centaine d’enfants. Abraham, Marie, Helena, Max, Sarah…Tous ces noms lus dans un silence empli d’émotion faisant écho à la chanson «Comme toi» de Jean-Jacques Goldman qui introduisit la cérémonie. Pour se souvenir, mais aussi pour rappeler des parcours de vies brisés qui doivent nous inciter à agir, dès les commencements, face aux intolérances. Pour évoquer l’horreur que furent ces déportations, Alain Chouraqui, Président de la Fondation du Camp des Milles – Mémoire et Éducation, lut un extrait du témoignage de Raymond Raoul-Lambert, Directeur Général de l’UGIF, mort en déportation avec sa femme et ses quatre enfants : «Le 1er et le 2 septembre, je remonte aux Milles puisqu’un départ est prévu pour le 3 et je tiens, avec S…, à tenter d’opérer quelques sauvetages. Mais la police s’énerve et le chiffre n’est pas atteint… Dans la nuit du 1er au 2 on fait l’appel des partants et l’on meuble les wagons dans un désordre inhumain. Des enfants sont portés dans le train sans lait. Les scènes de désespoir se multiplient. J’ai honte de mon impuissance, mais il faut rester là pour avoir vu. Des gens que j’ai sauvés des deux premiers départs sont repris cette fois sans aucun examen. (…) Les policiers pleurent (…) De tels tableaux marquent de honte un régime (…) Le plus triste c’est la méprisable lâcheté des fonctionnaires en place qui, chargés d’exécuter des mesures inhumaines, n’ont pas le courage de se démettre ou au moins d’avouer leur dégoût.»
Alain Chouraqui insista sur le rôle des Justes et des actes justes «qui doivent à nouveau nous interpeller aujourd’hui encore où nous voyons progresser les engrenages des intolérances et dans une période où nous nous sommes déjà habitués à la mort», citant pour exemple les réfugiés de guerres et de persécutions qui meurent noyés en mer presque sous nos yeux, «Notre devoir élémentaire d’humanité nous impose de leur tendre la main, comme les Justes ont su le faire.» Dan Amiach, Président de la communauté juive d’Aix-en-Provence, souligna l’important travail de transmission du Site mémorial du Camp des Milles envers les jeunes, mais également des cérémonies de commémoration, qui permettent de «raviver la flamme des Justes» et de « continuer à se battre pour perpétuer la mémoire. Pour cela, il est important de transmettre à nos enfants ce que l’on vit au cœur de ces cérémonies.»
Un appel à l’éducation et à la vigilance, qui conclut le message de Geneviève Darrieussecq : «Que les Français de notre siècle et que notre jeunesse qui porte nos espérances n’oublient pas le pire. Qu’avec ce souvenir nous soyons capables de produire le meilleur. La fraternité, la tolérance et la dignité humaine n’ont pas de prix. C’est un combat qu’il faut mener sans cesse contre l’ignorance, le racisme, l’antisémitisme et le négationnisme.»
S.C.

Articles similaires

Aller au contenu principal