« Ce n’est pas fini, écoutez, on crie encore »
Pour honorer toutes les victimes de la déportation et combattre les intolérances aujourd’hui et demain :Abraham, Myriam, Hans, Anna, Susy, Otto…
Des noms suivis de l’âge des enfants s’élèvent dans le silence et le recueillement des invités devant le Wagon du Souvenir, au Camp des Milles. Ils sont lus d’une voix parfois tremblante, parfois douce, par Salomé, 10 ans, puis par Juliette 18 ans.
Ce sont les noms retrouvés de la centaine d’enfants déportés du Camp des Milles en août et septembre 42 vers Auschwitz où ils furent assassinés.
Puis, « pour se rappeler que, face aux extrémismes et aux fanatismes il est possible d’agir au nom du vivre ensemble et des valeurs de justice, de tolérance et d’humanité ». Alain Chouraqui, président de la Fondation du Camp des Milles-Mémoire et Éducation, égrène les noms des Justes des Nations ayant œuvré au camp des Milles. Et parmi eux, Auguste et Marie-Jeanne Boyer, le Pasteur Henri Manen et son épouse Alice, dont le fils avait tenu à être présent à cette commémoration.
Il évoque le « Mur des Actes des Justes » du Site-Mémorial, qui montre « la grande diversité des actes de courage et de sauvetage qui sauvèrent des vies face aux crimes génocidaires contre les Arméniens, les juifs, les Tziganes et les Tutsis au Rwanda…puissant encouragement pour notre foi en l’humain dans l’homme ».
Malgré la pluie, de nombreuses personnes étaient présentes, élus, représentants diplomatiques, représentants associatifs et communautaires et simples citoyens. Et toutes se sont souvenues de cette histoire tragique au camp des Milles mais aussi de celle qui toucha les Tziganes, les homosexuels, les handicapés, les francs-maçons, les syndicalistes, les démocrates, les opposants…
Organisée à l’invitation du maire d’Aix-en-Provence et de son conseil municipal, de la « Fondation du Camp des Milles-Mémoire et Éducation », de l’association du Wagon-Souvenir et du Site-Mémorial des Milles, de l’Union Locale des Anciens Combattants ainsi que du Comité d’Entente d’Associations d’Anciens Combattants et Patriotiques du Pays d’Aix, cette commémoration devait rappeler à tous le drame historique exceptionnel que fut la déportation et rendre hommage à toutes les victimes, survivantes ou disparues.
Après le dépôt des gerbes devant les drapeaux du monde combattant, l’émotion est palpable dans l’assemblée lorsque Denise Toros Marter, déportée à 16 ans à Auschwitz, fait la lecture du «Testament d’Auschwitz » « Afin que nul n’oublie, afin que nul ne doute, afin que nul ne nie ».
Elle exprime ainsi le vœu d’une transmission de la mémoire et de ses leçons : «Puisse le Mémorial des Milles en Provence pour lequel nous nous sommes investis depuis des années, apporter aux jeunes gens qui le visiteront toute la dimension pédagogique recherchée pour faire barrage à la haine ! »
Jean-Louis Medvedowsky, président de l’Union des Déportés, Internés, Familles de Disparus et Fusillés de la Résistance aixoise souligne alors « l’augmentation inquiétante des actes racistes et antisémites en France ». Il rappelle que les déportations commémorées « qui sont le symbole des crimes contre l’humanité commis au cours du XXe siècle, ont été conçues, organisées, réalisées par un pouvoir totalitaire dont l’idéologie était basée sur le racisme, notamment l’antisémitisme, sur le rejet de tous ceux qui n’acceptaient pas la norme de ce pouvoir, et donc sur le mépris de la liberté et des droits de la personne humaine ».
Sophie Joissains représentant le maire d’Aix-en-Provence s’interroge : « Qu’est-ce qu’une Europe qui ne peut pas faire respecter les Droits de l’Homme ? Qu’est-ce qu’une Europe qui permet que dans un pays qui n’est pas si lointain l’on puisse demander la liste des personnes qui sont dans le champ du pouvoir et qui sont de confession juive? ». Et de conclure en rappelant les propos d’Alain Resnais après la réalisation de son film Nuit et Brouillard : « Ce n’est pas fini, écoutez, on crie encore ! ».
Enfin,Yves Lucchesi, sous-préfet d’Aix-en-Provence, représentant l’État, lit un message rédigé conjointement par les grandes associations nationales de déportés précisant que « c’est surtout dans les moments de crise que resurgissent les discours antidémocratiques, xénophobes, racistes et antisémites (…) il est essentiel que les générations nouvelles reconnaissent dans d’autres discours les vociférations d’Adolf Hitler et la voix soumise de Philippe Pétain. Ainsi averties elles pourront combattre le danger s’il se présente ».
Cette commémoration s’est poursuivie par un autre temps de recueillement au Centre-ville d’Aix où un hommage était rendu place des Martyrs de la Résistance, à toutes les victimes aixoises, déportés et fusillés de la Résistance.