CANNES : LE FESTIVAL A MI-PARCOURS

Le temps passe vite sur la Croisette : après le lancement du 66ème Festival International du film de Cannes mercredi dernier, le jury en a terminé ce lundi 20 mai avec la première moitié des vingt films en compétition pour la Palme d’or. Petite escapade cinéphile en dix arrêts.

Jeune et jolie (François Ozon)
23 ans et déjà la Croisette à ses pieds ? La conclusion est assez rapide, mais l’ex-mannequin Marine Vacth a enflammé le Festival dès son premier jour de compétition. Venue au cinéma avec un premier rôle chez Cédric Klapisch, la jeune femme n’a pas froid aux yeux. Elle joue cette fois une demoiselle ravie… de se prostituer. L’odeur de soufre s’est toutefois assez vite dissipée. Bien que réalisé par l’un des réalisateurs les plus prolifiques du cinéma français contemporain, le film ne semble pas avoir emballé les festivaliers.

Heli (Amat Escalante)
Né à Barcelone, mais de nationalité mexicaine, le réalisateur a signé le premier coup de poing de ce Festival 2013. Il est sûrement difficile de faire autrement quand on parle d’enlèvements d’enfants et de trafics de drogue. Face à ses premiers détracteurs, le cinéaste a affirmé représenter ce qui est presque la réalité quotidienne de son pays. L’argument fera-t-il mouche pour l’unique représentant de l’Amérique hispanique en sélection ? Pas sûr, mais il est vrai qu’un autre Mexicain, Carlos Reygadas, avait reçu l’an passé le Prix de la mise en scène.

Le passé (Asghar Farhadi)
Une certitude : ce film-là avance de très solides arguments pour une récompense future. Tourné à Paris, il est le nouveau long-métrage du cinéaste iranien connu pour avoir réalisé Une séparation, l’un des succès-surprises de 2011. Cerise sur le gâteau : il s’appuie cette fois sur quelques noms très appréciés de la critique française, Tahar Rahim et Bérénice Bejo. Resterait donc à transformer l’essai, ce qui n’est pas gagné d’avance. Il faudra évidemment pour cela que cette histoire tourmentée d’une famille à la dérive sache convaincre… le jury.

A touch of sin (Jia Zhangke)

Parce que Cannes aime les surprises, on misera bien quelques euros sur la présence de ce film chinois au palmarès. Son auteur est en effet plutôt connu pour sa douceur et, cette fois, il a signé une œuvre portée sur la violence. Le long-métrage se découpe en quatre segments distincts et s’inscrit dans la Chine d’aujourd’hui, et notamment ses zones rurales, ce qui fait également parler sur la Croisette. Peu connu dans son pays, le réalisateur est un visage connu en Occident : en 2006, son film Still life lui a valu le Lion d’or de la Mostra de Venise.

Tel père, tel fils (Hirokazu Kore-eda)
Le moins qu’on puisse dire, c’est que le cinéaste japonais n’est pas un rigolo ! Il signe toutefois des œuvres marquantes, souvent faites de ces petits riens qui font la vie et la mort des hommes. Plusieurs fois candidat à la Palme, il n’en a encore gagné aucune, mais a permis à Yûya Yagira, son très jeune compatriote, de décrocher le plus précoce des Prix d’interprétation : c’était en 2004, avec le bouleversant Nobody knows. Cette année, le film présenté s’oriente sur la question de la paternité. Un autre sommet d’émotion, dit-on…

Jimmy P. (Arnaud Desplechin)
Le réalisateur français exporte son cinéma aux Etats-Unis avec ce film et, pour accompagner son fidèle Mathieu Amalric, a recruté Benicio del Toro, déjà récompensé à Cannes en 2007 pour avoir endossé le treillis de Che Guevara. L’audace paiera-t-elle ? Le long-métrage s’annonce en tout cas assez « pointu » et plutôt bavard, autour des séances de psychanalyse d’un soldat revenu traumatisé des combats de la Seconde Guerre mondiale. Les premiers échos venus de la Croisette ne sont pas particulièrement flatteurs…

Borgman (Alex van Warmerrman)

Quasi-inconnu en France, le réalisateur néerlandais semble avoir signé le film le plus décalé de toute la sélection cannoise. Un vagabond s’y incruste progressivement dans une famille bourgeoise, pour le meilleur… et peut-être bien pour le pire, aussi. Il semble y avoir là quelque chose qui ressemble à du Michael Haneke, ce qui serait bon signe pour l’auteur compte tenu de la popularité de son confrère autrichien sur la Croisette. Pas garanti cependant qu’il puisse se dégager un consensus autour de cette œuvre atypique.

Inside Llewyn Davis (Ethan et Joel Coen)
Américains, cinéastes juifs et franchement drôles : les frangins ont bien des points communs avec Woody Allen. Une différence majeure, aussi : eux ont déjà obtenu une Palme d’or. Rentreront-ils dans le cercle très fermé des doubles lauréats ? Possible. Les voir au palmarès final ne serait pas une grosse surprise : outre donc la récompense suprême, ils ont déjà glané trois Prix de la mise en scène par le passé. Autre augure favorable : leur nouvel opus, portrait d’un chanteur folk des années 60, recueille déjà une certaine adhésion sur la Croisette.

Un château en Italie (Valeria Bruni-Tedeschi)
Une première réussite pour la cinéaste : elle affiche son nom comme celui de la seule femme réalisatrice en lice pour la Palme d’or. Les gazettes people paraissent du coup tourner la page et s’être lassés de la présenter comme la sœur de Carla : une bonne nouvelle pour le cinéma ! Il se pourrait toutefois qu’à chasser le naturel, ce dernier revienne au triple galop. Le film annoncé est en effet présenté comme le nouvel opus d’une œuvre d’essence autobiographique. Avec de la tendresse, paraît-il, plutôt que de croustillantes révélations…

Shield of straw (Takeshi Miike)

Il y aurait beaucoup de choses à dire pour situer le réalisateur japonais. Pour ne pas dévoiler trop de détails, on soulignera simplement qu’il a créé l’événement il y a deux ans, étant alors le premier à présenter un film 3D en compétition pour la Palme d’or. Alors reparti bredouille de ce séjour sur la Croisette, il est depuis repassé au format 2D classique. On sait aussi qu’après le remake d’un film de samouraïs, Cannes a cette année vu un thriller contemporain. Bilan de la première projection : applaudissements et huées mélangés.

Une première conclusion ?
La tâche du jury s’annonce ardue, car aucun film ne semble vraiment dominer la compétition pour le moment. Certes, les Coen ont l’air en forme, Farhadi ferait une très jolie Palme symbolique et Kore-eda séduit toujours pour la manière dont il dirige les enfants. Il reste toutefois dix autres longs-métrages à découvrir. Autant dire que le suspense demeure…

Martin DE KERIMEL

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