Publié le 3 juin 2019 à 9h14 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h47
Que faire pour construire une société plus intégrée, sans exclus, à Marseille ? Un collectif d’associations, sous l’égide du Secrétariat Social de Marseille, centre chrétien de réflexion représentant le christianisme social, vient de se réunir au centre diocésain de Marseille, Le Mistral. A l’ordre du jour, réfléchir, pendant près de 6 mois, à des propositions pour les présenter, fin 2019, en Préfecture. Le gouvernement qui vient de lancer un Plan pauvreté a bien accueilli cette démarche de la société civile. Un comité de pilotage va d’ailleurs être officiellement mis en place, en Préfecture, au mois de juin.
Philippe Langevin, économiste, Président de l’ARDL (Association régionale pour le développement local en Provence) revient sur la genèse de cette action collective, son document de mai 2018, «Pauvres à Marseille, un besoin urgent de fraternité !». Document qui dresse le portrait de Marseille, ville pauvre et inégalitaire où 30 à 40% de la population sont des pauvres -entre des sans-abri visibles et « des gens de peu » et une bourgeoisie moyenne inférieure « invisibles » et, un enjeu supplémentaire, l’accueil de migrants-. Une ville qui se développe mais qui, selon lui, n’est pas «une société intégrée», au contraire. Une ville où l’emploi et le logement posent problème. «Après l’analyse vient le temps de l’action, demander aux acteurs qu’est-ce que l’on pourrait faire? Qu’est-ce qu’ils pourraient faire pour limiter pauvreté et précarité», interroge Philippe Langevin. Évoque alors les acteurs qu’il sollicite: «l’État d’abord puis, les collectivités locales, le secteur associatif, les entreprises, les citoyens… tous ceux qui ont quelque chose à dire ou à faire pour retrouver l’unité de la cité». Sollicite notamment des associations pour «des propositions concrètes, précises, chiffrées, que l’on puisse présenter aux services de l’État et aux collectivités, dans le cadre du Plan pauvreté». Pour cette étape opérationnelle, cite des associations comme «ATD Quart Monde, le Secours Catholique ou encore le Secours Populaire»; leurs actions pour passer d’une «société du bien à une société du lien». «Ce qui manque aujourd’hui à ces populations, insiste-t-il, c’est le réseau social qui fait l’intégration, … le problème n’est pas uniquement monétaire mais sociétal. Comment les rétablir dans des relations de partenaire, d’acteur par rapport aux grands événements d’aujourd’hui, par rapport aux grands acteurs économiques». Met en exergue la nécessité de «lutter contre l’isolement» et souligne qu’«à Marseille, vous avez presque 40% des ménages composés d’une seule personne, des gens qui ne parlent jamais à personne». Pour lui: «il y a quelque chose à construire de collectif et pour le bien commun». A Marseille, «on ne crée plus d’emplois, déplore-t-il, on a des problèmes de qualification, de formation, de mobilité». Cependant, il reste résolument optimiste et espère beaucoup d’autres «réflexions que l’on pourra partager avant de les porter aux autorités responsables». Enfin pour convaincre chacun de penser aux pauvres, il avance : «L’intérêt général le commande, quand la Ville est une ville de grande disparité c’est toute la population, toute l’économie, toute la société qui est impliquée». Rappelle son article «Marseille n’existe pas», «l’idée est de montrer que c’est la solidarité qui fait la ville, c’est la fraternité qui fait du développement, ce ne sont pas uniquement les individus qui font leur destin». philippe_langevin_21_05_2019.mp3 Jean Pugens président de l’association «Que vivent les services publics des Bouches-du-Rhône» précise que ses propositions vont au-delà de la question de la gratuité des transports et concernent tous les services publics qui doivent rester dans le cadre d’une «maîtrise publique, pour maîtriser les coûts et permettre l’accès (à tous), dans une démarche citoyenne». Pense que la gratuité des transports, sur la métropole Aix-Marseille-Provence peut aider à combattre la pauvreté, «un élément essentiel pour aider les plus démunis à se déplacer, pour aller travailler, chercher du travail, pour se cultiver, aller faire des études». Il se fait l’écho d’une étude qu’il a réalisée qui montre que sur la métropole «le coût du ticket représente 20% du coût du transport», la gratuité est donc «finançable par le versement transport des entreprises de plus de 11 salariés.Ce qui donne droit aux entreprises de participer à l’élaboration du « Plan transport »». Et avance un autre argument: «La gratuité c’est moderne», de nombreuses villes en France en Europe et dans le monde y réfléchissent ou y sont passées. Pour Jean Pugens : «La gratuité, c’est quelque chose qui doit dépasser les partis politiques, qui doit s’inscrire dans la vie de la cité, au sens noble de la vie politique». Il en vient à un autre enjeu de santé publique en évoquant la qualité de l’air: «Les transports sont responsables de 40% de sa dégradation». Note que, dans le monde entier, on cherche des solutions «pour abandonner un petit peu la voiture individuelle» grâce aux transports en commun, le covoiturage ou «les déplacements doux, comme le vélo, la trottinette et, marcher à pied sur des trottoirs y compris sur des trottoirs en bon état…». Même s’il voit les choses évoluer, il ne cache pas son inquiétude sur le manque de financements. «Aujourd’hui pas plus l’État que la Métropole ne mettent les moyens nécessaires». jean_pugens_president_que_vivent_les_services_publics_21_05_2019.mp3 Propos recueillis par Mireille BIANCIOTTO