Un public nombreux se pressait, ce vendredi 4 avril, pour la cérémonie commémorative du génocide arménien à l’Hôtel de région. Cérémonie au cours de laquelle a été dévoilée une bâche commémorative qui restera durant tout le mois d’avril sur la façade de l’institution.
« Se souvenir pour ne jamais oublier ! Ne jamais oublier ce qui commença par une rafle d’intellectuels dans la nuit du 23 au 24 Avril 1915 à Constantinople pour se transformer en une folie et une barbarie exterminatrice voulues. Ne jamais oublier, les déplacements forcés des populations, déportations massives, exécutions sommaires, abandons inhumains des plus fragiles et enfin, les camps de concentration. Ne jamais oublier, l’inqualifiable ! Au lendemain du génocide, ce sont des dizaines de milliers d’arméniens qui ont trouvé refuge en France dans laquelle ils ont trouvé une véritable nation-sœur », rappelle avec gravité Renaud Muselier, le président de la région Sud. « En 2001, ajoute-t-il, sous la présidence de Jacques Chirac, la France a reconnu publiquement le génocide arménien de 1915, scellant ainsi un lien éternel et indéfectible avec les Arméniens. Et je ne peux imaginer un seul instant que nous laissions le moindre espace aux négationnistes ou aux relativistes de l’histoire. » Au-delà des mots, la Région a voté tout au long de l’année près de 200 000 € notamment pour apporter son soutien aux habitants du Lori touchés par les intempéries (aide humanitaire de produits de première nécessité). Ce sont aussi 400 000 € qui ont été investis dans l’école Hamaskaïne pour accompagner leurs investissements d’agrandissement qui ont été inaugurés le 14 septembre 2024. Enfin dans quelques jours, la Région et le Conseil de Coordination des organisations Arméniennes de France (CCAF) lanceront un convoi humanitaire et de solidarité pour la Région de Lori.
« Ce 110e épisode commémoratif prend place dans un hoquet de l’histoire. »
Puis le président de Région revient sur l’actualité : « Ce 110e épisode commémoratif prend place dans un hoquet de l’histoire. Le monde se polarise et connaît une accélération des mutations géopolitiques comme jamais il n’en a connu. L’ensemble des grands équilibres que nous connaissions depuis plusieurs décennies volent en éclats les uns après les autres. Et nous nous retrouvons pris dans une réalité internationale qui n’a jamais été aussi complexe car protéiforme et constituée de crises simultanées. Alors que le concept même de guerre froide semblait enterré et dédié aux livres d’histoire, la Russie se dresse en ennemi de l’Occident. L’élection de Donald Trump a entraîné un renversement des alliances et le débat d’une guerre commerciale avec l’Europe. »
Renaud Muselier poursuit : « Alors qu’Israël avançait dans un processus “les accords d’Abraham” de normalisation avec le monde arabo-musulman, le Hamas a sonné la fin de la Paix et a bouleversé l’équilibre au Proche-Orient. En Syrie, les actes de barbaries se multiplient contre les chrétiens d’orient, la Région leur apportera son soutien lors de notre prochaine plénière sous forme d’aide humanitaire. » Et, dans ce contexte, signale-t-il : « Etouffée par ces conflits majeurs ultra médiatisés, l’Arménie vit à bas bruit le plus grand des chaos qu’elle n’ait jamais connu, désormais amputée de la République du Haut Karabakh avec l’exode de plus de 100 000 personnes sans aucun espoir de retour, elle tremble pour son intégrité territoriale à venir face à des azéris qui ne semblent pas forcément enclins à en rester là. » Puis d’avoir une pensée pour les prisonniers politiques « notamment pour Araik Haroutounian que nous avions reçu à la Région et pour Ruben Vardanian qui a entamé une grève de la faim. » D’ insister sur le fait que la Région Sud a dénoncé l’organisation de la COP 29 à Bakou et n’y a pas participé. « Un pays responsable de crimes de guerre, d’une épuration ethnique, de la destruction du patrimoine millénaire arménien d’Artsakh, condamné pour ces faits par la cour de justice internationale, qui maintient toujours de nombreux otages, ne peut pas être l’hôte d’une rencontre internationale où se décide l’avenir de la planète.»
« Ensemble nous devons faire bloc face à ceux qui veulent nous diviser »
Renaud Muselier invite à « un optimisme de combat » alors que « ce 110e épisode commémoratif s’inscrit dans un contexte national et international bouleversé. C’est dans ces moments-là que l’on doit se retrouver autour de nos valeurs communes et de notre République, dont la communauté arménienne fait pleinement partie. Nous partageons les valeurs de la liberté, d’égalité et de fraternité.»
« L’Artsakh est le symbole contemporain de toute la problématique arménienne »
Pour Aurore Bruna, co-présidente du CCAF Sud : «Le génocide de 1915 est la pierre angulaire et structurante de notre communauté. Le fait générateur d’une communauté apatride- sans retour possible- et qui, aujourd’hui, que ce soit au Liban, en Ukraine, en Syrie, en Arménie est encore menacée.» Considère l’Artsakh «comme le symbole contemporain de toute la problématique arménienne où, faute de condamnation, le génocide s’est poursuivi en 2023. Et, une fois l’Artsakh tombé dans l’escarcelle de l’impérialisme turc, de nouveaux apatrides arméniens sont venus grossir les rangs des réfugiés de la planète. » Dans ce vaste plan de conquête, après l’Artshakh, Aurore Bruna craint que l’intégrité territoriale de l’Arménie soit visée. Elle précise : «L’Azerbaïdjan occupe toujours 200 km² du territoire arménien et multiplie ses menaces sur l’Arménie qu’il qualifie d’Azerbaïdjan occidental confirmant, s’il le fallait, ses désirs funestes. La prochaine étape annoncée est l’occupation du sud de l’Arménie pour établir une continuité territoriale entre la Turquie, l’Azerbaïdjan et les autres pays turciques. Toujours cette même volonté d’anéantissement et l’absence de sanction. » Alors pour Aurore Bruna : « Ces cérémonies sont importantes pour le signal qu’elles envoient aux oppresseurs, aux négationnistes que sont Erdogan et Alieyv qui nous font le beau compliment de dire que nous sommes une diaspora toxique car nous dénonçons leurs plans. Eh bien oui, nous ne cesserons jamais de revendiquer la reconnaissance et la réparation du crime. Nous savons que le crime de génocide est imprescriptible.»
« C’est un honneur d’être un obstacle à un dictateur »
Azad Balalas Kazandjian, également vice-président du CCAF Sud déplore à son tour : «Nous sommes obligés d’élever la voix alors que nous devrions uniquement honorer nos morts. Mais le danger est là. Le peuple arménien est menacé par l’Azerbaïdjan qui avance masqué derrière ses pipelines, qui attaque la France parce qu’elle ose soutenir les Arméniens. Bakou organise des campagnes de désinformations, prétend défendre la décolonisation mais c’est comme si la Corée du Nord défendait la démocratie. » Il dénonce le procès que va organiser l’Azerbaïdjan contre 17 dirigeants de l’Artsakh dont la France et l’Europe demandent la libération immédiate. Et Azad Balalas Kazandjian ne croit pas « le régime de Bakou lorsqu’il dit vouloir signer un traité de paix avec l’Arménie. Comment le croire alors qu’il menace, occupe 200km², exige l’abandon de la constitution. » Et il lance : « C’est un honneur d’être un obstacle à un dictateur, à l’obscurantisme. »
Le consul général d’Arménie à Marseille, Ara Mkrtchian, lance un appel «à l’union de la communauté arménienne avec ses amis, en premier la France. Si nous ne sommes pas unis nous serons un peuple sans patrie. »
Michel CAIRE*
