Publié le 1 mai 2020 à 17h11 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 11h16
A l’occasion de cette fête du travail historique car confinée, le mot d’ordre des principales organisations syndicales était de partager via les réseaux sociaux les discours des secrétaires généraux. L’autre consigne à suivre était de créer une visibilité depuis les domiciles avec des pancartes aux balcons. Ce jeudi 30 avril, plusieurs représentants locaux d’organisations syndicales avaient convié la presse à participer à une visioconférence afin de planter le décor de cette fête du travail atypique. Ils en ont profité pour fustiger les politiques des derniers gouvernements, et pour lancer des revendications précises.
Caroline Chevé, secrétaire académique adjointe du syndicat SNES-FSU, porte parole de la FSU, a pris la parole en premier : «C’est donc un 1er mai inédit, sans manifestations, pancartes, muguets… mais des actions sur les réseaux sociaux vont se passer, car c’est un point de repère pour tous les travailleurs, et, dans la situation de confinement actuel, il y a selon moi l’idée d’articuler le mouvement social sur le temps long. La crise sanitaire a interrompu précisément le mouvement social né de la réforme des retraites. Ce 1er mai doit être un point d’appui sur les revendications syndicales, pour signifier qu’il ne devra pas avoir de retour en arrière après cette crise sanitaire.»
Yann Manneval, secrétaire de l’Union départementale de la CGT, a tenu à insister sur les conditions de travail, actuelles et futures. «La reprise a donc été fixée le 11 mai, pourtant beaucoup de salariés ont continué à se rendre sur leur lieu de travail pour bosser dans des conditions plus que déplorables. On nous a mis aussi dessus des ordonnances pendant cette période, à l’exemple des 5 jours mensuels de repos à enlever pour certains salariés sur avril, puis mai. Le patronat tente de faire avancer les salariés à marche forcée… Il y a aussi des secteurs où cela se dégrade encore davantage. Je pense à la sidérurgie, où la situation est problématique chez Arcelor. Air France vient d’annoncer que 70 % des salariés pourraient être encore en chômage partiel pendant un an. Cela donne le ton de ce qui nous attend.» Il poursuit : «Il y a un effet d’aubaine pour les patrons, la crise sanitaire a mis en avant la crise du système capitaliste. Il va falloir construire ensemble des alternatives pour pouvoir sortir par le haut de cette crise, en dépassant le cadre purement syndical. C’est la position de la CGT dans les Bouches-du-Rhône aujourd’hui.»
« On constate aujourd’hui que nos anciens sont dans les mains de la finance et des fonds de pension ! »
Hélène Honde, secrétaire de l’Union départementale CGT 13, en charge des questions de la santé, a précisément livré son diagnostic : «On peut voir que les hôpitaux sont privés des outils les plus élémentaires. Il y a moins d’un an, je rappelle à tous que nous étions rassemblés devant les ARS (Agences Régionales de Santé NDLR) pour protester contre la politique menée dans les Ehpad. On constate aujourd’hui que nos anciens sont dans les mains de la finance et des fonds de pension ! On voit aussi que l’industrie du médicament est là pour satisfaire les grands groupes pharmaceutiques. La situation sanitaire a été organisée par les derniers gouvernements qui se sont succédé. Le résultat est qu’il n’y a plus de médecine scolaire, par exemple.» Et elle lance un appel à tous les salariés «pour reprendre leur avenir en main, pour en finir avec un système du monde de la finance qui tue.»
« Je pense sincèrement que les manifestations de rue pour ce 1er mai auraient été encore plus massives cette année »
Frédéric Michel, secrétaire de l’Union syndicale Solidaires 13, cheminot de profession, formule des demandes concrètes en direction du gouvernement pour la sortie de la crise : «On assiste à une non-gestion de cette pandémie, et je pense sincèrement que les manifestations de rue pour ce 1er mai auraient été encore plus massives cette année. On risque d’avoir un monde d’après pire que le monde d’avant. Nous n’avons pas le choix : le 1er mai doit être l’occasion de lancer une contre-attaque pour ne plus subir ce monde, pour s’opposer et contrer les licenciements. Il faut déjà pour cela que le Covid-19 soit considéré au plus vite comme une maladie professionnelle. Je vous annonce aussi qu’il y a déjà une grande quantité de dépôts de plaintes dans les Ehpad auprès de l’État. La réalité aujourd’hui est que ce sont les premiers de cordée qui ont fait tourner notre économie depuis les dernières semaines. La réalité est qu’une pression s’exerce du ministère du Travail, avec des consignes pour dire aux inspecteurs de la jouer tranquille dans la période actuelle. Il y a pourtant le constat en ce moment que bon nombre de salariés n’ont pas de masques et ne peuvent pas respecter le protocole sanitaire.» Pour les salariés exerçant dans les transports publics, il entend encore tirer la sonnette d’alarme : «Il n’y a toujours pas de distribution de masques, on ne sait pas comment ils vont pouvoir s’organiser ? Aussi l’exercice du droit de retrait ne doit pas être vu dans ces conditions comme une menace ou un chantage. Tout a été fait pour se priver du dialogue avec les salariés en enlevant le rôle dédié aux instances représentatives, à l’arrivée, c’est tout le monde qui y perd.»
« Ce sont les salariés les moins bien payés qui soutiennent notre économie aujourd’hui »
Une dernière idée clairement reprise par Caroline Chevé, enseignante : «Bien sûr qu’il faut rouvrir les écoles, l’Éducation est le premier besoin du peuple, mais pas dans n’importe quelles conditions ! L’annonce de la date du 11 mai a pris tout le monde de court. C’est une situation inadmissible, dans l’immédiat il faut écouter les enseignants pour pouvoir reprendre dans de bonnes conditions. Je rappelle à ce titre que les CHSCT (Les Comités d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail : ce sont les organismes qui participent à la protection de la santé et de la sécurité des salariés ainsi qu’à l’amélioration de leurs conditions de travail NDLR) existent dans la fonction publique, mais sont voués à disparaître. Ils permettent d’associer les salariés aux décisions prises vis-à-vis des conditions de travail. Il faut un retour généralisé de ces CHSCT.» La porte parole de la FSU enchaîne sur le rôle des services publics à revaloriser, dans tous les sens du terme : «Ils sont salués dans cette crise, il va falloir et vite penser à la redistribution des richesses. Car ils ont subi toutes les attaques du gouvernement ces derniers mois, et ont fait preuve de leur solidité pour répondre aux enjeux. Il ne faudra pas l’oublier. Ce sont les salariés les moins bien payés qui soutiennent notre économie aujourd’hui : à savoir les professionnels de la santé publique, professeurs, agents de voirie… Ce sont eux, aussi, qui vont soutenir après coup une société traumatisée. Il va falloir penser à leur donner les moyens pour cela. »
« S’attaquer aux questions de la sous-traitance en sécurisant les salaires, en stabilisant les statuts »
La conclusion pour le secrétaire de l’Union syndicale Solidaires 13, Frédéric Michel : «Il va falloir aussi neutraliser les licenciements ou prolonger les contrats chez les premiers de cordée. S’attaquer aux questions de la sous-traitance en sécurisant les salaires, en stabilisant les statuts. Cela doit passer par de la réinternalisation, au lieu de continuer à accepter la sous-traitance et la vacation. On pourrait aussi en profiter pour réduire le temps de travail à 32 heures. Ce peut être à l’avenir une manière de redistribuer les richesses, comme de répondre à l’urgence de relocaliser un certain nombre de productions pour répondre aux besoins sociaux. Le gouvernement est sur une fuite en avant. Il va falloir mieux partager le travail sans baisser les salaires. Des millions de Français vont connaître de gros soucis rien que pour manger. Il faut aussi que l’État arrête de nous vendre les questions liées à la santé ou l’économie comme des coûts, mais comme des ressources.»
Bruno ANGELICA
Le point sur la situation jugée très critique des intermittents du spectacle Parmi les autres revendications communes entendues pour ce 1er mai par les représentants syndicaux présents à cette conférence de presse : «L’idée de ne pas suspendre, mais d’arrêter le processus des réformes voulues par le gouvernement d’Édouard Philippe, que ce soit sur l’assurance chômage et la réforme des retraites.» Ils ont voulu mettre l’accent, encore, sur la situation actuelle déjà critique connue par bon nombre d’intermittents du spectacle. « A la différence de ceux travaillant pour les grands festivals, une majorité n’a pour le moment aucune nouvelle de leurs employeurs habituels. A Marseille, seul le Théâtre du Merlan à Marseille a annoncé qu’il paierait ses intermittents, c’est le seul à avoir rassuré dans ce sens » a-t-il été précisé. «Deux ans de galère» se profileraient à l’horizon de cette profession, « avec des contrats qui étaient en cours déjà arrêtés jusqu’à octobre». |