Publié le 12 juillet 2018 à 16h19 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h46
Dès qu’il est arrivé à Orange, le nouveau directeur des Chorégies l’avait proclamé urbi et orbi «Je débuterai ma programmation avec le « Mefistofele » de Boito». Chose promise, chose due, Satan, mis en scène par Jean-Louis Grinda lui-même, a conduit le bal en ce début juillet pour les deux représentations données au pied du mur. Retenus à Aix-en-Provence pour la première de «L’ange de feu» de Prokofiev, comme nombre de nos consœurs et confrères nous avons assisté à la deuxième représentation de l’opéra de Boito, ce lundi 9 juillet au soir. Pierre chargée de chaleur, léger mistral, même s’il n’avait pas fait le plein, le théâtre antique était copieusement garni et n’a pas évité l’abruti de service hurlant en début de représentation contre la sonnerie du téléphone mobile d’un autre énergumène qui avait oublié de la couper ou de la faire vibrer ! Jean-Louis Grinda n’a pas mis longtemps à prendre la mesure du mur, adaptant sa mise en scène à la majesté du lieu avec la complicité du décorateur Rudy Sabounghi, et des vidéos de Julien Soulier. Entre jardin et cour, Grinda dynamise l’action, jouant avec les quelque 150 choristes à sa disposition. Choristes au demeurant fort bien préparés, sous la coordination de Stefano Visconti, qui ont livré leur partie avec clarté et précision, ce qui est une belle performance à Orange où les interprètes sont souvent disposés sur plusieurs dizaines de mètres toujours entre jardin et cour. Performance que l’on doit aussi à la directrice musicale, Nathalie Stutzmann qui démontre, à cette occasion, l’étendue de son talent dans un domaine où elle pratique depuis quelques années seulement. A la tête d’un superbe Orchestre philharmonique de Radio-France elle livre une direction lumineuse et puissante de cette œuvre diabolique, avec des couleurs, de la chaleur et une extrême précision. De la belle ouvrage. Du côté des solistes, Erwin Schrott n’a pas besoin de forcer son talent pour incarner un Mefistofele aigrelet et hautain à souhait. Omniprésent, il tire sur son cigare, sûr de lui, de son rôle et de sa voix. Il est vrai que, concernant cette dernière, sa tessiture lui permet d’aborder l’œuvre en toute décontraction, passant de l’aigu au grave avec un même bonheur. Le Faust de Jean-François Borras est assuré, même s’il souffre parfois d’une projection limitée, et scéniquement très crédible. Concernant Béatrice Uria-Monzon, nous l’avons préféré en deuxième partie, où elle incarne Elena, plutôt qu’en Marguerite. Les graves sont là, le charme aussi. Marie-Ange Todorovitch est parfaite en Marthe délurée, Renaldo Macias et Valentine Lemercier complétant idéalement le casting. Avec ce «Mefistofele» de Boito, Jean-Louis Grinda n’a pas loupé son arrivée à Orange et devra avoir patience et persévérance dans les mois qui arrivent. Car si l’artistique ne pose pas de problèmes, aux Chorégies ce sont les finances qui donnent mal à la tête. D’ailleurs le programme de l’édition 2019 n’a pas été communiqué, comme les années précédentes, dès les premiers jours de ce mois de juillet… On doit discuter ferme autour de cette programmation !
Michel EGEA