Si l’on devait définir l’univers littéraire des « Volcaniques » le nouveau livre de Simon Berger, on pourrait dire qu’il arpente les chemins fictionnels de Julien Gracq. Né en 1997 à Clermont-Ferrand, ce jeune auteur surdoué, dont on a vanté ici les mérites de ses précédents ouvrages « Laisse aller ton serviteur » consacré à Bach, et « Jacob » qui cernait la personnalité et le destin d’un garçon voyageur, vannier, gitan, Bohémien, Yéniche construit une œuvre contemplative qui nous promène sur les rivages du sacré et de la mémoire. Dans cette optique « Les volcaniques » dont le titre est choisi en référence aux « Bucoliques » de Virgile, résonne d’un éclat panthéiste où l’on entend des murmures divins.
Le décor, la patrie devrait-on dire, de l’ouvrage c’est l’Auvergne dont Simon Berger dévoile par touches presque picturales ce qu’il appelle « son exigeante beauté millénaire, encore trop méconnue. » En ouverture… la cathédrale de Clermont-Ferrand que l’on aperçoit en ombre et soleil sur la couverture du livre qui nous dit-on: «Répète : je suis noire mais je suis belle.» Servant de préambule à la fréquentation en visite guidée pour le lecteur d’autres églises à découvrir, celles-ci toutes propices aux élans de musique baroque.
Passé et présent s’entrelacent
Passé et présent s’entrelacent dans une sarabande de sons d’images, de couleurs, de récits souvent joyeux, parfois mélancoliques célébrant toujours la beauté minérale des choses, où est célébré l’humain en tant que matière organique. Construit en huit chapitres prenant ainsi la forme du « Cantique des cantiques » (chaque chapitre se présente comme la plongée à l’intérieur d’un lieu précis saisi dans tous les états possibles), « Les volcaniques » a un parti-pris philosophique. « J’ai écrit cela dans l’ordre où c’est publié », précise Simon Berger.
Ces textes réunis en un volume dans la collection « Arpenter le sacré » dirigée chez Desclée de Brouwer par Olivier Germain-Thomas à qui l’auteur exprime toute sa gratitude, rappelle combien pour lui il n’y a pas de hiérarchie entre l’homme et la bête. «Dans certaines solitudes l’homme s’animalise et et l’animal s’humanise», nous précise-t-il. Simon Berger qui tisse les liens étroits unissant les deux part du minuscule, d’un détail, d’un vase, d’une fleur, d’une statue part du minuscule pour aller vers l’universel. « Ces paysages d’Auvergne m’ont fait », dit Simon Berger qui voue une admiration sans bornes à Péguy, Jacques Réda, aux poètes Max de Fleury et Max Jacob, à Pascal, à Pierre-Maurice, dit Pierre de Montboissier, plus connu sous le nom de Pierre le Vénérable, né à Montboissier, Auvergne, lieu-dit de la commune de Brousse en 1092 ou 1094, et mort le 25 décembre 1156 à l’abbaye de Cluny. A Bach bien entendu, célébré pour ses partitas, pour le pouvoir de la musique, compositeur que Simon Berger définit comme étant son confesseur.
D’émouvants portraits des siens
Signant des pages solaires sur le rapprochement entre la terre d’Auvergne et sa propre vie Simon Berger brosse des siens des portraits émouvants. Retenons essentiellement ceux de Jean-Baptiste et Marie-Antoinette Védrine, l’arrière-grand-mère à la simplicité rude, coulant ses jours comme Marc-Aurèle avec un stoïcisme et une bonté enracinée dans les lieux où elle vécut. Elle est d’Auzers, une commune située dans le département du Cantal, alors que Jean-Baptiste qu’elle épousa en 1934 vient des Combrailles une région naturelle, historique et culturelle de France, située dans le nord-ouest du Massif central. Une région de basse montagne qui était sous l’Ancien Régime partagée entre les provinces d’Auvergne, du Bourbonnais, de la Marche et du Limousin. En 1938 naquit Pierrette, leur fille unique, et Simon Berger d’évoquer Jean-Baptiste construisant sa maison, décrite comme un lieu sacré, le couple ne lisant pas, et ne possédant aucun ouvrage chez eux mais aimant les autres avec passion.
S’approprier une terre
Va-et-vient permanent entre le sacré et le profane, célébration de la Bible, « ce grand code de l’art » l’écriture de Simon Berger nous bouleverse. Avec derrière l’expression personnelle d’un homme mettant en scène ses proches, ses passions, et lui-même, on trouve la volonté pour Simon Berger d’inviter chaque lecteur à trouver le commun dénominateur entre les terres d’Auvergne et sa propre existence. De suggérer comment il va aussi s’approprier le socle de ses racines, pour en faire, non un hymne passéiste, mais un cantique avec au final l’éloge du silence et de la prière. « Alors il faut me taire », conclut l’auteur. Mais, poursuit-il :«Me taire du moins après avoir répété que la grâce est un fleuve qui sort de son lit. » Voilà le poète, et l’homme mystique se rejoignant pour un livre sublime, qui, comme une partita de Bach ou sa « Messe en si » fait entrer le sacré au cœur de notre vie.
Jean-Rémi BARLAND
« Les volcaniques » par Simon Berger – aux éditions Desclee de brouwer – 126 pages. 15,90 €