C’est une des surprises cinématographiques de cet automne. « A toute allure » de Lucas Bernard, dont sur le papier on n’attendait pas grand-chose, est non seulement un film réussi, maîtrisé, et plein d’énergie mais il offre à ses trois interprètes principaux des scènes d’anthologie d’une drôlerie irrésistible.
Elle (Eye Haïdara) est officier de sous-marin tactique. Lui (Pio Marmaï) est steward. Ils n’auraient jamais dû se rencontrer. Et pourtant ce sera le cas puisqu’ils se percuteront sexuellement lors d’une escale. Bien entendu, compte tenu du lieu de travail très différent leur aventure naissante doit subitement s’interrompre. D’ailleurs c’est ce qu’elle souhaite. Et le voilà qui s’accroche ! Qui la suit ! Qui la colle ! Comme si on avait le temps d’être amoureuse à bord d’un bâtiment militaire ! Reste que l’océan Pacifique n’est pas assez grand pour le décourager. L’océan Arctique non plus d’ailleurs. Le monde est si petit quand on s’aime d’un si grand amour…
Alors, dans des circonstances rocambolesques, cet homme des airs aux airs d’amoureux pas du tout transi par le froid des banquises, déterminé à plonger pour toujours ses yeux dans ceux de la belle sirène militaire, réussira à s’embarquer dans le bâtiment nucléaire. Et vogue la marine française, qui lui dira merde, le mettra aux arrêts, et le fera mettre dehors….au moment où Bénazech (José Garcia) le commandant du sous-marin s’apercevra de sa présence illégale. Mais jetez par le hublot un Roméo sans peur, et fou d’amour, il revient par la grande porte là encore dans des conditions loufoques, totalement imprévisibles. Et comme notre steward s’avère être un grand cuisinier et que les autorités en charge d’un tribunal militaire improvisé sur terre ont d’autres rebelles à chasser, notre belle des océans et notre intrus prêt à se clochardiser pour la suivre à tout prix vont au final se jurer fidélité à jamais. Même si n’étant pas une fille facile, et possédant un caractère bien trempé, (ce qui sous l’eau semble aller de soi) elle tentera bien de lui expliquer que leur union d’un soir est vouée à n’avoir aucune suite, lui ne l’entend pas de cette oreille. Cela ne se passera pas aussi rapidement que le souhaiterait notre tourtereau d’abord éconduit sans ménagement mais il parviendra à ses fins.
Interprètes et dialogues virtuoses
Dialogues champagne, très écrits et agencés avec panache, par Lucas Bernard qui a signé le scénario sur une idée de Florian Môle, interprètes virtuoses, où chacun des protagonistes, seconds rôles compris, y va de sa répartie faisant mouche, « A toute allure » est à mourir de rire. José Garcia en commandant de bord aux propos péremptoires qui ne commande finalement pas grand-chose est inoubliable, tout comme le duo Eye Haïdara-Pio Marmaï, transformant ce qui n’aurait pu n’être qu’une pochade en une comédie romantique sous-marinière de haut vol. Toute la distribution est du même niveau, ce qui n’est pas étonnant quand on sait que la directrice de casting s’appelle ici Tatiana Vialle qui n’est autre que la mère de l’acteur Swann Arlaud et qu’elle est également une metteuse en scène exemplaire dont on a applaudi le beau travail au Jeu de Paumé d’Aix quand elle dirigeait Isabelle Carré dans « Une femme à Berlin ». Même si nous ne sommes pas chez Billly Wilder ou Ernst Lubitsch, la construction de « A toute allure » film admirablement dirigé, jamais vulgaire, qui n’aspire à aucune prétention demeure aussi solide que les parois du bâtiment militaire, théâtre des opérations. Bien entendu tout cela ne tutoie pas la vraisemblance mais peu importe…le miracle est que l’on y croit. Voilà un film français épatant, aux allures parfois de comédie musicale hollywoodienne qui montre que son réalisateur Lucas Bernard est un cinéaste aussi doué qu’humble et intelligent.
Jean-Rémi BARLAND