Publié le 13 janvier 2016 à 19h44 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 21h32
C’est au au Cézanne d’Aix-en-Provence que le réalisateur Benoit Graffin, accompagné des acteurs Sandrine Kiberlain et Édouard Baer a présenté en avant-première son dernier opus «Encore heureux»
Comédie romantique ? Fable politique ? Comédie sociale dans la pure tradition de celles qui fleurissaient en Italie dans les années 1960-1970, «Encore heureux» est un film jubilatoire, drôle, tendre et émouvant. Un régal de finesse et d’intelligence, d’humour vachard aussi -dialogues de Nicolas Bedos aidant- qui offre à ses deux comédiens principaux Sandrine Kiberlain et Edouard Baer des rôles en or massif. Pourtant c’est bien de précarité et de la dureté de la crise économique dont parle ce long métrage que le cinéaste Benoit Graffin est venu présenter au Cézanne d’Aix. D’argent il en est beaucoup question tout au long de cette intrigue au rythme assez soutenu. L’argent que n’a plus Sam, cadre supérieur au chômage depuis deux ans, -revers d’infortune entraînant la lassitude de Marie, son épouse toujours amoureuse- et celui que possède une vieille dame acariâtre, raciste, et sans descendance, que le couple finira par dépouiller de ses biens, à la suite de hasards rocambolesques,pour tenter de rebondir financièrement vers un ailleurs plus apaisé. Il y aussi la fortune d’un certain Antoine (Benjamin Biolay), qui très épris de Marie tente de profiter de sa crise conjugale, la situation confortable de Louise, la mère de Marie (Bulle Ogier) l’élan vital de Clément et Alexia, les deux enfants du couple, un concours de piano, une concierge soupçonneuse, un commissaire de police peu perspicace, une maison de campagne promise à la vente, une morte inattendue, pour au final un film à la fois classique dans son écriture et moderne dans sa forme -tout est souvent filmé caméra à l’épaule-. «Comment un couple arrive à se reconstruire, malgré et presque grâce à ses emmerdes passagères, voilà la thématique générale de cette comédie», précise Benoit Graffin qui, par amour des acteurs s’est glissé une nouvelle fois derrière la caméra, lui qui est avant tout un scénariste. Et bien lui en a pris. Au fur et à mesure de la projection de «Encore heureux» on songe à des personnalités du cinéma telles que Chatillez, Vittorio De Sica, le Luigi Comencini de «L’argent de la vieille» ou, encore l’iconoclaste Jean-Pierre Mocky. Visiblement Édouard Baer intarissable durant la rencontre avec les Aixois -et que l’on pourra voir sur la scène du Gymnase de Marseille du 1er au 5 mars aux côtés de Léa Drucker dans «La porte à côté» de Fabrice Roger-Lacan, l’auteur de «Cravate club»- et Sandrine Kiberlain -à qui l’on a proposé en vain de pousser la chansonnette elle qui a enregistré deux albums dont un où elle a travaillé avec les Souchon, père et fils- ont pris un plaisir immense à jouer ensemble. Accompagnés en cela par Carla Besnaïnou, et Mathieu Torloting, les deux enfants du film, déjà comédiens dans l’âme et eux aussi admirablement dirigés. Loin d’être misérabiliste, ne jouant pas sur les codes de la compassion, mais racontant l’histoire d’amour d’un couple déjà ensemble, parlant du regard que les enfants portent sur les parents ainsi que de celui que ces derniers posent parfois sur eux avec bienveillance et, proposant une morale un rien atypique -voire pas de morale du tout- «Encore heureux» est une réussite et c’est le spectateur qui sort de sa projection…heureux !
Jean-Rémi BARLAND