Publié le 20 janvier 2022 à 8h43 - Dernière mise à jour le 4 novembre 2022 à 11h45
Il avait tout pour lui. Il était jeune, il était beau, il avait un regard profond et il avait un talent fou. Né le 25 novembre 1984 à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), d’une mère styliste et d’un père designer, Gaspard Ulliel mort tragiquement des suites d’un accident de ski.
Gaspard Ulliel avait connu son premier tournage à l’âge de douze ans, grâce à un petit rôle dans la série télévisée d’Aline Issermann Une femme en blanc, avec Sandrine Bonnaire. Puis on le verra dans «Atlas» un court-métrage signé Marina de Van, et il s’imposera avec «Le pacte des loups» dont le film fut présenté en avant-première au Cézanne d’Aix, «Embrassez qui vous voulez » de Michel Blanc, «Les égarés» de André Téchiné et surtout «Un long dimanche de fiançailles» de Jeunet d’après Sébastien Japrisot qui lui valut le César du second rôle masculin.
La récompense suprême en matière de prix d’interprétation en rapport avec les César Gaspard Ulliel l’obtiendra en 2017 avec «Juste la fin du monde» que réalisa Xavier Dolan d’après la pièce de Jean-Luc Lagarce et qui verra le jeune acteur couronné du prix du meilleur acteur de l’année. Xavier Dolan qui très ému a publié un émouvant hommage sur Instagram : «C’est invraisemblable, insensé, et tellement douloureux de même penser écrire ces mots. Ton rire discret, ton œil attentif. Ta cicatrice. Ton talent. Ton écoute. Tes murmures, ta gentillesse. Tous les traits de ta personne étaient en fait issus d’une douceur étincelante. C’est tout ton être qui a transformé ma vie, un être que j’aimais profondément, et que j’aimerai toujours. Je ne peux rien dire d’autre, je suis vidé, sonné par ton départ». Émotion intense également pour Nathalie Baye qui partageait l’affiche avec lui sur ce même long métrage : «Il était beau, il était doué, il était tendre, élégant, bienveillant, il était père…. Gaspard va nous manquer cruellement…», écrit-elle en légende d’une photo du film.
Reconnaissons que chacune des apparitions de Gaspard Ulliel à l’écran, fut un succès et déclencha l’enthousiasme des professionnels et des cinéphiles. Notons le film en costumes «La Princesse de Montpensier », dont le rôle-titre est incarné par Mélanie Thierry où l’acteur prête ses traits à Henri de Guise pour un film de Tavernier encensé par la critique. Éblouissant face à Gérard Depardieu dans «Les confins du monde» de Guillaume Nicloux, devant qui il n’eut pas à rougir de sa jeune carrière. Gaspard Ulliel était ce genre de comédien très physique dont chaque interprétation tenait de l’osmose entre le corps et l’esprit. Pas cérébral mais très fin limier des grands textes, il réussissait à incarner un personnage en donnant l’impression comme dans le biopic de Bertrand Bonello sur Yves Saint-Laurent où il jouait tout en retenue le rôle titre qu’aucun autre comédien n’aurait pu le supplanter. Mannequin également notamment pour des campagnes publicitaires lancées par des grandes marques, Gaspard Ulliel reconnaissable aussi pour sa petite cicatrice sur le visage due à une morsure de chien quand il était enfant, menait sa carrière avec sagesse, inventivité et subtilité dans les choix de ses rôles.
Inoubliable au théâtre aux côtés de Michel Fau
Souvent on considère à tort qu’un comédien possédant un tel physique réussissant à s’imposer en aussi peu de temps n’est qu’une coquille vide, Gaspard Ulliel dément cette assertion selon laquelle «très beau… trop bête ». C’est oublier un peu vite sa formation certes rapide au Cours Florent pour quelques semaines de stage, et surtout sa performance au théâtre dans la pièce «Que faire de monsieur Sloane », écrite par le Britannique Joe Orton en 1964, et connue aussi comme étant « Le locataire». M. Sloane, jeune, beau et amoral, loue une chambre chez Kath, une femme de 40 ans attirée par son charme. Sloane va profiter de la fascination qu’il exerce sur sa propriétaire. Gaspard Ulliel était d’autant plus éblouissant qu’il avait face à lui en tant que metteur en scène et comédien un certain… Michel Fau, excusez du peu, et tout se passa dans une admiration réciproque. Et que dire de sa prestation dans «Démons» de Lars Noren dans la mise en scène donnée au théâtre du Rond Point si ce n’est qu’il fut exceptionnel. Katarina (Marina Foïs) et Frank (Romain Duris) vivent ensemble depuis des années. Ils s’aiment mais ne se supportent plus. Ils reçoivent la visite de leurs voisins Jenna (Anaïs Demoustier) et Tomas (Gaspard Ulliel), un jeune couple qui vient d’avoir un enfant. Ayant pleine conscience de sa condition, le couple expérimenté, amènera progressivement le couple novice à se rendre compte de sa propre situation. La scène de ménage devient double. Chaque couple se déchire prenant l’autre comme témoin, et on fut saisis par la perfection du jeu de chaque comédien. Gaspard Ulliel en Tomas souleva là encore l’admiration. Un ange s’en est allé… un grand acteur a pris congé. Un de ces comédiens d’aujourd’hui qui devait construire le cinéma de demain…. Sale journée !
Jean-Rémi BARLAND