Publié le 22 novembre 2023 à 20h28 - Dernière mise à jour le 24 novembre 2023 à 10h24
Le Cézanne d’Aix-en-Provence a présenté en avant-première « Napoléon » de Ridley Scott avec en ouverture un mini concert donné par « Les tambours de l’Odyssée »
John Ford faisait dire à l’un de ses personnages dans « L’homme qui tua Liberty Valance » : «Quand la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende !» Le cinéaste Ridley Scott semble dans son film « Napoléon » avoir fait sienne cette citation tant l’Empereur apparaît ici comme on ne l’a jamais vu, un rien nostalgique, très amoureux de son épouse Joséphine qu’il répudiera néanmoins car elle ne lui donne pas d’héritier, et assez taciturne ne craignant ni ennemis ni diable.
2h50 d’un cinéma ample, généreux, serti d’une photo à couper le souffle, servi par une distribution internationale d’où émerge la stature imposante de Joaquin Phoenix, phénoménal, impressionnant, marquant les esprits. Très clivant ce film c’est « Napoléon, ses batailles, ses amours, ses emmerdes » comme l’aurait chanté Aznavour. Le réalisateur faisant l’impasse sur l’héritage administratif de Napoléon, s’attachant à raconter la Campagne de Russie avec des accents hugoliens, ou Austerlitz et Waterloo, dans un mélange de lyrisme et de cruauté réaliste. L’Empereur étant au final sujet (tout est raconté de son point de vue), et objet d’une réflexion dialectique sur le pouvoir. On assiste à beaucoup de scènes érotiques entre Napoléon et Joséphine. On oblitère totalement le rôle important de Talleyrand au Congrès de Vienne – l’homme politique diabolique à qui Napoléon lancera : « Vous êtes de la merde dans un bas de soie »-.
On passe sous silence les conditions de détention épouvantables de Napoléon à Sainte-Hèlène enfermé qu’il fut dans ce que Jean-Paul Kauffmann appela dans son livre « la chambre noire de Longwood ». On constate que l’acteur incarnant le héros principal est plus vieux que ne l’était ce dernier au début de ses conquêtes. On notera des anachronismes, des oublis volontaires, et des raccourcis. Peu importe ! Ridley Scott, on l’a dit au début filme la légende, Napoléon surgissant ici tel un héros sartrien, humble et grandiose à la fois, comme « un homme fait de tous les hommes, qui les vaut tous et que vaut n’importe qui ». C’est exceptionnel de densité, contesté et incontestable, s’imposant comme une leçon de cinéma aux scènes choc. Notamment celle de la décapitation de Marie-Antoinette lors de la Révolution. Et puisque l’on parle de cette période rappelons que l’anagramme de Révolution française n’est autre que Un veto Corse la finira. Ça en tout cas c’est vrai et c’est entré dans l’Histoire. Jean-Rémi BARLAND