Publié le 7 avril 2023 à 18h11 - Dernière mise à jour le 6 juin 2023 à 19h57
Quand on parle de doublure dans le milieu du cinéma, on pense avant tout à ces cascadeurs qui prennent la place des comédiens pour des scènes qui présentent des dangers. Mais il existe aussi la doublure lumière qui prend aussi la place d’un acteur vedette ou d’un présentateur télé pour toute la durée des mises au point techniques précédant l’enregistrement de l’émission ou le tournage du film.
Les doublures lumière n’ont pas vraiment de domaine de prédilection, elles travaillent aussi bien pour le théâtre, pour le cinéma ou la télévision. Leur rôle est de permettre aux techniciens chargés de la lumière d’adapter et d’ajuster l’éclairage sur les personnalités qui prendront place sur scène, en plateau ou dans les studios télé. Les doublures permettent également d’effectuer tous les autres réglages techniques comme par exemple de s’assurer qu’entre les tables il existe un passage suffisant pour les caméras, d’assurer la synchronisation du lever du rideau et l’introduction du générique de fin, de répéter l’entrée en scène de l’animateur TV et de repérer son positionnement, de vérifier la locution de son texte, etc. Bien entendu, ces doublures sont réservées aux têtes d’affiche du cinéma et aux personnalités du petit écran car dans les petites productions ce sont les acteurs eux même ou les techniciens qui endossent ce rôle.
Ainsi Valentin Champion, remarquable au théâtre et au cinéma a t-il exercé cette fonction sur le film «Les trois mousquetaires». Formé aux Cours Florent de Montpellier pratiquant le théâtre depuis l’âge de ses 10 ans, Valentin a déjà des expériences significatives dans le milieu du théâtre et de l’audiovisuel. Il fait partie de la compagnie La Cabane, dans laquelle il a joué 2 pièces durant l’été 2021 sur le chalutier théâtre Louis Nocca, et deux autres cette année : «Il était une fois Mauguio» à la salle Jacques Prevert de Mauguio, et «Les raisins de l’amour» au château de Saint-Pierre de Serjac, à Béziers. Il incarne aussi le rôle d’Eliott, dans la pièce «Mes Parents, Mon Ex, Le Chat, Et Moi», de Tania Zam. Pièce jouée pour la première fois le 10 octobre 2021, à l’Odéon Montpellier. À côté de cela, Valentin tourne dans de nombreux court-métrage, dont «J & J» réalisé par Florent Benigni, finaliste du Nikon Film Festival et disponible sur la plateforme BRUT. Il est d’une force magique dans «Ramené par les vagues» réalisé par Yoan Clauzel où il partageait l’affiche avec Victor Sénégas. Il a co-monté la pièce «Deux Frères», de Fausto Paravidino, dans le cadre de sa sortie des cours Florent. On l’a retrouvé également dans Plus Belle La Vie dans le rôle de Victor en 2022. Il intègre les spectacles immersifs du Puy du Fou pour la saison 2023. Rencontre avec celui qui fut la doublure lumière de François Civil sur «Les Trois mousquetaires». Entretien.
Quel est votre parcours artistique ?
J’ai commencé le théâtre assez jeune, à Lyon, vers mes 15 ans, où j’ai fait partie d’une compagnie de théâtre amateur, avant d’intégrer les Cours Florent en 2019. En parallèle de ma formation et durant les 3 années qui ont suivi, j’ai joué dans de nombreux court-métrages, dont «J & J» réalisé par Florent Benigni et finaliste du Nikon Festival, j’ai intégré la compagnie de théâtre La Cabane avec laquelle j’ai joué de nombreuses créations, j’ai également joué à l’Odéon dans la pièce «Mes Parents, Mon Ex, le Chat et Moi», et j’ai eu un rôle dans Plus Belle La Vie sur quelques épisodes. Je suis le personnage principal d’un long métrage d’époque nommé «Faydit», film qui retrace l’histoire des chevaliers Faydit durant la croisade des Albigeois, dont le pilote a déjà été tourné. Enfin, j’ai passé 4 mois de tournage sur le film «Les Trois Mousquetaires» de Martin Bourboulon, en tant que doublure de François Civil.
Comment avez-vous été embarqué sur le film «Les Trois Mousquetaires»?
Très simplement et par un hasard complet, j’étais en contact avec la directrice de casting du dernier «Asterix et Obelix», qui m’a demandé dans la foulée si j’étais disponible pour faire la doublure de l’acteur principal du prochain film de Martin Bourboulon. N’ayant jamais fait ça, et ne connaissant ce réalisateur que par son dernier film «Eiffel», j’ai demandé de plus amples informations et c’est là que j’ai appris qu’il allait tourner une nouvelle adaptation des «Trois Mousquetaires», en deux parties. J’ai alors été convié dans un immense entrepôt rempli de costumes magnifiques, qui annonçait déjà la couleur et l’ampleur que ce film allait avoir. Et c’est ici que j’ai appris que le personnage principal du film était François Civil, et que je ferai sa doublure dite « lumière ». Impressionné, mais très vite perplexe, j’ai appris que j’allais tout simplement être aux premières loges de presque toutes les séquences qu’allait avoir François durant le film, afin de le doubler pour les préparatifs lumières, les placements des caméras et des figurants, avant que le fameux et magique «action» retentisse. C’est après avoir essayé tous les costumes que François allait porter également, que cette aventure commença.
Et comment s’est donc déroulé le doublage de François Civil ?
Dès mon premier jour, j’ai été mis directement dans le bain, avec des décors naturels, grandioses et une équipe technique hyper accessible. Du régisseur au directeur de production, en passant par les costumières jusqu’à Martin Bourboulon, tout le monde étaient réunis pour faire vivre ce film dans les meilleures conditions possibles. J’ai très vite été plongé dans cette fourmilière immense de techniciens et techniciennes, oubliant presque que j’étais là pour être « juste » la doublure lumière de François Civil.
Mon premier contact avec François s’est fait très simplement, et surtout très professionnellement. Il a vite compris mon rôle, que j’ai très vite assimilé, en essayant de prendre le moins de place possible, tout en étant utile à presque chaque séquence. « Presque » car François ne boudait pas son plaisir à vouloir être le plus possible présent sur le set, compréhensible vu la beauté et l’immensité des décors.
Alors, de jour en jour, de séquences en séquences, et de décors en décors, j’ai sillonné Paris et ses alentours avec cette immense production. Petit à petit, j’étais en totale autonomie et me plaçait devant la caméra à chaque fois que François partait se faire maquiller, quand Martin Bourboulon me le demandait afin d’essayer de nouveaux plans, et même quand il fallait jouer l’action de François afin d’habituer les figurants et les positionner justement.
Il m’est même arrivé, par exemple, de devoir donner la réplique à Romain Duris, en jouant la séquence entière, afin de lui faire répéter son mouvement. Je me souviens aussi de ce jour où je doublais François dans la scène de rencontre entre D’Artagnan (Francois Civil) et Athos (Vincent Cassel) lors de leur première bousculade dans les escaliers. Oui, j’ai bousculé Vincent Cassel pour notre première rencontre. Lorsque François a repris son rôle, je regagnai alors ma chaise faisant face aux Invalides, lorsque, quelques minutes plus tard, Vincent Cassel s’approcha de moi en me disant, plein d’ironie et de subtilité : «J’ai été exceptionnel…». Le décor était une nouvelle fois planté.
Que gardez-vous de cette expérience?
Cette expérience est pour moi un magnifique souvenir, malgré les journées à rallonge, les décors naturels dans la boue à 4 heures du matin, et les minutes, parfois heures, d’attente dans le froid. C’était sans compter sur l’immense gentillesse de toute l’équipe, le professionnalisme et la bonne humeur que les acteurs ont eu, tous ces moments de rigolades, sans oublier la qualité de la cantine, qui nous servait tous les midis des plats plus délicieux les uns que les autres, non négligeables pour se réchauffer et garder le moral des équipes au plus haut. Malheureusement, ayant mis en suspens des projets et castings pour ce tournage, j’ai dû quitter le navire avant la fin du tournage, en m’assurant bien évidemment que je pouvais être remplacé. C’est ainsi que c’est achevé cette folle expérience.
Qu’en retirez-vous?
J’ai immensément appris à travailler avec cette équipe et observer le comportement de tous dans cette immense production. En tant que jeune acteur, côtoyer un aussi gros tournage et travailler avec tous ces acteurs, technicien.ne.s et Martin Bouboulon, a été très enrichissant pour mes futurs tournages, sur le plan du jeu, mais aussi sur ma capacité à savoir agir et me mouvoir dans un tel vaisseau voué pour le 7E art, et, je l’espère, j’aurais peut-être un jour la chance de reparticiper à un aussi beau film, avec de tels décors, mais en faisant ce que je pense faire le mieux : jouer.
Que pensez-vous du film ?
La première chose qui m’a sauté aux yeux, c’est que le film est très fidèle à ce que j’ai pu voir durant le tournage. Ce qui signifie un gros travail des décorateurs, et des lumières. Je trouve ce premier volet très réussi, on ne s’ennuie pas, on rigole parfois, et on est surtout happé par ces scènes de combat en plan séquence parfaitement léchées et millimétrées. Les acteurs sont tous fabuleux, et tiennent le film du début à la fin. Les dialogues sont finement écrits, et la langue est respectée. Pour moi le pari est réussi, et j’ai déjà hâte de voir le deuxième volet, qui s’annonce déjà haut en couleur.
Quels sont vos projets cinématographiques et théâtraux ?
Toujours en quête de nouvelles expériences, j’ai intégré depuis Mars et pour quelques mois les spectacles immersifs du Puy du Fou, où je vais tenir pas moins de 20 rôles répartis sur 5 spectacles. Je vais également joué dans de nouvelles créations de La Cabane en Mai et Septembre, et je continue bien évidemment à me donner au maximum pour prendre chaque jour autant de plaisir à faire ce merveilleux métier, en multipliant les projets, expériences, tournages et rencontres.
Propos recueillis par Jean-Rémi BARLAND