Publié le 19 février 2020 à 10h53 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 9h46
«En 2014 j’étais parti au Sénégal les mains dans les poches, j’ai découvert un superbe pays, des potentialités extraordinaires. Mais, je suis rentré sans aucun contact. Et je l’ai regretté», explique Antoine Viallet ancien président du Club de l’immobilier Marseille-Provence. D’où l’idée lancée, avec Fabrice Alimi, aujourd’hui lui aussi ex-président de ce même club et président de la Fédération nationale des Clubs de l’immobilier, d’organiser un voyage avec l’ensemble de la filière. «Nous leur avons fait la promesse avant le départ que ce serait pour eux l’occasion de découvrir, rencontrer, comprendre et collaborer. Et je pense que la promesse a été tenue», ajoute Antoine Viallet qui se félicite que ce voyage ait donné lieu à la première nuit dakaroise de l’immobilier et la constitution d’un club de l’immobilier dans cette ville. Un déplacement qui, reprend-il, a permis «de découvrir un marché en pleine expansion avec plus de 30 000 logements livrés par an dans la région de Dakar contre 6 à 7 000 à Marseille». Un voyage raconté avec les mots d’Antoine Viallet, de Fabrice Alimi, d’Emmanuel Dujardin et les dessins du Carnet de voyage de Renaud Tarrazi.
Fabrice Alimi rappelle: «Nous sommes partis d’une idée folle: lutter contre les idées préconçues qui peuvent exister en France, plus largement en Europe sur l’Afrique. Montrer le dynamisme économique du Sénégal et sa stabilité politique, lever les freins qui existent et qui empêchent d’investir là-bas alors que c’est sur ce continent que la croissance existe. Nous avons emmené plus de 100 participants qui ont pu toucher du doigt les potentialités qui existent. Il est fou de voir que l’on n’a pas les mêmes retenues pour investir au Canada alors que nous n’avons pas de proximité géographique et que le Droit est anglo-saxon alors que nous sommes proches du Sénégal, nous partageons la même langue et, surtout, quasiment le même droit. Nous avons voulu permettre à tous de mesurer que, tant sur le plan économique que juridique le Sénégal c’est l’Europe sur un autre continent». Certes, les Chinois sont présents sur le marché africain et notamment sénégalais, là encore Fabrice Alimi explique que cela ne doit pas être un blocage: Les Chinois peuvent construire très rapidement des dizaines de milliers d’appartements mais il y a peu de porosité avec l’économie africaine et ce système n’est pas pérenne. Nous avons toute notre place dans cette économie». Un voyage rythmé par de nombreux moments forts raconte Antoine Viallet :«Nous avons été reçu à l’Ambassade de France dès le premier soir, ce qui a positionné le voyage. Une France qui est le premier partenaire du Sénégal, France dont la première industrie est l’immobilier, la première diaspora vient de France et c’est la diaspora qui fait construire… et il n’y a pas de promoteur français à Dakar». Le jeudi, Jean-Luc Chauvin, le président de a CCIAMP a signé une convention avec son homologue de Dakar avant des conférences en présence d’urbanistes, de notaires, d’experts-comptables pour découvrir les règles en application du pays. Le jeudi soir était un autre moment d’importance puisque c’était l’heure de la première « Nuit de l’immobilier ». Le vendredi matin était studieux avec la tenue de tables-rondes. Emmanuel Dujardin raconte: «La première table ronde portait sur la ville durable, elle réunissait deux Français, un Tunisien et trois Sénégalais. Mamy Tall, une architecte, designer et influenceuse, nous a expliqué qu’elle militait pour le retour de la construction en terre crue, un produit abondant, bon marché, mais délaissé au profit du ciment et du béton car la population à l’impression que c’est plus moderne». Fabrice Alimi ajoute: «Nous avons commis beaucoup d’erreurs en matière d’urbanisme et d’architecture entre les années 70 et 90 avec des quartiers mono-usages, des grandes surfaces en périphérie qui ont généré des flux de circulation alors que nos villes, traditionnellement et nos villages ne fonctionnent pas sur cette base. Il ne faut pas que l’Afrique commettent ces mêmes erreurs, elle doit au contraire s’appuyer dessus pour construire autrement, être dans la modernité en s’appuyant sur sa culture, son savoir-faire». Emmanuel Dujardin reprend: «Magalie Esposito a expliqué les pratiques que nous développons aujourd’hui en terme de reconstruction de la ville sur la ville à partir d’exemples lyonnais et parisiens. Elle a également évoqué la végétalisation des villes. Mbacké Niang architecte chercheur nous a fait part de ses réflexions, de ses apports, ses innovations. Comment une fenêtre peut protéger de la poussière, du soleil et produire de l’énergie photovoltaïque, comment une clôture peut permettre au vent de passer et protéger du regard et de la poussière… L’architecte et ingénieur Amadou Doudou Dème, est cofondateur de Élémenterre, une entreprise spécialisée dans la production de matériaux locaux et la construction de bâtiments en terre. Il invite la population et les autorités à ne pas avoir honte des matériaux traditionnels, à mesurer les valeurs dont ils sont porteurs et leur qualité. Il faut dire à ce propos que nous résidions dans un hôtel construit en briques de terre crue et qu’il était en tout point remarquable». Et Emmanuel Dujardin de préciser: «Je reviens de ce voyage avec une envie de travailler avec ces architectes, ces ingénieurs, nous avons beaucoup à apprendre d’eux pour nous adapter au réchauffement climatique. Et, avec la terre crue, on peut construire jusqu’à R+3».
Michel CAIRE