Publié le 11 février 2017 à 23h12 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 15h52
Le club Ethic Eco, présidé par Mohamed Laqhila, président d’honneur du Conseil Régional de l’Ordre des Experts Comptables Marseille-Paca, a organisé, pour son premier rendez-vous de l’année, un rencontre avec Annie Levy-Mozziconacci, médecin, généticienne, élue socialiste à la ville de Marseille et à la métropole Aix-Marseille Provence et Didier Parakian, créateur de la marque de vêtements éponyme, adjoint LR au maire de Marseille en charge de l’économie et des relations avec les entreprises. Deux personnalités qui n’avaient pas besoin de la politique, des emplois du temps chargés et qui, pourtant, se sont engagées, non sans inquiétude, en politique, l’une à gauche l’autre à droite, tous deux affirmant que leur amour pour Marseille été un moteur à leur entrée dans l’arène politique. Une rencontre lors de laquelle la parole fut libre et le propos parfois grave, notamment sur l’euthanasie.
Mohamed Laqhila a rappelé un contexte d’année électorale dans laquelle le club Ethic Eco va s’inscrire à travers une série de débats sur des questions politiques. L’éthique sera ainsi confrontée à l’impôt, la migration et l’éducation. Toujours dans ce contexte, Lionel Canesi, président du Conseil régional de l’Ordre des Experts Comptables (CROEC) Marseille-Paca explique comment les experts comptables vont rentrer dans la campagne. «On a décidé de lancer un dispositif qui s’appelle « Campagne Experts ». Lorsque l’ensemble des candidats à la présidentielle sera connu, les experts comptables, sans parti pris politique, nous analyserons les programmes économiques et nous donnerons notre avis -nous ferons bénéficier de notre expertise, en tant que chef d’entreprise au service des chefs d’entreprises-, sur l’impact que peuvent avoir les mesures économiques pour les TPE-PME.»
Annie Levy-Mozziconacci revient sur le parcours qui l’a conduite à s’engager: «Je suis médecin, une profession qui, pour moi, met en premier l’amour de l’humain et c’est ce qui m’anime dans mon engagement politique: placer l’humain au centre, contribuer à la création d’une société plus bienveillante pour l’humain». «Cet engagement, précise-t-elle, n’est pas venu comme cela, pendant 20 ans j’ai résisté. Mais j’avais envie de rendre à cette ville, où je suis arrivée à 17 ans, tout ce qu’elle m’a apporté. Mère de trois enfants, je me suis d’abord engagée dans le monde associatif, les parents d’élèves, une expérience qui m’a permis de voir à quel point les liens sont étroits entre monde associatif et politique. Alors il m’a semblé important de ne pas laisser aux autres les responsabilités du politique, on ne peut pas critiquer et rester au bord du chemin, j’ai donc décidé de me retrousser les manches et de m’engager même si tout n’est pas simple».
Pour Didier Parakian l’entrée en politique résulte d’une rencontre avec Jean-Claude Gaudin qui lui a proposé de rejoindre son équipe, en 2008. «Méfiant au départ, raconte-t-il, j’ai dit non mais, j’ai accepté d’aider… et c’est de cette façon que je me suis retrouvé sur la liste puis, adjoint». Avant de noter, non sans humour: «S’il faut chercher des points communs avec Annie Levy-Mozziconacci, je dirai que, dans l’habillement comme la médecine, il importe d’aimer les gens». Plus gravement, il ajoute: «Moi aussi j’aime et je suis redevable à Marseille qui a accueilli mes grands-parents rescapés du génocide arménien, qui a donné la chance à mes parents d’installer une boutique avant de me donner celle de créer mon entreprise. Alors il m’a paru important de m’engager, de servir mes concitoyens et il n’y a rien de plus noble que cela. De spectateur je suis ainsi devenu acteur de ma Ville». «Les mondes de l’économie et de la politique, poursuit-il, sont très différents et je suis fier d’avoir un pied d’un côté et un pied de l’autre, cela me permet d’être totalement libre». Il insiste sur les attentes des citoyens qui «évoluent». Précisant: «Ils veulent du neuf, on le voit notamment en France avec le mouvement « En marche ». J’ai d’ailleurs dit à Jean-Claude Gaudin que si Macron pouvait être Président de la République, je pouvais être maire de Marseille car cela voudrait dire que tout est possible». Aborde la question de l’opposition: «Je ne suis pas toujours d’accord avec Annie, parfois, je pourrais l’être mais, comme nous ne faisons pas partie de la même équipe, je ne le dis pas». Annie Levy-Mozziconacci indique partager ce point de vue, dit avoir été frustrée de ne pas avoir de partenariat avec la majorité. Selon elle: «Il est temps de penser la politique autrement».
«Hitler est arrivé démocratiquement au pouvoir»
Corinne Versini, chef d’entreprise, est responsable du Mouvement « En marche ». Elle explique son cheminement: «J’ai eu un éclair de lucidité en regardant une émission posthume sur Michel Rocard dans laquelle il expliquait s’être engagé en politique le jour où il avait mesuré qu’Hitler était arrivé démocratiquement au pouvoir. Je me suis dit qu’il fallait s’engager, que l’on ne pouvait pas laisser le FN l’emporter. Lorsque je me suis engagée dans ce mouvement la première chose qui m’a été demandée fut de signer une charte éthique. Puis, j’ai pris des responsabilités et on m’a fait signé un engagement sur l’honneur affirmant que je n’avais pas été condamnée et, tous les candidats devront signer un tel texte»
Dans ce cadre Annie Levy-Mozziconacci en vient à son tour à « éthique et politique », elle rappelle à ce propos qu’elle a été assistante de Jean-François Mattei et, qu’à ce titre, elle a travaillé sur les Lois concernant la bioéthique. «Le médecin a le serment d’Hippocrate et le lien de confiance qui l’unit à son patient. Nous nous sommes posés la question de savoir si cela suffisait à l’heure de progrès, de travail pluridisciplinaire, d’intégration du patient dans le processus de soins et, ces lois qui ont été l’occasion de très beaux débats citoyens et c’est ainsi que le cheminement a été naturel entre la bioéthique et ce que je qualifierai de poliéthique. En effet, la politique est une activité noble, elle doit être encadrée afin d’aider les élus». Mohamed Laqhila l’interroge alors sur la question de l’euthanasie. Annie Lévy-Mozziconacci répond: «Cette question vient de me toucher de plein fouet. Ma belle-sœur est hollandaise, son père, gravement malade, a demandé un accompagnement de fin de vie… Alors, oui, mourir dans la dignité me touche. Il faudrait une réflexion en France, non pas sur la base du oui/non. Il faut un débat associant experts et vision citoyenne. Mais on ne peut rester dans la situation actuelle car, aujourd’hui, des Français partent à l’étranger pour finir leur vie dans la dignité. Ce n’est pas une bonne réponse».
Yves Roussel, magistrat, revient à la question du politique: «Il est important d’avoir des règles mais il faut faire passer de l’éthique dans votre action, car, si l’on en reste à des règles alors la perspective est perdue de vue et nous sommes paralysés».
Patricia MAILLE CAIRE