Publié le 26 février 2023 à 12h28 - Dernière mise à jour le 7 juin 2023 à 21h47
Le groupe Manouchian a donné sa vie pour la France, 22 hommes ont été fusillés le 21 février 1944 au Mont-Valérien tandis que Olga Bancic, seule femme du groupe, fut décapitée le 10 mai 1944 à Stuttgart. Ce samedi 25 février Marseille s’est souvenue. C’est devant la stèle érigée en hommage à Missak Manouchian que s’est tenu cet hommage marqué par l’actualité entre la montée du racisme, de l’antisémitisme, de la xénophobie et de la guerre en Arménie.
Ce samedi 25 février, il y avait du monde pour rendre hommage aux 22 hommes du groupe Manouchian de Francs-tireurs et partisans – Main-d’œuvre immigrée (FTP Moi). Une commémoration lors de laquelle plusieurs intervenants ont évoqué l’importance de cette manifestation rendant hommage à ces «Français de préférence» et de naissance qui, unis au sein des FTP-Moi, ont donné leur vie pour la France. Tous ont insisté sur l’importance de voir ce groupe entrer au Panthéon, tous ont évoqué la tragique situation du Artsakh .
«Tout est fragile, l’histoire se répète»
Simon Azilazian, président de l’Amicale des anciens combattants et résistants français d’origine arménienne, dès son propos introductif, met en exergue toute l’importance de ce devoir de mémoire à un moment où «les démagogues semblent oublier qu’ils doivent le droit de s’exprimer à ces vaillants étrangers du groupe Manouchian». Il insiste: «Tout est fragile, l’histoire se répète. Alors commémorer c’est rester vigilant». Et de réclamer l’entrée au Panthéon du groupe Manouchian car «dans la lutte contre la bête immonde tous les résistants sont indissociables. Le groupe Manouchian doit donc trouver place à leur côté». Ce groupe, composé d’étrangers et de trois Français «a fait le sacrifice de sa vie pour que la liberté, l’égalité et la fraternité brillent en France et dans le monde».
«Un des plus beaux visages de la France»
Sylvie Orsoni, présidente du comité de Marseille Association nationale des anciens combattants et ami(e)s de la Résistance (ANACR) évoque l’Affiche rouge, réalisée par la propagande allemande et placardée massivement en France sous l’Occupation. 10 des 22 hommes sont représentés sur l’affiche. La propagande croyait faire peur «elle a offert un des plus beaux visage de la France».
Clément Taich pour le groupe Marat-Moi signale qu’Emmanuel Macron s’est dit favorable à l’entrée de Missak et Mélinée Manouchian au Panthéon. Pour Michèle Rubirola, 1er adjoint au maire de Marseille-représentant le maire- il importe aussi «de reconnaître la résistance dans son entièreté alors que le pays n’était pas unanime dans la résistance». Pour elle l’entrée de Missak et Mélinée Manouchian au Panthéon serait «un appel, un espoir de voir l’humanité l’emporter sur le rejet». Puis de plaider «il ne faut pas oublier l’Arménie et son peuple toujours touchés par la guerre».
«La France et l’Arménie sont sœurs»
Ludovic Perney, vice-président de la Région Sud lance aux organisateurs: «Merci de faire vivre cette mémoire brûlante. Merci de rendre hommage à ce groupe de résistants à la barbarie». Pour lui, il en faut du courage «lorsque l’on a échappé à un génocide il en faut un courage immense pour résister, au péril de sa vie, dans son pays d’adoption». Pour lui: «Jamais la France ne doit oublier que les Arméniens ont fait grandir la France, jamais oublié que la France et l’Arménie sont sœurs, nos deux peuples ont un destin commun». Levon Khozian Président de la JAF rappelle : «La JAF est issue de la résistance, que dans ses locaux marseillais trône le buste de Missak Manouchian et l’Affiche rouge tant il est essentiel de faire savoir pour ne pas oublier et la transmission de cette histoire est cruciale mais elle ne suffit pas. Il faut lutter contre le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie». Et d’ajouter: «Ces héros étrangers n’ont rien réclamé mais enfin on peut espérer que leur mémoire sera célébré dignement».
«Ne pas oublier le peuple de l’Artsakh privé de tout»
Pour la sénatrice PS Marie-Arlette Carlotti, «il est temps de leur ouvrir les portes du Panthéon et de ne pas oublier le peuple de l’Artsakh privé de tout ». Mario Papi, du Secours populaire, rappelle que le fondateur de cette structure, Julien Lauprêtre a été co-détenu avec Missak Manouchian lequel lui disait: «Nous allons mourir, tu vas survivre, tu devras continuer de lutter» et c’est ce que celui-ci a fait tout au long de sa vie.
«Ils et elles avaient en commun la jeunesse et l’amour de la liberté»
Aurélie Biancarelli-Lopes intervient au nom du PCF. Pour elle, le groupe Manouchian n’avait, selon le poème d’Aragon, réclamé ni les larmes ni la gloire, «il serait pourtant indigne de les laisser à l’oubli alors faisons mémoire». Elle ajoute: «Ils étaient communistes, FTP-MOI, Arménien, Italien, Polonais, Hongrois, Espagnols. Ils et elles avaient en commun la jeunesse et l’amour de la liberté. Ils ont combattu pour la France au nom des valeurs de liberté et d’universalisme». A son tour elle juge: «Dans une période de crise où l’Autre est systématiquement désigné comme le coupable» il importe que Manouchian entre au Panthéon. Note qu’outre le fait qu’il soit étranger et mort pour la France il serait le premier communiste à entrer au Panthéon. Elle dénonce enfin « les violences insoutenables commises par l’Azerbaïdjan» envers le peuple Arménien et plaide «en faveur de la paix et du désarmement». Henri Jibrayel, au nom du PS, dénonce à son tour «le dictateur Aliev qui veut exterminer le peuple arménien. Comment peut-on accepter que 120 000 personnes, dans l’Artsakh soient privées de tout? Il faut aider le peuple Arménien».
Michel CAIRE
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Liste membres du groupe Manouchian exécutés par les Allemands des 23
Missak Manouchian, rescapé du génocide arménien arrive à Marseille en 1925. Il adhérera au PCF, entre dans la résistance, devient responsable des FTP-MOI. Il sera arrêté, condamné à mort avec son groupe. Le 21 février 1944, les 22 hommes du groupe sont fusillés au Mont-Valérien, en refusant d’avoir les yeux bandés, tandis qu’Olga Bancic la femme du groupe est transférée en Allemagne et décapitée à la prison de Stuttgart le 10 mai 1944. Dans la foulée de ces exécutions, la propagande allemande placarde 15 000 exemplaires de ces fameuses affiches rouges portant en médaillons noirs les visages de dix fusillés. Au centre, l’affiche Rouge de Manouchian cette inscription : « Arménien, chef de bande, 56 attentats, 150 morts, 600 blessés».
Mais l’affaire de l’Affiche Rouge, placardée sur les murs de Paris par l’ennemi, produit l’effet contraire à celui escompté : pour toute la Résistance, elle devient l’emblème du martyre. Les soutiens de sympathisants se multiplient.
La mention (AR) signale les dix membres que les Allemands ont fait figurer sur l’affiche rouge. Les 22 hommes ont été fusillés le 21 février 1944 au Mont-Valérien. Olga Bancic, seule femme du groupe, fut décapitée le 10 mai 1944 à Stuttgart :
-Celestino Alfonso (AR), Espagnol, 27 ans ;
-Olga Bancic, Roumaine, 32 ans (seule femme du groupe, décapitée en Allemagne le 10 mai 1944) ;
-Joseph Boczov [József Boczor ; Wolff Ferenc] (AR), Hongrois, 38 ans – Ingénieur chimiste ;
-Georges Cloarec, Français, 20 ans ;
-Rino Della Negra, Italien, 19 ans – Footballeur du Red Star Olympique ;
-Thomas Elek [Elek Tamás] (AR), Hongrois, 18 ans – Étudiant ;
-Maurice Fingercwajg (AR), Polonais, 19 ans ;
-Spartaco Fontanot (AR), Italien, 22 ans ;
-Jonas Geduldig, Polonais, 26 ans ;
-Emeric Glasz [Békés (Glass) Imre], Hongrois, 42 ans – Ouvrier métallurgiste ;
-Léon Goldberg, Polonais, 19 ans ;
-Szlama Grzywacz (AR), Polonais, 34 ans ;
-Stanislas Kubacki, Polonais, 36 ans ;
-Cesare Luccarini, Italien, 22 ans ;
-Missak Manouchian (AR), Arménien, 37 ans ;
-Armenak Arpen Manoukian, Arménien, 44 ans ;
-Marcel Rajman (AR), Polonais, 21 ans ;
-Roger Rouxel, Français, 18 ans ;
-Antoine Salvadori, Italien, 24 ans ;
-Willy Schapiro, Polonais, 29 ans ;
-Amedeo Usseglio, Italien, 32 ans ;
-Wolf Wajsbrot (AR), Polonais, 18 ans ;
-Robert Witchitz (AR), Français, 19 ans.)]