Publié le 28 juin 2014 à 22h30 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 17h54
C’est une séance plénière apaisée qui vient de se dérouler au Conseil général des Bouches-du Rhône. Les dossiers portés au vote notamment les comptes administratifs 2013 ou encore le budget supplémentaire 2014 n’ont généré aucune passe d’armes. Et malgré l’engagement du président «de ne pas avoir de débat sur la réforme territoriale sans un avant-projet », il n’a pu éluder les interventions, sur le sujet, des différents groupes présents dans l’hémicycle.
Dès le premier rapport, voté à l’unanimité, sur la Création d’un nouveau dispositif d’aide à l’accessibilité des services publics aux personnes à mobilité réduite.
Anne-Marie Bertrand -représentant Martine Vassal, présidente du groupe l’Avenir du 13 (groupe des élus UMP, nouveau centre et apparentés) en déplacement à l’étranger- d’intervenir longuement à la fois sur le rapport en question mais également sur les épineux sujets du redécoupage des cantons et de l’éventuelle disparition des conseils généraux dans le projet de la Réforme territoriale lancée par le Gouvernement.
Et de lancer immédiatement: «Cette question de l’égalité d’accès aux services publics est justement depuis quelques mois au cœur d’une actualité brûlante, qui nous concerne tous : je veux bien sûr parler de la réforme territoriale lancée il y a plus d’un an par le Gouvernement». Déplorant que «le principe d’égalité entre territoires et entre citoyens qui aurait dû la guider s’y trouve dangereusement bafoué».
Revient sur « le pacte de confiance et de solidarité avec l’État »: «En fait, nous assistons à une réduction sans précédent de ses dotations aux collectivités, que François Hollande est littéralement en train d’affamer : entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2017, le cumul des réductions de dotations représentera 28 milliards d’euros, alors que les départements, en ce qui les concerne, doivent consacrer sans cesse plus d’argent aux missions sociales que leur confie la loi».
En ce qui concerne le redécoupage cantonal, elle le juge «inique». «Au-delà de ces considérations symboliques, qu’en sera-t-il concrètement de l’accès aux services publics dans ces cantons grands comme des circonscriptions législatives -plus de 600 km² pour le nouveau canton de Trets et ses 18 communes, et même plus de 1 200 km² pour le nouveau canton d’Arles, soit presque le quart de la superficie du département», interroge Anne-Marie Bertrand.
Et d’insister: «Nous n’avons pas été surpris de constater que l’avis massivement défavorable voté par notre assemblée le 24 février dernier n’a pas décidé le Gouvernement à revenir sur son projet de décret en impliquant les élus locaux. La surprise viendrait plus tard… en entendant François Hollande et Manuel Valls annoncer de but en blanc la fin des conseils généraux»
Or, poursuit-elle: «Pourquoi redécouper les cantons, pourquoi modifier le mode de scrutin de leurs élus, pourquoi raccourcir la durée de leur mandat à 4 ans au lieu de 6, si c’est pour tout supprimer en 2020 ?»
Regrettant que l’action publique « perdra en efficience et en intelligibilité avec la raréfaction et l’éloignement des centres décisionnels. Le lien vital entre élus et citoyens se trouvera dangereusement affaibli, à l’heure où il nécessite au contraire d’être renforcé pour restaurer la confiance des Français dans leurs institutions ».
«Nous aurons un débat quand nous aurons les tenants et les aboutissants»
Le président, Jean-Noël Guérini, sans ouvrir le débat sur la réforme territoriale, revient sur le contexte avec un examen du projet de loi qui a été retiré de l’ordre du jour au Sénat. «Le conseil constitutionnel a été saisi et a un délai de 8 jours pour se prononcer. Une Commission spéciale est chargée d’examiner cette loi et les conclusions seront données jeudi.»
Il annonce : « Nous aurons un débat quand nous aurons les tenants et les aboutissants. Le 1er volet de la réforme concerne la délimitation des régions et nous n’avons aucun avant-projet de loi. Pour l’heure, l’incertitude plane. J’ai informé les syndicats du Conseil général. Une fois que j’ai l’avant-programme de loi, il y aura un débat avec les élus, une rencontre avec les syndicats et une Assemblée générale des personnels pour les informer sur l’avenir des conseils généraux ». « Quant au redécoupage des cantons, précise-t-il, plusieurs recours ont été déposés, nous attendrons la décision de la Haute juridiction administrative».
S’ensuit le vote du compte administratif 2013, la dernière étape du cycle annuel budgétaire qui relate l’exécution du budget, délibération phare inscrite au programme de la séance plénière. Un débat durant lequel, comme le veut la tradition, le président du Département, Jean-Noël Guérini quitte l’hémicycle, la loi ne l’autorisant pas à prendre part au vote.
«L’année 2013 a été marquée par un contexte de crise économique et financière persistant et une raréfaction de nos ressources. L’exécution du budget témoigne, cette année encore, de la réalisation de nos engagements auprès des citoyens du territoire et du sérieux de notre gestion. Dans ce contexte contraint, la stratégie du département des Bouches-du-Rhône est simple, cohérente et conforme au budget que vous avez voté», souligne en préambule Hervé Chérubini (PS), rapporteur général du budget.
«Une progression contenue des dépenses de fonctionnement pour pouvoir accompagner les publics fragiles à tous les âges de la vie»
Dans ce contexte, «bâti autour des deux axes d’une solidarité renforcée et d’un haut niveau d’investissement », le compte administratif 2013 du Département affiche 2,4 Mds€. Avec des réalisations « conformes au budget que vous avez voté», il assume « nos priorités ». Hervé Chérubini de détailler : « Une progression contenue des dépenses de fonctionnement pour pouvoir accompagner les publics fragiles à tous les âges de la vie; une attractivité des territoires, avec la priorité donnée aux investissements structurants, une dette maîtrisée pour ne pas obérer l’avenir, sans augmenter les impôts, contenir les dépenses de fonctionnement pour soutenir le volume des investissements et permettre au département d’impulser une dynamique et de préserver les emplois et la croissance économique». Indiquant que « le volume des dépenses d’investissements avec plus de 482M€ représente 241€ par habitant soit une hausse de 10% sur un an».
Le rapporteur général du budget de mettre en exergue que la plupart des départements, faute de marge de manœuvre, «ont réduit leur volume d’intervention». Le département des Bouches-du-Rhône, quant à lui «se positionne toujours comme l’un des tout premiers budgets départementaux, au niveau national, en investissement hors dette se concentrant sur l’amélioration de la qualité des transports et des infrastructures dans un souci de développement durable; les collèges et la politique d’aménagement et de développement du territoire» .
N’omettant pas de rappeler que pour cela «de gros efforts sont engagés, chaque année, pour contenir les dépenses de moyens généraux aux stricts besoins».
Les dépenses de personnel progressent de 1,8% en 2013 «une hausse bien inférieure à la progression moyenne des départements (2,4%) ». Précisant : « Ce chiffre est d’autant plus remarquable qu’il englobe les emplois d’avenir créé au sein de notre collectivité ».
«Les dépenses sociales continuent de progresser à un rythme de 4,2% sur un an»
La solidarité «mission première du Conseil général », constitue la principale source de dépenses. « Les dépenses sociales continuent de progresser à un rythme de 4,2% sur un an». Avec 1,2Md€ sur un total de 1,9Md€ de dépenses de fonctionnement, soit « les 2/3 des crédits consommés, très partiellement compensées par l’État.»
Hervé Chérubini indique que «le taux de chômage élevé du département -12% en 2013 (10,9% au niveau national)- n’est pas sans conséquence sur l’évolution des dépenses consacrées à l’insertion sociale et professionnelle».
Il avance les chiffres suivant : Les allocations du Revenu de solidarité active RSA affichent 402,7 M€ (+ 19,1M€ par rapport à 2012). Autres dépenses en croissance, celles liées à la prestation de compensation du handicap (PCH). 62,1 M€ y ont été consacrés en 2013, un chiffre en hausse de 14,7% par rapport à 2012 soit une progression de 8M€ sur un an. Par ailleurs, 150,7M€ ont été dédiés à la politique en faveur des personnes âgées (APA) soit une hausse de 2,4% sur un an.
«Avec 2,2 Mds€, les recettes n’ont pas progressé en 2013»
De signifier: «Avec 2,2 Mds€, les recettes n’ont pas progressé en 2013. Et elles n’ont jamais été aussi contraintes avec la participation à l’effort national toujours plus poussée et la mise en place de fonds de péréquation nationaux auxquels le conseil général contribue largement. Entre les dépenses sociales qui s’accroissent fortement et des recettes atones, l’effet ciseaux est criant.» Pour autant, tout en «redoublant de vigilance», «nous n’avons pas souhaité augmenter les impôts pour la 7e année consécutive», déclare-t-il.
Fort de la notation « AA perspective stable » de l’Agence Fitch Ratings, le département affiche «une dette contenue et diversifiée».
«Le Conseil général aurait eu vocation à demeurer leader à l’avenir sur un certain nombre de politiques publiques»
Si le compte administratif 2013 a retenu l’attention, de Didier Réault (UMP), la réforme territoriale revient sur le tapis. «Je suis heureux d’apprendre que, compte tenu du contexte institutionnel, et notamment la perspective d’une disparition des départements, nous allons mourir en bonne santé», ironise-t-il.
D’un point de vue financier, poursuit-il : « Nous sommes en bonne santé, malgré l’étouffement dont souffrent les collectivités, et nous allons pourtant accepter que le bourreau vienne sonner le glas de l’une des plus vieilles institutions de France avec les communes, et la disparition de l’une des rares catégories d’élus à être désignés sur leur propre nom, privilège réservé par ailleurs aux députés et au Président de la République».
Selon lui : «Le Conseil Général est une institution de proximité, reconnue de tous ; vaille que vaille, il continue à remplir ses missions sociales, et compte tenu de la situation de nos concitoyens, il aurait eu vocation à demeurer leader à l’avenir sur un certain nombre de politiques publiques, notamment en matière de solidarité».
En voulant programmer sa suppression «sans la moindre concertation», il estime que «le Gouvernement commet une erreur, qu’il aggrave en s’entêtant dans la politique financière qu’il mène vis-à-vis des collectivités, et qui se traduit ici par une perte d’autonomie financière de plus en plus avérée du Conseil général. Ce qui était hier inquiétant est devenu criant : aujourd’hui, son budget ne repose plus qu’à 15% sur ses recettes de fonctionnement, ce qui signifie qu’il dépend à 85% du bon vouloir de l’État, avec des dotations en chute libre. Le taux de couverture de l’APA (allocation personnalisée d’autonomie) diminue sans cesse, de même que celui de la PCH (prestation de compensation du handicap) ».
Didier Réault d’avancer:« Nous avons donc beaucoup de craintes sur la capacité du Conseil Général à continuer à mener à bien ses politiques, malgré une santé financière qui paraît l’y autoriser. Nos parlementaires doivent se mobiliser et intervenir auprès du Gouvernement».
Pour l’heure, concluera-t-il :«Notre groupe s’abstiendra sur cette délibération, qui traduit un certain manque de réalisme vis-à-vis du contexte qui prévaudra dans les années à venir».
«Une abstention bienveillante», rétorquera, le rapporteur général du budget après que l’ensemble des groupes ait voté en faveur de ce rapport.
«Côté investissement, tant en autorisations de programme que crédits de paiement, les ajustement sont minimes»
Après le vote du compte administratif 2013, le Conseil général des Bouches-du-Rhône devait adopter dans la foulée, le budget supplémentaire 2014, la « décision modificative 1 » (DM1). Car, comme l’explique Hervé Chérubini , « il convient désormais de reprendre les résultats (71,8 M€) et les restes à réaliser » alors que « les reports en dépenses sont de 53 M€ ». Le budget supplémentaire qui est proposé permet «une réduction de l’emprunt d’équilibre de 1,7 M€», souligne le rapporteur général du budget.
En fonctionnement, ce budget supplémentaire représente 21,8 M€, soit moins de 1% des dépenses inscrites en faveur de la politique d’insertion avec 18 M€ pour l’allocation RSA. «Côté investissement, tant en autorisations de programme que crédits de paiement, les ajustement sont minimes», assure-t-il.
Et en ce qui concerne les recettes, «la décision modificative permet d’intégrer quelques ajustements, pour environ 2 M€ »
La décision modificative n°2 qui sera votée en octobre prochain «nous donnera plus de recul, tant en dépenses qu’en recettes, sur nos besoins d’adaptation des crédits de notre budget départemental », résume Hervé Chérubini.
«Le Conseil général est le dernier rempart pour beaucoup de personnes en difficulté»
C’est au tour de Jean-Marc Charrier, président du groupe communiste d’intervenir avec également la réforme territoriale en ligne de mire. Il rappelle : « Notre collectivité travaille à un accompagnement des plus précaires . Et la situation ne va pas en s’arrangeant : on note l’augmentation des dépenses du RSA et d’insertion. Le rapport montre, qu’elles augmentent même presque 2 fois plus vite qu’au niveau national». Il souligne : «Une étude publiée dernièrement par l’ODAS (Observatoire national de l’action sociale) indique que les départements sont dans une impasse, à cause de l’explosion des besoins de financement de l’action sociale, en premier lieu le RSA, l’État poursuit ses choix qui sont contraire à l’intérêt du plus grand nombre. Pour notre département, ces dépenses d’aides sociales progressent de 47,8M€ soit 4,2% et à un rythme 4 fois plus élevé que l’inflation».
Jean-Marc Charrier d’observer: «Pendant ce temps certains s’interrogent sur l’utilité des conseils généraux». Jugeant que «le Conseil général est le dernier rempart pour beaucoup de personnes en difficulté.»
Il ne cache pas son inquiétude: « Nous décidons d’orientations, de modifications, aujourd’hui sans savoir ce qu’il adviendra des Départements, de leurs compétences, de leur argent et de leurs élus. Le président de la République a annoncé les grandes lignes de ses propositions de Réforme des institutions. La seule réflexion qui a animé ce travail est d’obtenir des économies en fusionnant ou en supprimant des échelons administratifs : réduction arbitraire du nombre de régions et de structures intercommunales, suppression à terme des conseils généraux, mise en place de la métropole».
Il estime qu’avec la réforme : «La perte du nombre d’élus pose la question de la démocratie de proximité et à court terme une saignée du nombre d’agents territoriaux là encore au détriment du service rendu aux habitants.»
Le président du groupe communiste considérant: «La nécessaire évolution de nos institutions n’appelle pas pour autant leurs disparitions pure et simple ou leur transformation en structures centralisées, gigantesques, loin des citoyens et des usagers des services publics; elles appellent davantage de démocratie, d’implication citoyenne, la promotion de la coopération».
Souhaitant que la politique de la collectivité maintienne le cap de la solidarité « si utile aux familles, aux femmes et aux hommes de notre département » le groupe communiste a voté pour ce budget supplémentaire .
Didier Réault pour le groupe l’Avenir du 13 s’abstiendra «sur cette décision modificative, qui ne convient pas davantage à la politique que nous souhaiterions voir mener».
Pour Mario Martinet, président du groupe socialiste, il est question «d’un excellent budget avec des dépenses maitrisées et raisonnées». Le groupe socialiste votera le budget supplémentaire. Il évoquera toutefois la réforme, en parlant d’«un feuilleton à suspens». d’un découpage «au profit des supers métropoles», espérant que «les choses pourraient encore changer, car cette réforme n’est pas la réponse à la crise territoriale». Rappelant que ce sont ces élus de proximité du Conseil général «qui rencontrent les citoyens et qui sont confrontés à leur demandes». Il faut, selon lui «rétablir le dialogue entre les collectivités territoriales.»
C’est le président du Conseil général, Jean-Noël Guérini qui conclura cette séance qui a largement porté sur la réforme territoriale indiquant à ce propos: «On ne sait pas à quelle sauce nous allons être mangés. On imagine que nous élus, ne pensons qu’à nous. Mais j’ai avant tout le souci des personnels qui sont dans l’inquiétude et des citoyens». Jugeant: «Il faut que tout le pays soit réformé et que nos collectivités soient renforcées. Avec cette réforme, je ne pense pas que cela fera faire des économies à l’État, quelles que soient les compétences transférées.»
Patricia MAILLE-CAIRE