Publié le 27 mars 2013 à 3h00 - Dernière mise à jour le 10 août 2023 à 10h54
Eugène Caselli et Guy Teissier ne prendront pas le BUS ensemble
La fin de la séance de ce lundi 25 mars a été animée par une passe d’armes entre le président de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM) et le député-maire des 9e et 10e arrondissements. L’objet du délit ? Le Boulevard Urbain Sud, alias le BUS, dont la mise en service a été repoussée par MPM en raison de son coût financier.
Nous étions déjà entrés dans le temps additionnel de cette séance du lundi 25 mars riche de plus de 300 délibérations, l’heure du déjeuner largement dépassée, quand le conseil municipal de Marseille fut appelé à se pencher le rapport 208 portant sur le Plan de Déplacements Urbains (PDU). Les 101 élus devaient donner leur avis sur la révision de ce PDU du territoire de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM) pour la période 2013-2023. L’occasion pour l’élue de la majorité municipale Marie-Louise Lota de prendre la parole au sein de l’assemblée municipale pour la première fois de la mandature débutée en 2008 ! « Mieux vaut tard que jamais », en sourit l’intéressée. Mais l’autre événement quasi exceptionnel généré par ce rapport 208 est bel et bien que la majorité municipale souhaitait amender le texte, et non l’opposition ce qui survient de manière plus classique. « Ce PDU respecte plusieurs objectifs : le respect de l’environnement et l’augmentation de la fréquentation des transports en commun pour les déplacements de loisirs et de l’économie. Mais il est plus que regrettable que le Boulevard Urbain Sud (BUS) devienne l’arlésienne au même titre que la L2 », souligne Marie-Louise Lota.
Dans les rangs de l’opposition, c’est Christian Pelllicani, pour le groupe Communiste, Républicain, Citoyen, qui monte le premier au créneau. Dans une ambiance électrique car la longueur de son intervention l’amènera à dépasser le temps de parole prévu pour son groupe sur l’ensemble de la séance. « Nous partageons les intentions mais pas vos réponses M. le Maire. Nombre de réponses manquent, selon nous, d’ambition et de cohérence à commencer par la dimension métropolitaine du projet. Certes, il est proposé à RFF et à la Région de faire du TER un véritable Transport en Commun en Site Propre (TCSP) métropolitain. Mais comment comprendre le renvoi de deux projets à un autre horizon que ce deuxième PDU : celui de la jonction tramway entre Marseille-La Penne-sur-Huveaune et Aubagne ; celui d’un site propre rapide entre Saint-Charles et l’Aéroport. Deux absences de propositions à 10 ans parfaitement incompatibles avec le discours ambiant sur « la Métropole » », dénonce Christian Pellicani. Et de pointer également « la conception d’une ville hyper centralisée où on renvoie les 4/5e du territoire et des habitants à une vision périphérique, au risque d’une ville à plusieurs vitesses ».
« Votre avis accentue les déséquilibres Nord-Sud »
Quant à l’amendement de la majorité municipale sur le BUS, le conseiller municipal d’opposition estime qu’il « illustre votre démarche du tout voiture habillé de vert et de verbe pour aller dans le sens de la règlementation mais sans rien changer ». Et de juger que « votre avis accentue, un peu plus, les déséquilibres Nord-Sud en termes de création d’infrastructures de transports collectifs. Il ne s’agit pas ici de verser dans le localisme électoral mais de constater un fait : depuis qu’elle s’est dotée d’un PDU et d’ici 2023, MPM aura dépensé près d’un milliard d’euros pour prolonger le métro vers Saint-Barnabé et Saint-Loup contre 70 M€ vers le Nord et rien vers Château-Gombert. On est loin des engagements pour relier les quartiers Nord de Marseille au centre et au Sud de la ville. »
Christian Pellicani observe encore que « le maillage est pour le moins surprenant et laisse la partie la plus fréquentée du littoral marseillais et une entrée du Parc National sous l’emprise du tout voiture. Bonjour le plan climat ! » Et de conclure : « On mesure, aujourd’hui, les enrichissements du Plan local d’urbanisme (PLU) qui devraient être pris en compte après le rapport du commissaire enquêteur. Nous souhaitons la même dynamique citoyenne et nous nous mettons au service de tous ceux et celles qui voudront y participer. Cette démarche nous amène aujourd’hui à nous abstenir sur votre avis et nous apporterons un avis définitif et un vote sur le PDU lorsque celui-ci reviendra amendé par l’enquête publique. »
Une analyse que partage dans les grandes lignes Flora Boulay (EELV). « Ce PDU est excellent en termes d’intention avec une volonté de rendre les transports en commun concurrents à la voiture. Mais il y a loin entre les objectifs et les actes : le PDU ne provoquera pas le basculement modal attendu. Nous dénonçons une politique qui refuse de s’engager vers un basculement total des pratiques », argumente-t-elle.
« Depuis que des échéances se rapprochent, vous concentrez vos efforts sur d’autres secteurs de Marseille »
Eugène Caselli (PS) enfilait alors sa casquette de président de la communauté urbaine pour apporter des précisions sur le BUS. « Il ne se fera pas sous cette mandature mais dans la prochaine et, je l’espère, dans un cadre métropolitain. Le coût est de 150 M€ et ce n’est pas possible sous cette mandature. Il faut le dire, cela relève de l’honnêteté en politique », insiste-t-il, en rappelant que « François Fillon », l’ancien Premier ministre, « n’a rien donné au BUS ». Par ailleurs, il réfute l’idée selon laquelle les quartiers Sud seraient mal lotis en termes d’infrastructures. « Le budget voirie a été multiplié par deux et demi dans ces quartiers sous cette mandature. Ils ne sont pas oubliés. Le BUS est une priorité, comme la L2 ou le tramway Nord-Sud. Quant aux deux métros, ils ne pourront être financés que dans un cadre métropolitain ou avec le soutien de l’Etat », plaide-t-il, tout en se réjouissant de la récente obtention du permis de construire pour le pôle multimodal du boulevard Capitaine Gèze.
Des précisions qui n’étaient pas du goût de Guy Teissier (UMP), député-maire des 9e et 10e arrondissements. « Vous êtes en train de réécrire l’histoire. Pour vous, c’était une priorité, et aujourd’hui c’est une volte-face. Ne comparez pas les travaux de voirie et ceux qui relèvent d’un intérêt municipal. Je note votre changement de comportement depuis que des échéances se rapprochent et que vous concentrez vos efforts sur d’autres secteurs de Marseille. Quels sont les efforts sur les grands équipements des 6e-8e-9e-10e-11e-12e ? La U430 (NDLR : voie qui prolonge le rue Pierre Doize au-delà du giratoire Audoli afin de soulager le noyau villageois de Saint-Loup. A terme, elle est appelée à rejoindre et traverser l’autoroute A50, ainsi que l’Huveaune jusqu’à la Pomme, constituant alors une alternative à la voie qui longe traditionnellement le lit du fleuve côtier) est superbe sur 500 m. Mais elle ne permet pas le contournement de Saint-Loup. Si en 2016, la L2 venait à s’achever, nous aurions une thrombose à cet endroit », rétorque le député-maire du 6e secteur. Des critiques qui n’épargnent pas le gouvernement. « Le Premier ministre est venu à Marseille pour dire que c’était une priorité et nous n’avons pas le 1er euro versé sur les travaux de la L2 », martèle-t-il.
« On assiste à un accord entre M. le maire et M. Teissier »
Et Guy Teissier d’en revenir sur le BUS en ciblant de nouveau Eugène Caselli : « Vous avez entrepris des études, vous êtes allé jusqu’à l’enquête publique, et puis plus rien. On ne peut pas se satisfaire de ces réponses. » Ce qui conduira Yves Moraine (UMP), président du groupe de la majorité municipale, à réaffirmer le contenu de l’amendement : « Le BUS doit être une priorité parce que c’est un équipement d’intérêt métropolitain. Le conseil interministériel a fait de Marseille une priorité : piochons dans cette enveloppe pour réaliser cet équipement. »
Mais Eugène Caselli n’en reste pas là, pointant à son tour ce qu’il assimile à des visées électorales de la droite. « On assiste à un accord entre M. le maire et M. Teissier dans le cadre d’une séance budgétaire. Vous vous réconciliez sur le BUS. La L2 est prioritaire, comme le BUS, le tramway Nord-Sud et le prolongement du métro de Bougainville à Saint-Antoine et de Dromel à Saint-Loup sont prioritaires. Pour nous, cet amendement est trop parcellaire. Nous nous abstiendrons », martèle-t-il.
Tout en rappelant « les rapports de confiance entre la communauté urbaine et la mairie de Marseille » qui prévalent depuis 2008, Jean-Claude Gaudin défend alors en personne l’amendement. « Le BUS est une priorité. On sait qu’il y a des problèmes financiers. Mais puisque tant de promesses ont été faites, vu le monde merveilleux qu’on nous promet, on souhaite réaffirmer cette priorité », explique-t-il.
Soumis au vote l’amendement sera finalement adopté avec les seules voix de la majorité municipale. Ce qui fera ironiser Patrick Menucci : « Nous sommes dans une réunion de l’UMP pour faire un accord électoral. »
Serge PAYRAU