Publié le 9 juillet 2023 à 19h50 - Dernière mise à jour le 20 juillet 2023 à 13h16
Après un conseil municipal de Marseille exceptionnel le vendredi 30 juin, la séance du vendredi 7 juillet a permis de revenir sur les journées d’émeute que la Cité phocéenne a connues, tout comme les questions politiques que cela pose. Si les grands dossiers ont été évoqués les stratégies politiques ont également été mises en exergue. La droite demandant à la majorité de prendre l’engagement de ne pas passer d’accord avec la France Insoumise. Des attaques multiples qui ont conduit le maire à réagir avec force. Et d’attendre de Martine Vassal, présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence qu’elle retire la vice-présidence au maire de Marignane, Eric le Dissès qui vient de passer un accord avec le RN Franck Allisio.
Au terme d’un débat tendu Benoît Payan, le maire de Marseille hausse le ton. Il lance du côté des bancs de la droite: «Les leçons, les polémiques vous vous les appliquez à vous-mêmes parce que ce n’est pas dans les rangs de la majorité municipale qu’il y a quelqu’un qui n’aime pas la République. Parce que ce n’est pas chez nous qu’il y a quelqu’un qui est au RN». Il sous-entend ici que le maire divers droite de Marignane, Eric le Dissès, vice-président de la métropole vient de créer avec Franck Allisio, député du rassemblement national des Bouches-du-Rhône, le … RPR : Rassemblement pour Reconstruire. Et s’adressant à Martine Vassal, il précise: «J’attends que vous le sortiez de la vice-présidence de la métropole». Et de lui asséner encore: «J’aurais eu besoin de vous pendant les émeutes plutôt que de vous voir jouer le jeu de la division. Et la Police, elle est ici et nous n’avons pas besoin de vous pour lui rendre hommage». Et de juger: «Vous êtes à l’agonie politique (au LR NDLR) et vous êtes capable de faire n’importe quoi».
«Les actes commis à Marseille ne rendent pas justice à Nahel»
En ouvrant le débat le maire de Marseille avait condamné «des scènes de violence insupportables et insoutenables qui ont choqué tous les Marseillais». Il insiste en ajoutant que «les actes commis à Marseille ne rendent pas justice à Nahel. Ils ne font que servir le discours de ceux qui veulent nous diviser. Or ce n’est pas de division dont nous avons besoin mais au contraire de calme, de rassemblement et de concorde». Et il dénonce: «Ceux qui profitent d’un drame pour servir leur discours politique et ceux qui voudraient rétablir la loi du Talion». Pour Benoît Payan: «Ils saccagent les lois de la République comme d’autres saccagent les vitrines».
«Il n’y a pas d’un côté des Français à part entière et d’un autre des Français entièrement à part»
Ceci posé, pour Benoît Payan: «Notre pays a besoin de s’interroger sur les causes et sur les réponses à apporter à ce qui s’est passé. De ne pas nier la crise sociale contre laquelle nous tentons parfois seuls d’apporter des réponses. De ne pas occulter la crise sociale qui divise, qui stigmatise alors que, non, il n’y a pas des Français de souche et des Français de papiers comme j’ai pu le lire. Il n’y a pas d’un côté des Français à part entière et d’un autre des Français entièrement à part».
«Nous ne construirons rien de durable…»
Benoît Payan cite : «Nous ne construirons rien de durable si nous ne reconnaissons pas et n’assumons pas la diversité de la société française. Elle est inscrite dans notre Histoire. C’est une richesse et c’est une force». Le propos est de Jacques Chirac et date de 2005. Pour le maire, les villes ont un rôle primordial à jouer dans la préservation de cette richesse et de cette force.
Il rappelle ensuite le rôle de la municipalité pendant les émeutes. Et de remercier à ce propos les services de la ville, la police municipale «qui elle aussi, a permis des interpellations de nombreux pilleurs et évité bien des drames», les marins-pompiers. Il indique également avoir appelé en pleine nuit le ministre de l’Intérieur pour obtenir des effectifs supplémentaires de police et de gendarmerie. Signale encore que la Ville a débloqué 2M€ d’aides exceptionnelles, demandé au gouvernement, qui l’a accepté, l’extension des soldes et enfin remercie «les services de la Région Sud et de la métropole Aix-Marseille-Provence, ces deux collectivités qui ont débloqué des aides exceptionnelles pour aider nos commerçants».
«Les violences, les pillages n’ont rien à voir avec le deuil ou l’émotion»
Pour Martine Vassal: «Les violences, les pillages n’ont rien avoir avec le deuil ou l’émotion. Et alors que le calme semble revenir le plus grand risque consisterait à excuser ce qui est inexcusable». Elle invite à la prudence pour le 14 juillet. Affirme «être très en colère car rien ne peut excuser que l’on brûle des établissements publics, des commerces. Rien ne peut excuser les pillages, les lynchages et les agressions sur nos force de l’ordre. Rien ne peut excuser que deux policiers en civil soient battus lorsqu’ils rentrent chez eux avec leur famille. Rien ne peut excuser les atteintes à la vie d’élus et de leur famille». Et de s’en prendre vivement à LFI avant de s’adresser à Benoît Payan: «Monsieur le maire il y a ceux qui condamnent les violences et ceux qui ne le font pas. Confirmez-nous que ceux qui ne le font pas n’ont pas et n’auront pas leur place dans votre majorité municipale». Martine Vassal ajoute: «C’est avec détermination que je dénoncerais le manque de solidarité envers la police, les forces de l’ordre de la part de celles et ceux qui portent une écharpe tricolore. Oui, les bavures doivent être condamnées, punies, nous en sommes tous d’accord. Mais les stigmatisations mettent en péril l’ordre républicain». Et d’affirmer: «Je veux défendre la classe moyenne, ceux qui paient leurs impôts, cette France silencieuse qui ne manifeste pas, qui ne brûle pas, cette France lasse de voir son pays souffrir».
«Madame Vassal a retrouvé des intonations de droite affirmée»
Le propos séduit le Zemmouriste Stéphane Ravier: «Madame Vassal a retrouvé des intonations de droite affirmée et dénonce l’extrême gauche qui souffle sur les braises. J’appelle ces élus de droite à la cohérence et à accepter la main tendue que je leur tend à nouveau. J’en appelle à l’union des droites contre les séditieux de gauche».
«Un mercato politique»
Le macronien Lionel Royer-Perreaut regrette que le vœu d’unité républicaine et d’apaisement souhaité par le maire de Marseille n’ait pas été entendu «et nous sommes passés à un mercato politique qui n’a aucune place dans le débat qui doit nous animer à cet instant». Il remercie à son tour les polices municipale et nationale, les marins-pompiers pour leur action, la ville, la métropole et la région pour le soutien financier apporté aux commerçants. Pour lui: «Rien ne peut expliquer la mort de ce jeune homme, c’est une tragédie mais rien ne justifie les attaques subies». Et d’inviter, à la suite du président de République, à la réflexion, parle de responsabilité individuelle mais aussi collective. «La responsabilité des gouvernements qui se sont succédé depuis 25 ans est engagée». Alors, il invite, en matière de politique publique, «d’être à la hauteur des enjeux et d’éviter le clientélisme». Il considère: «l’outil républicain est de moins en moins efficace» et de pointer du doigt: «à force d’éloigner les décideurs de leurs responsabilités, des élus ne sont plus en capacité d’apporter une réponse rapide aux enjeux». Pour Lionel Royer-Perreaut, il faudrait donc «alléger le millefeuilles et il faut des compétences exclusives» et de plaider enfin en faveur des mairies de secteur.
«On a assisté à une demande de mariage pour les élections de 2026»
Samia Ghali rend hommage à l’intervention de son prédécesseur avant de considérer, concernant celles de Martine Vassal et de Stéphane Ravier: «On a assisté à une demande de mariage pour les élections de 2026. Vous vous inquiétez de la possibilité de mariage entre notre majorité et les Insoumis mais vous, vous avez déjà consommé». Des cris se font entendre sur les bancs de la droite. Samia Ghali reprend: «Si certains regrettent leurs propos qu’ils y remédient». Puis de dénoncer «les actes inqualifiables que nous avons connus. On n’a pas le droit de casser, de détruire, il n’y a aucune excuse à dégrader». Elle tient en revanche à saluer ceux qui, dans les quartiers, n’ont pas bougé. En revanche, poursuit-elle: «Je suis surprise de voir que les mêmes qui tapent sur certains aujourd’hui ne l’ont pas fait au moment des gilets jaunes. Ils ne se demandaient pas alors s’ils aimaient la France. Mieux ils ont eu le soutien de l’extrême droite».
«On assiste à une ghettoïsation»
Pour Fabien Perez, EELV: «Les violences que l’on a connues n’ont plus grand chose à voir avec la mort de ce jeune Nahel. Ces violences ont changé de nature, atteignant des niveaux extrêmes, des pillages de commerces. Nous condamnons fermement ces violences mais cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir sur les solutions à apporter et les causes de ces dernières». Pour Fabien Perez: «La facilité consisterait à dire qu’il s’agit de délits et qu’il ne peut y avoir d’autres réponses que la répression». Et de considérer: «Depuis des décennies nos politiques de la ville n’ont pas réduit les ségrégations sociale et ethnique. les habitants des quartiers difficiles sont de plus en plus pauvres. Et il s’agit de familles d’immigrés ou issues de l’immigration. Ceux qui réussissent au travail quittent le quartier pour laisser leur place à des familles encore plus pauvres. On assiste à une ghettoïsation. Les garçons qui échouent plus à l’école que les filles occupent les rues. Les familles se replient. Les quartiers excluent les habitants en même temps qu’ils les protègent. Un jeune d’origine étrangère qui vit dans un quartier difficile a beaucoup moins de chance de trouver un emploi qu’un autre à qualification et compétence égales».
«Nous voulons l’union des Français et des patriotes»
Pour la RN Gisèle Lelouis: «Les émeutes sont dues au communautarisme. Les milliards déversés par la politique de la ville n’ont pas permis d’endiguer l’insécurité et les pillages ne sont pas le fait de la pauvreté et, en ce qui nous concerne, nous voulons l’union des Français et des patriotes».
«Marseille est pleine de vie, elle est aussi pleine d’inégalités»
Pour Jean-Marc Coppola, PCF pendant les émeutes: «Tout le monde a été sur le pont et nous avons joué les urgentistes et les médiateurs d’une République fragilisée et fracturée». A ses yeux: «La société de mépris dans laquelle nous vivons n’offre pas de perspectives à la jeunesse ou si peu». A son tour il condamne la violence «d’où qu’elle vienne» il entend en comprendre les raisons.
Alors il avance: «Marseille est pleine de vie, elle est aussi pleine d’inégalités et c’est sur le terreau des inégalités que prospère les idées nauséabondes de l’extrême-droite et de la droite extrême». Et de se tourner vers Martine Vassal: «Pouvez-vous nous assurer qu’il n’y aura jamais d’élus d’extrême-droite dans votre majorité? ». Puis de dénoncer les politiques en cours ajoutant: «Marseille a connu une longue période de politique municipale inégalitaire et inconséquente. Et il y a trois ans nous avons été élus pour agir, pour panser les plaies et depuis nous travaillons pour donner un nouvel élan dans la durée et en profondeur à cette ville».
«L’hégémonie culturelle a changé de main dans notre pays»
Jean-Marc Coppola rappelle: «Cela fait 40 ans que, pas à pas, l’hégémonie culturelle a changé de main dans notre pays qui est de moins en moins celui des Lumières, des valeurs de liberté, de tolérance et d’ouverture au monde. Face à cela notre raison d’être est de rassembler par l’émancipation humaine indissociable du combat pour la démocratie et la République. Cela passe notamment par le développement de l’éducation et de la sûreté. Et je parle bien de sûreté car l’article un de la déclaration des Droits d l’Homme évoque bien la notion de sûreté comme garantie pour les hommes et les femmes et pas de sécurité».
Joël Canicave, Printemps Marseillais, rend hommage au travail réalisé par tous les services, note que toutes les composantes de la majorité ont condamné les violences. Ajoute: «Lionel Royer-Perreaut a parlé de mercato, Samia Ghali de mariage, madame Vassal déclare ne pas avoir été comprise. Est-ce-qu’elle peut nous rassurer, est-ce que monsieur Éric Le Dissès fait toujours partie de sa majorité lui qui vient de s’allier avec le RN ?».
Michel CAIRE