Publié le 15 septembre 2015 à 21h49 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h44
Difficile séance du Conseil municipal de Marseille, ce lundi, sur fond d’accueil des migrants. Souffrance humaine qui n’a même pas permis de gommer les clivages politiques et a même attiser des haines. Décevant…
L’opposition de gauche, par la voix de Stéphane Mari (PS) souhaitait un débat en Conseil municipal sur la question de l’accueil des migrants à l’instar de la région Paca qui organisait au même moment une séance plénière extraordinaire sur ce dossier. Le sénateur-maire Les Républicains de Marseille, Jean-Claude Gaudin, s’y est opposé, avançant: «Ce débat concerne d’avantage le gouvernement que le conseil municipal». Mais, le débat a quand même eu lieu. Et c’est le frontiste Stéphane Ravier qui est intervenu pour défendre les thèses de son parti : le rejet de l’Autre. «Je regrette que nous n’abordions pas cette catastrophe, la submersion migratoire que l’Europe est en train de vivre et notre pays en particulier». Fustigeant Michel Vauzelle «qui distribue de l’argent public en faveur « des clandestins »». Ou encore: «Je laisse les partisans des droits de l’Homme qui ont fait de ce pays les droits de l’Autre se regarder dans une glace…»; saluant à demi-mot l’action de la Hongrie, etc., etc. Malgré cette propagande, l’hémicycle ne s’est réellement manifesté que lorsque Patrick Mennucci, PS, a pris la parole. Les élus FN, en particulier, ont donné de la voix pour perturber son propos.
«L’émotion et la compassion ne sauraient être une réponse»
L’élu socialiste regrettant qu’un débat n’ait pas été organisé: «cela aurait permis d’éviter les diatribes du Front national». Et de revenir sur l’accueil des migrants: «Une image terrible, un bambin noyé, a changé la conscience de beaucoup d’Européens. Mais, l’émotion et la compassion ne sauraient être une réponse, nous devons la porter nous-même en lien avec l’État comme beaucoup de communes l’ont déjà fait». Et d’insister: «Mon intervention n’est pas polémique, ce conseil municipal doit prendre une position de principe. Oui ou non sommes-nous d’accord pour accueillir les 300 personnes, au regard des 24 000 réfugiés quota de la France, sur les 2 ans qui viennent soit 150 personnes par an sur notre territoire?». Pendant ce temps sur les bancs du FN des « non » fusent ou encore « collabo ». «L’honneur de notre ville, poursuit Patrick Mennucci, c’est de le faire sans bémol. Et parce que c’est la ville de Marseille, elle a la responsabilité d’organiser, de mobiliser les forces, de réussir l’intégration de ceux que nous accueillerons». Il préconise de mettre autour de la table tous ceux qui voudront concourir « à la réussite » de cette opération. Citant: Associations, mouvements d’éducation populaire, société civile, partenaires sociaux, patronat, syndicats, Région, Conseil départemental…
«Trois ou 4 familles par arrondissement en favorisant les secteurs qui concentrent le moins de difficultés»
Annonçant qu’il fallait trouver « 50 logements« dans la ville en ouvrant un registre de tous les Marseillais, particuliers, associations, églises, bailleurs… qui mettraient à disposition des logements. «Je ne crois pas, monsieur le maire que nous devions recevoir les réfugiés en utilisant l’UHU (Unité d’Hébergement d’Urgence)». Proposant que l’installation de ces réfugiés soit répartie sur la ville entière. «Trois ou 4 familles par arrondissement en favorisant les secteurs qui concentrent le moins de difficultés»; parle d’une coordination de leur accueil en matière de santé; d’organiser les apprentissages de la langue française; développer un partenariat avec l’Éducation nationale, les universités; la formation professionnelle pour la poursuite de leurs études, etc. «Et, faisons comme les Allemands, utilisons les compétences de ces personnes pour agrandir notre ville pour la rendre plus fraternelle», avance-t-il. Espérant que: «Quand on aura installer les familles, on ne verra pas des élus manifester pour les déloger».
«Oui nous voulons bien faire un effort, être généreux, nous l’avons toujours été, nous avons accueilli les rapatriés d’Algérie, les Arméniens»
C’est au tour de Xavier Mery (LR), adjoint au maire de Marseille délégué à l’intégration et à la lutte contre l’exclusion, d’intervenir. «On n’a pas attendu un buzz médiatique et une photo macabre et à la fois symbolique pour se réveiller. En fait cela fait un an et plus que nous nous préoccupons déjà des réfugiés qui arrivent sur notre sol. Monsieur Mennucci en proposent 150 par an. Je peux vous dire qu’on les a déjà. On s’en est occupé. On n’a pas attendu cette « envolée médiatique », pour se rendre compte qu’il y avait de la misère qui était imposée par les guerres». «Aujourd’hui, poursuit-il, l’État s’éveille. Le maire m’a envoyé à cette réunion des maires à Paris. Ce que nous a dit Monsieur Cazeneuve et promis Monsieur Valls: 1 000€ qui seraient donnés aux communes par réfugié que l’on accueillerait. ils nous ont promis de prendre en charge l’hébergement de ces familles et l’étude administrative des dossiers». Et en toute complicité avec l’élu FN, il ironise: «Écoutez bien monsieur Ravier, Il nous ont assuré que les déboutés du droit d’asile seront reconduits à la frontière. Oui vous pouvez rire monsieur Ravier, nous savons très bien que les déboutés du droit d’asile emboutissent nos systèmes d’urgence.» Après avoir bien ri, Xavier Mery, d’annoncer: «Oui nous voulons bien faire un effort, être généreux, nous l’avons toujours été, nous avons accueilli les rapatriés d’Algérie, les Arméniens. Mais, cela dit, je ne reste pas sourd aux inquiétudes des Français. Une majorité d’entre eux sont hostiles à l’accueil de ces immigrés. Recevoir ces migrants alors que nous avons tant de mal aujourd’hui à intégrer ceux que nous avons déjà reçu, qu’est-ce que nous ferons demain?» Et dans une envolée lyrique, il lance: «Alors, relevons le pari d’une véritable intégration. Montrons que là où nous avons échoué hier, nous réussirons demain. Je veux que nous parvenions à intégrer ceux que nous recevons. Montrer que la France peut et sait accueillir, intégrer et faire de ces migrants d’aujourd’hui des gens qui ne seront pas des étrangers sur notre sol demain.» Déclarant: «Nous ne viserons pas la quantité, nous ne viserons pas la surenchère, nous serons dans le qualitatif. Nous ne voulons pas décevoir les Français et donner raison à leurs inquiétudes». Quel programme! Quant à Catherine Giner (LR), de s’en prendre à Patrick Mennucci à propos «des peuples minoritaires qui sont massacrés dans leur pays par Daesh et qui n’ont pas réveillé votre conscience». Lui reprochant de s’apitoyer sur le sort des migrants alors qu’il y a «un génocide des minorités d’Orient». Notamment les Assyro-Chaldéens, peuple chrétien du Proche-Orient, pour qui «un réseau solidaire s’est enclenché et dont la Ville coordonne les actions».
«Il appartient à l’État d’organiser, au ministre de l’Intérieur de donner des consignes au préfet»
C’est le maire de Marseille qui clôturera ce débat: «Il appartient à l’État d’organiser, au ministre de l’Intérieur de donner des consignes au préfet et non pas de se défausser comme le gouvernement veut le faire sur les collectivités territoriales, l’année où en plus on nous supprime 30M€ d’aide. Oui, à la générosité de la main tendue à ceux qui sont persécutés. Marseille a toujours accueilli et sera très attentive au droit d’asile mais non comme vous venez de le faire (s’adressant à Patrick Mennucci) à la propagande compassionnelle et culpabilisante de ceux qui donnent des leçons de générosité et de morale à la terre entière. C’est vous, vos amis qui sont en responsabilité gouvernementale. C’est à eux d’abord de trouver le maximum d’éléments, la ville de Marseille participera, donnera un coup de main». La messe est dite.
Patricia MAILLE-CAIRE