Comme le « Fantôme de l’opéra », le président de Provence-Alpes-Côte d’Azur a plané sur une partie du conseil municipal de ce vendredi 15 décembre. Pas moins de 45 minutes lors de l’ouverture de la séance. Le prétexte a été ses propos la veille sur BFM TV où il a parlé de « féminicide politique » en référence au passage de témoin entre Michèle Rubirola et Benoît Payan pour le fauteuil de maire. L’opposition a surfé sur le bon mot de Renaud Muselier. Le Printemps Marseillais s’est indigné.
Épitaphe pour Michèle Rubirola
L’intitulé du premier rapport proposé n’avait rien d’incendiaire : « Situation en matière d’égalité entre les femmes et les hommes ». Thème assez œcuménique. Mais c’était sans compter sur le désormais célèbre «féminicide politique» prononcé Renaud Muselier. Allusion au fauteuil de maire de Michèle Rubirola cédé voilà 3 ans tout juste, le 15 décembre 2020, à Benoît Payan.
Nathalie Tessier, la déléguée de la majorité aux droits des femmes et à la lutte contre les violences faites aux femmes s’est indignée : « Quand on parle de féminicide, on parle de coups, on parle de terreur, de viols… de femmes massacrées, assassinées par leur conjoint ou ex-conjoint. Les mots ont un sens monsieur Muselier les vôtres hier ont invisibilisé toutes ces femmes victimes de féminicide ». Catherine Pila, la présidente du groupe LR a embrayé sur un ton plus humoristique. Après un long préambule sur l’acquisition progressive des droits par les femmes, elle ironise sur le féminicide politique enregistré à la mairie de Marseille : « Après tant de luttes de ses sœurs, Michèle Rubirola, a décidé de casser les codes. On ne lui cède plus la place, c’est elle qui laisse sa place… qu’on la décide à céder son fauteuil. Celui sur lequel vous êtes assis monsieur le maire. Ce faisant vous avez foulé toute égalité femme-homme. » Et Catherine Pila d’enchainer : « Michèle Rubirola ne figure pas dans la liste de ses illustres prédécesseurs, elle est pourtant la première femme maire de Marseille. Je propose de réparer cette injustice et de graver son nom dans le marbre dans la seule place qui reste dans l’ancienne salle du conseil municipal ». Elle sort alors avec un collègue un grand cartouche, posé derrière elle, sorte d’épitaphe avec les dates du mandat de la maire, qu’elle vient déposer à ses pieds avec un bon anniversaire repris en chœur par le camp LR.
« Vous vous couvrez de cendres »
Benoît Payan intervient après cette séquence. Il ne sait pas s’il faut « retenir le comique ou le tragique » de l’intervention de Catherine Pila. « Soutenir la cause des femmes ce n’est pas un gadget politique, ce n’est pas des circonvolutions ou des bons mots », souligne le maire. « Soutenir les femmes qui meurent sous les coups de leur mari ou qui sont discriminées est un combat et c’est un combat qui ne doit pas faire rire, qui ne doit pas être un prétexte à l’anathème, à la frivolité je crois qu’on ne peut pas qualifier impunément les choses. Je pense Madame Pila qu’au lieu de vous couvrir de cendres comme vous venez de la faire… Vous auriez pu, au lieu d’afficher un sourire radieux suite à un bon mot, à un petit coup politique, vous auriez pu dénoncer ce qui se passe dans cette ville, les femmes abusées, les femmes retraitées à qui on soutire des procurations. Vous auriez pu, à nos côtés, dénoncer les mots abjects du président de Région qui nous font honte ». Et Benoît Payan porte l’estocade en souhaitant qu’elle transmette à Renaud Muselier et s’applique à elle-même cette citation de Marc Twain : « De temps en temps, il vaut mieux garder la bouche fermée, au risque de passer pour un imbécile, que de l’ouvrir et de lever tous les doutes ». A bon entendeur…
« J’ai fait ce choix librement »
Brocardée par la présidente du groupe LR, Michèle Rubirola a réagi. « La fonction de maire exige une présence et une capacité à 300%. Je n’étais pas en capacité. C’est en totale liberté que j’ai fait ce choix (quitter les fonctions de maire NDLR). Féminicide politique ça veut dire être morte politiquement or je ne suis pas morte politiquement parce que je pense qu’en ce moment certains s’acharnent sur le projet que je porte (une salle de shoot, NLDR) et ce projet je le mènerai jusqu’au bout ». Applaudissements dans les rangs de la majorité.
Un sondage dans la balance
Visiblement la campagne des municipales a déjà commencé, avec deux ans d’avance. Un récent sondage pour 2026 place Benoît Payan en tête, devant Renaud Muselier et Stéphane Ravier mais le bilan du maire à mi-mandat reste en demi-teinte sur le logement et la sécurité. Il devrait amener de l’eau au moulin de l’opposition et aiguiser les appétits. Dans l’hémicycle Renaud Muselier était déjà qualifié de candidat de la droite.
Joël BARCY