Publié le 26 juillet 2013 à 9h00 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 16h06
Le Centre de l’Obésité du Pays d’Aix (COPAix) a été créé en janvier 2012 par le professeur Hugues Sebbag au sein de la Polyclinique du Parc Rambot dans la cité du Roy René. Il s’agit d’un des 20 premiers centres français évoluant dans une discipline longtemps méconnue et qui s’est aujourd’hui démocratisée : la chirurgie de l’obésité.
« Quelqu’un que je n’avais pas vu depuis un certain temps m’a demandé : « T’es malade ? T’as eu un cancer ? ». Non, j’ai seulement fait un petit régime » : cette anecdote livrée par Odette, opérée d’un bypass en juin 2012 et qui est passée en un an de 133,4 kg à 83,1 kg, est révélatrice de la part d’inconnue qui entoure encore la chirurgie de l’obésité aux yeux du grand public. Cette dernière a en effet longtemps été pratiquée de façon confidentielle, même si l’obésité, maladie épidermique mondiale depuis 20 ans, est la préoccupation des équipes médicochirurgicales des pays développés depuis les années 1970. Ce n’est ainsi qu’à partir de 1995 que la chirurgie, principalement réalisée en secteur libéral, s’est progressivement démocratisée pour constituer désormais une spécialité à part entière de la chirurgie digestive. Plusieurs interventions se sont progressivement mises en place et ont été validées par la Haute Autorité de la Santé, au sein d’un contrôle assez strict de l’activité des praticiens et dans un cadre rigoureux et multidisciplinaire de la pratique.
Or, le Centre de l’Obésité du Pays d’Aix (COPAix), créé en janvier 2012 par le professeur Hugues Sebbag au sein de la Polyclinique du Parc Rambot dans la cité du Roy René – l’un des deux chirurgiens qui y exercent avec le professeur Jean Saisse -, figure aujourd’hui parmi les 20 premiers centres français. « C’est une unité qui prend en charge les personnes dans leur globalité pour une maladie chronique. Il y a un accompagnement avant et après l’opération pour les aider à bien préparer la chirurgie et les suivre ensuite », souligne son fondateur. Aux yeux du chirurgien, cet accompagnement est d’ailleurs « la clé de la réussite ». « L’opération n’est pas un régime de plus : il s’agit d’une solution définitive qui est faite pour durer toute la vie. Or, les patients chez qui elle est le plus bénéfique sur le long terme, sont ceux qui sont les mieux aidés, les plus accompagnés », explique le professeur Sebbag. Et le chirurgien d’insister : « Avec l’obésité, on s’aperçoit qu’il y a toujours une composante génétique. L’opération peut leur permettre de perdre 1kg/semaine, ils n’auront jamais vu ça. Mais il faut qu’ils fassent attention à ce qu’ils mangent et qu’ils fassent un peu d’activité car la maladie sera toujours là. Au bout de 3-4 ans, ça sera facile de reprendre du poids s’ils ne font pas attention. »
« C’est après 40 ans que les problèmes de santé apparaissent »
Chaque année, 250 patients, âgés de 18 à 65 ans, passent ainsi sur la table d’opération au COPAix. 90% sont des femmes pour une moyenne d’âge de 42 ans. « Il y a des jeunes qui souffrent depuis l’adolescence mais c’est après 40 ans que des problèmes de santé apparaissent. Ces personnes peuvent souffrir de diabète, de maladies cardio-vasculaires ou d’hyper-tension », souligne Géraldine Amey, présidente de l’association « ZERO COMPLaix » formée par d’anciens obèses qui accompagnent les patients avant et après la chirurgie.
Des sujets chez qui les risques liés à une opération chirurgicale sont plus élevés que la moyenne. « En préopératoire, il faut leur faire toute une batterie d’examens. Ce bilan-là est compliqué car il faut mettre en jeu nombre de praticiens. Dans leur grande majorité, les centres donnent aux patients une feuille avec la liste des examens à réaliser. Au COPAix, on les effectue tous groupés sur 24h afin de leur faciliter la vie. Cela simplifie la prise en charge et leur apporte un cadre professionnel où ils se sentent en sécurité », indique le professeur Sebbag.
Cet accompagnement mis en place par le COPAix est à la fois médical et paramédical. « Les patients sont opérés à partir de deux fois leur poids normal : ils pèsent 200 kg pour 1,90 m ou 100 kg pour 1,60 m (NDLR : soit un indice de masse corporelle* de 38 à 40). Ils éprouvent une véritable souffrance physique, car ils sont limités dans leur vie quotidienne, et psychologique », résume le chirurgien. Des handicaps qui les plongent souvent dans un isolement. « Ce sont des personnes qui ont peur d’aller à la piscine », souligne-t-il. Les difficultés sociales sont également fréquemment de la partie. « Selon l’enquête nationale Obepi menée en 2012 sur le surpoids et l’obésité, le taux d’obésité est de 24% chez les personnes qui gagnent moins de 1 000 € par mois, de 8% chez celles qui gagnent plus de 5 000 € par mois. Il y a une corrélation importante avec les revenus. Ce sont des personnes qui n’ont pas d’argent, qui sont souvent au chômage », insiste le professeur Sebbag.
Un constat qui a amené le COPAix à adapter ces prestations. « Il ne s’agit pas de leur proposer des interventions qui leur coûtent cher. La clinique prend en charge les consultations chez la psychologue et 4 consultations – une avant, un au cours du séjour à l’hôpital et deux après – de la diététicienne. Les opérations au COPAix coûtent ainsi moins cher que si on se fait opérer à l’hôpital, du coup les gens viennent », analyse le médecin.
« Ce sont des personnes très motivées »
Et de souligner que « tout s’ouvre après » car c’est une nouvelle vie qui attend les patients. « Certaines personnes se transforment radicalement après la chirurgie. Elles trouvent du travail, changent de mari ou de femme car ce sont des gens souvent opprimées dans leur couple. Elles perdent 40 kg et peuvent à nouveau sortir, s’habiller, se maquiller. Quand on pèse 60 kg ou 100 kg, la vie n’est pas la même pour une femme. Ce sont également des personnes qui sont guéries du diabète, de l’hypertension, de l’apnée du sommeil qui s’est améliorée ou a complétement disparu. Leur espérance augmente de 10 ans grâce à la chirurgie. C’est pour cela que la caisse d’assurance maladie rembourse ces opérations car elles coûtent moins cher à la sécurité sociale », explique-t-il.
Le professeur Sebbag tord également le cou à une idée parfois encore trop répandue : « Il ne s’agit pas d’opérer pour voir. Ce sont des personnes très motivées. Et quand elles maigrissent, elles dégagent une telle joie de vivre que ça nous encourage à continuer », précise-t-il.
Seulement voilà, il faut trouver le courage de se faire opérer, de dépasser ses démons. « Ce sont des personnes qui ont fréquemment subi un choc émotionnel, un traumatisme et c’est souvent la première fois qu’ils en parlent à quelqu’un. Ce sont des gens qui n’avaient jamais été pris en charge avant. C’est étonnant », insiste le chirurgien.
C’est dans ce cadre que les anciens obèses ont un grand rôle à jouer, à l’instar de l’association « ZERO COMPLaix », une initiative que salue le professeur Sebbag. « Ce sont des associations qui permettent de bien se projeter avant l’opération sur ce que sera la vie après, d’échanger sur comment faire marcher l’opération. En groupe, on se motive. Et puis nous ne pouvons pas organiser nous-mêmes de bourse aux vêtements alors qu’il s’agit de populations souvent en difficulté financière qui sont obligés de régulièrement changer de vêtements car elles maigrissent très rapidement », énumère-t-il.
« La chirurgie n’est efficace qu’à condition de modifier ses habitudes alimentaires »
Une association qui viendra ainsi compléter le dispositif d’encadrement diététique et psychologique pré et post opératoire strict où se relaient médecins, diététicienne et psychologue. « La chirurgie de l’obésité n’est pas une fin en soi. Elle n’est efficace qu’à condition de modifier ses habitudes alimentaires, d’augmenter son activité physique et d’être suivie médicalement à vie. C’est notre discours au quotidien », souligne le chirurgien.
La diététicienne Claire Venturini organise notamment des randonnées, des promenades en montagne qui permettent aux patients d’avoir une activité physique et de reprendre goût à l’effort alors qu’ils ont perdu, du fait de leur surpoids, certaines amplitudes articulatoires. « La pratique sportive régulière est un élément important. Tout type d’activité, mais un sport fait régulièrement car sans cette régularité il n’a pas cet effet-là. L’idéal, c’est une ou deux fois par semaine. Privilégier 10 à 20 minutes de marche deux fois par semaine plus que 3 heures. C’est une activité qui doit vous faire plaisir pour que ça perdure », insiste la diététicienne. Lors de ces sorties, les repas sont aussi l’occasion de distiller des conseils de diététique. « Ce sont des activités gratuites, ce qui n’est pas le cas dans certains centres, qui permettent aux patients de mieux se sentir après l’opération », indique le professeur Sebbag.
Enfin, la clinique a mis en place des groupes de parole où des personnes qui ont déjà été opérés viennent échanger librement avec d’autres en attente d’une intervention en présence d’un médecin, de la diététicienne et de la psychologue. L’occasion pour cette dernière, Géraldine Boussu de rappeler le cadre de sa mission. « J’interviens au moment du bilan préopératoire. L’objectif de l’entretien est de juger de la motivation de la personne et de bien identifier les problèmes psychologiques inhérents à la prise de poids ou au maintien de la prise de poids. La chirurgie ne peut pas agir dessus, donc les effets peuvent perdurer après l’intervention. Le but de l’entretien est donc qu’il y ait une qualité de vie après l’opération », explique-t-elle.
« Ce n’est que du bonheur »
Mais ces groupes sont surtout l’occasion de côtoyer des personnes déjà passées par là qui démystifient ce que l’on peut lire sur Internet, un vecteur de communication diffusant davantage les mauvaises expériences que les bonnes. Odette balaye ainsi la présumée fatigue qui accompagnerait l’opération. « J’ai été opérée le samedi et le lundi j’avais dix enfants à garder : je n’ai ressenti aucune fatigue. Si je n’étais pas à la retraite, j’aurais pu aller travailler », assène-t-elle à l’assistance. Arnaud, opéré d’un by-pass le 22 septembre et qui a perdu 22 kg en neuf mois abonde dans le même sens : « Ce sont les gens qui vous fatiguent en disant que vous êtes fatigués », ironise-t-il.
Certes il y aura à un moment donné quelques pertes de cheveux, « mais pas par plaques ». Là encore, Arnaud désamorce les angoisses : « Je ne laissais pas grand-chose sur la brosse », rigole l’homme à la coupe aux cheveux ras.
Mais outre les conseils, les goûts qui changent – « Avant j’étais une vraie cafetière. Maintenant, je ne supporte plus le goût du café : je n’en prends qu’une à deux fois par mois », témoigne Odette –, les pièges à éviter, c’est surtout une vie où la frustration, malgré un moindre appétit, n’a plus sa place qui est contée. « Ce n’est que du bonheur », résume Arnaud.
Des témoignages qui frappent quelques fois bien plus les esprits que les discours rassurants de médecins compétents mais qui ne sont pas passés par là. « Cela aide beaucoup les patients à être mieux informés, mieux préparés, ils savent où ils vont », se réjouit le professeur Sebbag.
Un cadre dans lequel l’association « ZERO COMPLaix » compte là aussi jouer tout son rôle. « On va prendre le relais avec des groupes de parole plus fréquemment, avec ou sans personnel médical car il y a des questions qu’on n’ose pas poser à son chirurgien. On va aussi diversifier les horaires : aujourd’hui, les groupes se tiennent l’après-midi et c’est difficile pour ceux qui travaillent. On avait eu une expérience le soir et cela avait été un vif succès », précise Géraldine Amey dont l’association sera complétement opérationnelle à la rentrée.
Un dispositif auquel s’ajoute enfin un colloque sur l’obésité que le COPAix organise tous les dix-huit mois. La deuxième édition de ce rendez-vous multidisciplinaire se tiendra le 22 novembre prochain à 20h au Grand Hôtel du Roi René à Aix (entrée libre) sur le thème : « Obésité maladie : Quels problèmes ? Quelles solutions ? ».
Serge PAYRAU
(*) L’indice de masse corporelle (IMC) est défini comme le poids divisé par le carré de la taille. Exprimé en kg/m2, il estime le degré d’obésité et permet ainsi d’évaluer les risques pour la santé (co-morbidité) qui lui sont associés.
La chirurgie de l’obésité au Parc Rambot : trois opérations pratiquées de manière courante
Trois opérations pratiquées sont aujourd’hui pratiquées en routine au Centre de l’Obésité du Pays d’Aix (COPAix). Comme le souligne Géraldine Amey, président de l’association « ZERO COMPLaix », « le docteur Sebbag pratique et maîtrise les trois opérations et va choisir, avec l’équipe technique, celle qui est le plus adaptée au patient. Ce n’est pas le chirurgien tout-puissant : la décision est prise avec son équipe. »
Parmi ces trois opérations, on trouve tout d’abord, l’anneau gastrique, développé principalement depuis 1992, qui a pris véritablement son essor dans les années 2000 pour représenter 10 000 procédures par an actuellement en France. Il s’agit d’un anneau de silicone ajustable via un boîtier disposé en cœlioscopie autour de la partie haute de l’estomac pour créer un rétrécissement limitant le volume des repas et leur vitesse d’ingestion. L’intervention chirurgicale, relativement simple, dure 20 à 30 minutes pour une hospitalisation de 48 heures. Les résultats sont bons pour 60% des patients deux ans après l’opération avec une perte de 50% du poids en excès. Ce chiffre dépend cependant beaucoup de la capacité des patients à faire fonctionner correctement leur prothèse.
La gastrectomie longitudinale ou « Sleeve Gastectomy » est une intervention plus récente, démocratisée depuis 2005, qui consiste en cœlioscopie à réséquer une partie de l’estomac pour limiter sa taille et induire une satiété précoce. Comme pour l’anneau, les repas pris induisent une satiété rapide et nécessitent un comportement alimentaire adéquat. L’intervention chirurgicale dure 30 à 45 minutes pour 4 jours d’hospitalisation. Les résultats, mal connus sur le long terme du fait du caractère récent de l’intervention, semblent un peu meilleurs que pour l’anneau, avec un meilleur confort alimentaire mais des risques opératoires supérieurs.
Le Bypass gastrique est enfin une intervention ancienne (première description en 1970), bien connue et considérée aujourd’hui comme le gold standard de la chirurgie de l’obésité. Pratiquée en cœlioscopie, elle consiste à réaliser un court-circuit de l’estomac afin de dériver le bol alimentaire en limitant son volume et son absorption. L’intervention dure 45 à 60 minutes pour 4 jours d’hospitalisation. Les résultats sont très bons avec 70% de perte de poids en excès et avec un recul de plus de 20 ans pour les séries les plus anciennes. Le confort alimentaire est très bon mais nécessite une supplémentation et un suivi vitaminique prolongé.