Lorsqu’il est monté à la tribune de l’Assemblée Nationale le 28 avril, le Premier ministre Édouard Philippe ne se doutait pas qu’il déclencherait un vent de panique semé d’angoisses, d’états d’âme et de coups de gueule. L’arrêt des championnats professionnels de Ligue 1 et de Ligue 2 décidé par le pouvoir exécutif a mis en évidence les problèmes de gouvernance du football français. D’un côté la Fédération Française de Football présidé par Noël Le Graët, de l’autre la Ligue de Football Professionnel dirigée par la Présidente Nathalie Boy de la Tour et par le Directeur Général Didier Quillot. Pendant cette crise, Le Graët a été le principal interlocuteur de l’Exécutif et a animé plusieurs réunions avec les présidents des clubs. Profitant des divergences des dirigeants de la Ligue, il a démontré qu’il est le patron du football français. Le 30 avril, la FFF et la LFP ont acté l’arrêt officiel des compétitions. Il est important de préciser que la Fédération Française de Football a l’agrément du Ministère de la Jeunesse et des Sports. La Ligue de Football Professionnel a une délégation auprès de la Fédération pour diriger et gérer le football professionnel. Avant l’arrêt des championnats, le football professionnel français n’était pas en bonne santé économique. Les déficits se sont accumulés au fil des saisons malgré l’apport important des droits télés. La fin brutale de la saison 2019-2020 a aggravé la mauvaise situation financière des clubs. Les dirigeants comme Jean-Michel Aulas, Président de l’Olympique Lyonnais, ont insisté sur les conséquences avec les partenaires et les contrats publicitaires. Il a aussi souligné les pertes causées par l’arrêt de la billetterie et des ventes des produits dérivés et du marketing. Cependant, on peut se demander si Jean-Michel Aulas aurait tant insisté pour la reprise de la saison si son club était dans les quatre premiers de la Ligue 1 le 14 mars, jour de l’arrêt du championnat. Mais les droits télés prévus pour la fin de la saison et qui n’ont pas été versés par Canal Plus et Bein Sports sont une grosse perte pour les clubs. Tous ces éléments réunis ont des conséquences sur le paiement des salaires des joueurs qui ont été mis en chômage partiel. Le mois de mai a été celui des polémiques entre les partisans d’une reprise des championnats comme le Président de Lyon et ceux opposés au retour sur les stades comme Jean-Pierre Caillot, le Président du Stade de Reims. Consultés par leur syndicat, l’Union Nationale des Footballeurs Professionnels, les joueurs ne sont pas d’accord pour la reprise de la saison. Ils sont inquiets pour leur santé car le Covid 19 peut atteindre un joueur puis l’équipe. Après deux mois et demi d’arrêt, les footballeurs ont perdu le rythme de la compétition. La reprise précipitée des matchs augmenterait les risques de blessures. A deux mois du coup d’envoi de la saison 2020-2021 prévu le 22 août, il est trop tard pour reprendre et terminer la saison inachevée. Il restait dix matchs à disputer. Arrêté mi-mars, le championnat devait se terminer fin mai. Les joueurs ont droit à quatre semaines de congés. La plupart des championnats européens ont repris sauf le Championnat de France. Est-ce que la décision d’arrêter la Ligue 1 a été trop rapide ? Il faut se remettre dans le contexte de la fin avril quand l’épidémie du Coronavirus progressait et que le nombre de morts augmentait chaque jour. Fin août, est-ce que les matchs se joueront à huis clos dans des stades vides ou avec du public ? Le gouvernement prendra une décision après l’avis du Conseil Scientifique. Ces trois mois de crise ont démontré la fragilité du football professionnel français touché par une mauvaise situation économique et des problèmes de gouvernance. Les débats et les sujets de polémique ne vont pas manquer au cours des prochaines semaines.
Gilbert DULAC