Publié le 3 avril 2020 à 9h32 - Dernière mise à jour le 4 novembre 2022 à 12h47
En cette période de crise sanitaire due à l’épidémie de Coronavirus, nous vivons une situation qui exacerbe les inégalités. La première inégalité réside entre une France en suractivité du côté tout d’abord des soignants. Je salue ainsi l’ensemble des praticiens particulièrement hospitaliers, dans les Ehpad, les chercheurs, les médecins et infirmiers libéraux, ambulanciers, pompiers, pharmaciens, laborantins…qui assurent dans des conditions extrêmes la continuité du service public pour la population, pour notre santé et nos vies.
Dans notre pays en suractivité, je pense et je salue également tous ces salariés qui permettent de bénéficier au quotidien de biens de première nécessité, aux agents des services publics démantelés de la Poste, de l’énergie, de la SNCF, hier décriés, aujourd’hui encensés, je pense aux fonctionnaires d’État et des collectivités, aux travailleurs sociaux, aux bénévoles des associations qui assurent le lien avec les plus démunis. Mais également à toutes celles et ceux qui exercent des métiers méprisés et précaires, caissières, auxiliaires de vie, éboueurs, agents d’entretien, routiers… et qui nous permettent de continuer à assurer nos besoins vitaux dans la période.
De l’autre côté cette France en suspens, confinée en famille avec des enfants cloîtrés, les personnes isolées, toutes celles et ceux qui ne disposent ni d’un logement digne, ni des ressources pour vivre dans cette période. Le confinement met en exergue les inégalités déjà criantes de notre société et nous ne connaissons pas encore les conséquences sociales, sanitaires et économiques qui découleront de cet enfermement, que l’on sait nécessaire et vital pour éviter la propagation du virus, à l’instar du respect strict des gestes barrières. D’ampleur planétaire, il n’était certainement pas prévisible que l’année 2020 débute par cette pandémie. Il ne s’agit pas de rejoindre les « visionnaires », mais à défaut de la prévoir, il s’agit que nos sociétés soient prêtes à affronter des crises comme celle-ci ou celle annoncée, du réchauffement climatique, pour les empêcher, voire en limiter les conséquences humaines.
Une chose est certaine et il faudra en tirer les enseignements, il y a une inégalité entre les pays qui par leur culture, leur organisation et leur système de santé s’en sortent mieux que d’autres. La France ne fait malheureusement pas partie des exemples. Que ce soit au niveau de la réactivité à prendre des mesures pour limiter l’épidémie, que ce soit au niveau du dépistage, que ce soit dans la capacité à accueillir des malades, la défiance à l’égard du gouvernement et du Chef de l’État est à la mesure des choix politiques désastreux qui ont conduit à ce que dans la sixième puissance mondiale, nous soyons dans l’incapacité d’endiguer cette vague mortelle. Ces choix à l’œuvre depuis des décennies ont privilégié la finance au détriment de l’humain, la rentabilité financière au détriment de la protection et de la prévention de la santé.
Des choix d’autant plus contestables que notre système de santé issu du Conseil National de la Résistance, était parmi les meilleurs au monde. Des choix d’autant plus condamnables que nombreux ont été ceux à avoir tiré le signal d’alarme par des actions, manifestations, pétitions pour réclamer des moyens pour l’hôpital public, la recherche, notre système de soins. Depuis plus d’un an, les soignants sont en première ligne pour dénoncer l’austérité qui met en danger l’hôpital public et l’accès aux soins dans notre pays. Un an de grève, de démissions et d’actions. Un an que le gouvernement traite par le mépris leurs revendications, leur réclamant sans cesse d’adapter notre modèle de santé aux exigences des marchés. Il n’est ainsi pas étonnant que la colère gronde quand la deuxième inégalité dans notre pays montre une fracture immense entre la minorité des plus riches et des plus privilégiés et la majorité qui vit de son travail présent ou passé. Inégalité d’autant plus inacceptable que les dirigeants successifs ont tous refusé d’agir pour une juste répartition des richesses possible par une réforme en profondeur de la fiscalité.
Les réponses sanitaires et sociales ne sont donc ni à la hauteur des besoins, ni à la hauteur de nos réelles capacités. Ceux qui ont participé à ce gâchis en portent aujourd’hui une lourde responsabilité. L’État est en faillite et dans l’impréparation à affronter un tel défi humanitaire parce que l’austérité budgétaire a été la règle. Mais les collectivités locales sont aussi en grande difficulté et en dehors d’initiatives dans des communes qui ont maintenu coûte que coûte des services publics de proximité, le paysage est alarmant et l’avenir inquiétant.
Les inégalités dénoncées à Marseille sont encore plus flagrantes et désastreuses dans cette situation de crise sanitaire qui se double aujourd’hui d’une crise sociale sans compter l’incurie de gestion de ces 25 dernières années qui fragilise les capacités de réponses. Des familles sont abandonnées à leur sort. Des femmes et des enfants sont victimes de violences. La difficulté à se nourrir s’ajoute à toutes les autres se soigner, se loger, se déplacer, s’éduquer, se cultiver… Les quartiers paupérisés et les cités populaires sont les plus touchés, là où la réponse publique devrait être la plus forte, la plus inclusive pour répondre aux urgences, elle demeure insuffisante pour ne pas dire inexistante pour des milliers de familles qui comme souvent s’en remette aux solidarités familiales ou du quartier pour s’en sortir. Bien qu’indispensables, nous touchons avec une crise de cette ampleur aux limites des actions de solidarité ponctuelles, individuelles et collectives. Seule l’action publique à grande échelle ne peut être efficace dans la durée.
Gérer immédiatement les conséquences de la crise sanitaire et sociale qui frappe notre ville et ses habitants. Prévoir pour demain l’accompagnement nécessaire à la sortie du confinement pour toutes et tous. Voilà la seule ambition qui doit animer les responsables politiques aujourd’hui. C’est pourquoi j’appelle toutes les autorités, les pouvoirs publics, les collectivités à mettre en place un Plan d’action d’urgence. Un Plan cohérent qui coordonne et mobilise tous les moyens humains, matériels et financiers disponibles et à rechercher, pour identifier les personnes et les familles les plus en détresse, les plus isolées, les personnes sans toit, sans argent, sans salaire, sans aide sociale afin de subvenir à leurs besoins. Aides alimentaires, distribution massive de moyens de prévention et de sécurité (masques, gants, tenues de protection adaptées, gel hydroalcoolique…), mise à disposition d’attestations de dérogation de sortie, ouverture de centres de dépistage dans les équipements publics inoccupés de la ville, hôtels réquisitionnés, même ceux de luxe comme l’Intercontinental en lieu et place de l’Hôtel Dieu, cet ancien hôpital bradé par la municipalité Gaudin, pour accueillir les «sans domicile», les personnels soignants qui en ont besoin, aides aux commerces et petites entreprises en difficulté, recensement et aides particulières aux personnes en situation de handicap et de leur famille…peuvent être les principales actions d’urgence.
Quelles dispositions prennent les pouvoirs publics en particulier l’ARS (Agence Régionale de Santé) pour anticiper une éventuelle rupture des lits de réanimation en Provence Alpes Côte d’Azur comme c’est le cas en Ile-de France et dans le Grand Est, par exemple en s’organisant avec les cliniques et hôpitaux privés ?
Le temps n’est plus à la communication mais à l’action concrète. L’heure n’est pas à la surenchère de mesures isolées et sans certitude d’efficacité (arrêtés municipaux de couvre-feu, nettoyage des rues…). Nul besoin d’annoncer des milliards d’euros quand des dizaines de milliers de familles sont dans la survie et qu’elles n’en sont pas les destinataires prioritaires. Ville, Département, Métropole, Région, État et ses services sont au pied du mur. L’urgence est à prendre des dispositions cohérentes pour ne pas gérer le quotidien comme en temps de guerre… à compter les morts, mais comme dans un pays civilisé à sauver des vies, et pour sortir du confinement et de cette crise exceptionnelle avec le moins de traumatismes et de conséquences humaines. De ce plan d’urgence dépendront les conditions de sortie de cette crise.
Jean-Marc COPPOLA est conseiller municipal PCF de Marseille