Publié le 21 avril 2016 à 8h50 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 15h13
«Comme la plume au vent, femme est volage… » Foin de féminisme, l’inconstance du sexe dit faible inspire à l’opéra, plus que le machisme triomphant qui sied si bien aux hommes. Et si pour Verdi «La donna e mobile», tout simplement, pour Mozart et Da Ponte, dans «Cosi» on arrive au même point d’inconstance mais à l’issue de circonvolutions psychologiques et dramatiques qui aboutiront, en quelques heures, au délitement final poussant Dorabella et Fiordiligi à recevoir dans leur boudoir respectif deux étrangers tellement séduisants qu’elles accepteront d’aller en leur compagnie jusqu’au (faux) mariage. Et que dire, alors, de l’attitude de Ferrando et de Guglielmo, les deux amis qui vont jouer aux dames avec les deux sœurs, l’un et l’autre finissant dans les cases amoureuses qui n’étaient pas les leurs initialement.
Au bout du compte, nos deux cocus magnifiques, qui payent Don Alfonso pour l’être, y ont certainement trouvé du plaisir; tout ceci pouvant dès lors s’achever par une «partie carrée» esquissée sur scène par une «erreur» de partenaire vite rétablie au moment du (vrai) mariage final alors que Don Alfonso, le donneur de leçons, se prépare de nouvelles parties de jambes en l’air avec Despina, soubrette accorte et ouverte aux échanges et aux plaisirs. Happy end ou début d’une aventure torride ? On cherche encore un librettiste pour écrire « Cosi fan tutte 2 »…
Mardi soir, à l’Opéra de Marseille, «Cosi fan tutte» était donné dans une production de l’atelier lyrique de Tourcoing créée il y a un quart de siècle et qui n’a pas pris une ride. L’action se déroule au cœur d’un décor unique signé Robert Platée, monumentale rotonde close par des persiennes géantes utilisées comme des moucharabiehs ; on est dans le sud de l’Italie, mais aussi, un peu, aux confins du désert Libyen. Il fait chaud, très chaud, dans la salle et sur la scène. Pierre Constant, le metteur en scène, anime intelligemment son petit monde dans cet espace étonnant. Dehors le Vésuve fait des siennes, dedans les volcans sont partout. Car c’est un sextuor de feu qui, vocalement, va s’imposer. Avec la Fiordiligi de Guanqun Yu, qui fait preuve d’une aisance remarquable, la Dorabella de Marianne Crebassa, voix chaude et précise, et la Despina d’Ingrid Perruche, au soprano solide et chaud. Du côté des hommes, Marc Barrard est un Don Alfonso quasi idéal, scéniquement et vocalement qui joue avec la crédulité, mais aussi avec la complicité, des deux amants Ferrando, superbe ténor à la belle ligne de chant qu’est Frédéric Antoun et Guglielmo, beau baryton, qu’est Josef Wagner. Même caché, le chœur est agréable et aurait mérité d’être présent sur scène au final afin de recueillir sa part du succès. Enfin, nous avons apprécié grandement la direction vive mais totalement maîtrisée de Lawrence Foster qui profite des qualités de cet orchestre de l’Opéra de Marseille, qu’il connaît désormais très bien, pour donner à la musique de Mozart toute sa vie et sa beauté. Assurément l’un des grands spectacles de cette saison lyrique marseillaise.
Michel EGEA
Pratique – Représentations les 21, 26 et 28 avril à 20 heures et le 24 avril à 14h30. Locations au 04 91 55 11 10 ou au 04 91 55 20 43. opéra.marseille.fr