Publié le 24 septembre 2020 à 14h57 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 12h13
«Cet après-midi, je vais me rendre à la Préfecture, comme la Ville le fait chaque semaine pour gérer la crise du Covid. Je vais le faire avec une demande claire : ouvrez des lits, ne fermez pas les restaurants», lance avec gravité, Benoît Payan, le Premier adjoint de Marseille -qui assure l’intérim de la maire Michèle Rubirola, en convalescence après une opération- qui attend du gouvernement qu’il repousse, de dix jours, sa décision de fermeture des bars et des restaurants . Une décision, dénonce-t-il avec force, prise par le ministre de la Santé, «sans concertation» avant de rappeler tous les efforts entrepris à Marseille pour lutter contre l’épidémie de la Covid-19. Une mobilisation qui obtient des résultats puisque «le pic est derrière nous». Il assène : «Nous sommes aujourd’hui dans l’incompréhension. Dans l’incompréhension et dans la colère, comme l’a dit Michèle Rubirola. Parce que notre ville vient d’être mise en quasi confinement sans que personne n’ait été concerté». Une incompréhension et une colère qu’il explique par le fait que: «notre territoire a un R0 inférieur à 1, soit un des taux de contamination le plus bas de France. Avec un R0 à 0,89, c’est le signe que la situation peut s’améliorer dans les jours à venir. Monsieur Véran l’a reconnu lui-même dans sa conférence de presse. Les derniers chiffres officiels du ministère de la Santé, indiquent que le pic de cette phase de l’épidémie a été atteint dans la semaine du 3 au 9 septembre. Depuis, le taux de positivité ne fait que reculer. Il est de 8,2% ici contre 10% pour Paris selon santé publique France». Mais, tonne-t-il encore: «Malgré l’évidence. Malgré les chiffres. Malgré les efforts, une nouvelle fois notre territoire est aujourd’hui sanctionné, puni, montré du doigt». Et d’avoir une pensée pour les restaurateurs et commerçants «qui vivent une période noire, puisqu’ils sont souvent les premières victimes des décisions changeantes du gouvernement. Ce n’est pas rien, ce sont des milliers d’emplois dans la ville, et avec eux une grande part de la vie sociale». De fait, il demande au gouvernement avec la maire de Marseille «10 jours avant la mise en place de nouvelles mesures». Si à la fin de la semaine prochaine les indicateurs repartent à la hausse, «nous serons prêts à prendre les décisions qui s’imposent et qui seront alors comprises par tout le monde. Nous convoquerons la cellule de suivi de la Covid chaque jour pour suivre la situation au plus près. Mais d’ici là, il faut impérativement que les annonces de l’État soit gelées», insiste-t-il avant d’ajouter: «Il est de notre responsabilité de sortir collectivement de cette situation ubuesque et dramatique pour le quotidien et l’avenir des Marseillaises et des Marseillais».
500 000 masques réutilisables distribués gratuitement aux Marseillais
C’est par un remerciement à la population que Benoît Payan a ouvert son intervention: «Les Marseillais s’adaptent, se masquent, se restreignent, se contraignent. A leurs côtés, la ville de Marseille a su se mobiliser et répondre concrètement au grand défi qui s’est présenté à nous». Affirme que le triptyque protéger, dépister, traiter «est appliqué ici depuis longtemps». Et d’évoquer les 500 000 masques réutilisables distribués gratuitement aux Marseillais; les 20 millions de masques chirurgicaux achetés afin de reconstituer le stock stratégique; la mobilisation de la Police municipale et le soutien de la Police Nationale «pour faire respecter le port du masque dans l’ensemble de la ville». Il rappelle également que le protocole sanitaire est respecté strictement dans chacune des 470 écoles de la ville, «parfois nous obligeant à les fermer pour garantir la santé des Marseillais». Évoque encore «les dizaines de tests surfaciques» réalisé chaque jour le Bataillon de Marins-Pompiers. «Nous réalisons cette veille sanitaire avec des équipements à la pointe de l’innovation. Quelle autre ville le fait ?», interroge-t-il avant de poursuivre en indiquant se substituer à l’État : «La ville distribue régulièrement aux plus démunis des kits d’hygiènes avec des masques. Nous avons également ouvert des douches pour les sans-abri et c’est notre fierté».
10 000 tests réalisés par jour, soit 34% de plus qu’à Paris
Benoît Payan en vient au dépistage: «Nous réalisons 10 000 tests par jour, soit 34% de plus qu’à Paris. Nous le faisons dans une action concertée et unique entre l’IHU, le BMPM, les laboratoires de ville et l’ARS. Avec le Bataillon de Marins-Pompiers, nous avons été les premiers en France à mettre en place des dispositifs de tests gratuits au plus proche de la population, notamment pour ceux dont l’accès aux soins est le plus difficile». Une action qui, indique l’élu, «fait de notre ville le territoire le plus testé en France». Il ne manque pas d’ajouter: «Dépister parce que nous contrôlons chaque jour les eaux usées afin d’évaluer la situation de la Covid dans notre ville. Nous sommes la seule ville à mettre en place ce système, et d’ailleurs la contamination des eaux usées est en baisse régulière». Signale qu’une surveillance accrue des Ehpad a été mise en place. Rend hommage au personnel soignant, notamment hospitalier, «qui travaille dans des conditions difficiles, dans des hôpitaux que l’État a laissé se détériorer. Ils le font à flux tendus, et ils sont fatigués. Fatigués parce qu’ils attendent de l’État autre chose que des déclarations de leur ministre. Ils attendent une aide, réelle, concrète. Des moyens pour continuer de soigner les malades du Covid et les autres». Et il signifie que «derrière les polémiques, que tente d’alimenter Olivier Véran, il y a cette réalité. Une réalité que je lui ai rappelée la semaine dernière, celle des services hospitaliers abandonnés par l’État, d’une AP-HM qui souffre de ne pas avoir les moyens pour réaliser ses missions». Puis il déplore: «Je n’ai été prévenu par le Préfet qu’une heure avant le début de la conférence de presse de Monsieur Véran, sans que le Ministre ne prenne la peine d’appeler la Maire, ou de me téléphoner. J’ai moi-même dû le contacter pour lui demander une explication et tenter d’ouvrir une concertation. Cette concertation nous l’avions pourtant voulu au niveau local avec le Préfet, l’ARS et les collectivités locales». Et de constater: «Jamais de telles mesures n’ont été évoquées, même face à la remontée du virus au mois d’août». Benoît Payan assure enfin : «La santé est notre priorité et c’est pour cela que je n’accepte pas qu’elle soit l’outil d’une politique spectacle et d’annonces d’un ministre qui peine à gérer ses échecs, des masques aux écoles, en passant par les tests. Marseille ne peut pas être utilisée pour des démonstrations de force. Les déclarations d’hier soir sont irrationnelles, et je veux qu’on retrouve de la sérénité dans ce moment : une sérénité scientifique, qui s’appuie sur des chiffres concrets, pas sur un ressenti, pas sur une interprétation, pas sur des opérations de communication ministérielle. Marseille mérite mieux que des coups de boutoirs ou de servir d’exemple».
Michel CAIRE