Publié le 11 janvier 2021 à 10h29 - Dernière mise à jour le 4 novembre 2022 à 12h47
En France, on n’a pas de pétrole, mais des usines à gaz !!! Nous sommes soi-disant en guerre contre ce virus, et ce depuis presque un an. Virus qui sténose notre société, qui nous ramène désormais à un bien triste rythme du : « métro, boulot, dodo ». Tout est arrêté, nos valeurs sociales, nos échanges sont en train de s’effondrer, « l’homo virtuelus », « numericus », est en train de remplacer tout ce qui fonde notre société : les échanges. Or, pour le moment la seule solution pour s’en sortir (avec nos valeurs démocratiques) est la vaccination, et il faut le dire, dans une cacophonie et une lenteur administrative qui empêchent la vaccination de prendre son envol. Oui, il est fort louable pour des élus de prendre en charge la santé de nos concitoyens, mais de grâce, laissez faire les professionnels !
Il me semble que les vaccins sont des médicaments ?
On ne se déclare pas logisticien de santé comme cela, d’autant plus que le système des « vaccinodromes » est un concept obsolète dans un pays structuré comme le nôtre en offre de soins. Dans des pays qui fonctionnent avec des dispensaires, qui n’ont pas un réseau de soins, certes, mais cela n’est pas le maillage sanitaire français.
Nous sommes en guerre ? Et nous n’utilisons pas une armée efficace, répartie, logistique, qui maitrise les actes de la traçabilité. Il me semble que les vaccins sont des médicaments ? Et on ne fait pas appel aux spécialistes des médicaments : les pharmaciens… 21 000 pharmacies sont réparties sur tout le territoire (il n’y a pas de commune de plus de 2 500 habitants qui ne possède pas une pharmacie), c’est-à-dire qu’un patient français a dans les 5 kilomètres autour de chez lui une pharmacie, premier lieu d’accès au soin. Dans ces 21 000 pharmacies, il y a au service des Français 50 000 pharmaciens qui, je le rappelle, sont formés par l’université française pour obtenir un doctorat au bout de 6 ans d’études spécialisées sur le médicament !!!
De même les pharmacies sont réparties conformément à un maillage déterminé aussi par l’État, c’est en quelque sorte une « DSP », mais délégation de santé publique.
Pourquoi regrouper des gens ainsi par centaines ?
Depuis le début de l’épidémie, les pharmacies ont été sollicitées pour distribuer des masques aux soignants (par millions avec une efficacité démontrée), pour vacciner contre la grippe, pour tester la population, et pendant ce temps, on monte des barnums, des gymnases de vaccination comme ceux de la grippe H1N1, mais en 2010 l’épidémie était potentielle, pas en cours, alors pourquoi regrouper des gens ainsi par centaines ? En 2010, les pharmaciens ne vaccinaient pas, alors qu’il y a juste un à deux mois, lors de la campagne de vaccination anti-grippale, les pharmaciens ont pratiqué plus de 5 millions de doses vaccinales, en un temps record, répondant à « l’affolement » de la population face au risque de pénurie, en sachant que la cible des patients était : les personnes avec un bon de la sécurité sociale…. Donc très étroite. Aujourd’hui, au moment où il faut accélérer on a donc : 21 000 pharmacies réparties sur tout le territoire, 50 000 pharmaciens qui viennent de faire 5 millions de vaccins antigrippaux, campagne qui prend fin le 31 janvier 2021…
Et quid de leur utilisation ?
Abordons maintenant la logistique d’approvisionnement : il y a en France 530 grossistes répartiteurs (qui livrent des médicaments deux fois par jour dans les pharmacies au centre de Paris, Marseille, Lyon, mais aussi au fin fond du plateau du Larzac, dans les petits villages de montagne, en milieu rural, bref une logistique qui permet de porter un vaccin pratiquement chez les patients). Ces grossistes répartiteurs livrent chaque jour 6 millions 500 000 boîtes de médicaments, quasiment 2 milliards par an, donc livrer 500 000 vaccins par semaine est une opération d’une extrême simplicité pour le réseau pharmaceutique, d’autant plus que les grossistes répartiteurs peuvent conserver les vaccins aux températures de -80° ou -20° (Pfizer ou Moderna) pendant longtemps, en sachant que les vaccins peuvent être conservés à la température de 5 ° pendant 5 jours. Donc, Le pharmacien prend ses rendez-vous pour la semaine, il commande les vaccins au grossiste répartiteur le samedi, les reçoit le lundi matin, et vaccine jusqu’au vendredi, ainsi de suite. Pour rappel ; toutes les pharmacies reçoivent depuis toujours des vaccins, des insulines, des biothérapies qui nécessitent des armoires réfrigérées et une chaîne du froid dont ils maîtrisent le fonctionnement, c’est leur quotidien. C’est à dire que dans une fourchette basse à raison de 10 vaccinés par pharmacie, (ce qui prend beaucoup moins de temps que les millions de tests antigéniques effectués à 85 % en pharmacie, ce qui est la suite logique des vaccinations anti-grippale) cela fait 200 000 vaccinations par jour.
Assurer une traçabilité pour le suivi de ces vaccins
De plus, il est important d’assurer une traçabilité pour le suivi de ces vaccins ! Les pharmaciens d’officine ont un outil numérique très adapté, le dossier pharmaceutique qui enregistre sur la carte vitale la date et le pratiqué. Le dossier patient est interactif, immédiat, donc une sécurité absolue pour le suivi thérapeutique, et l’informatisation des officines atteint un niveau en données de santé inégalable, avec l’historisation des traitements délivrés sur des années. Alors voilà la perte de chance ! Ne pas utiliser une profession, un système aguerri car notre répartition n’a pas d’équivalent dans les autres pays, et le rôle de prévention et de santé publique est primordial. De grâce, laissez les professionnels de santé libéraux gérer cette vaccination. Halte à l’hyper-administration jacobine qui n’a pas la connaissance des atouts de notre pays, qui ne cesse d’inventer des solutions inadaptées, alors que des solutions fonctionnelles et pragmatiques existent déjà.
Le Dr. Stéphane Pichon est président de l’Ordre régional des pharmaciens de Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse
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