Publié le 19 décembre 2019 à 10h07 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h29
Présenté le 12 décembre lors du Salon Entrepreneur 13, le livre bleu de la CPME13 réunit près d’une cinquantaine de propositions émanant des patrons du territoire. Et bleus, les candidats aux élections municipales seraient inspirés de ne pas l’être en économie… sous peine de passer à côté du label PME Compatible, conçu par le syndicat patronal et décerné en janvier prochain face à la presse. Le monde économique entrerait-il dans une ère plus proactive en politique ? A voir…
Il était «scellé et gardé secret» jusqu’à présent… Il vient enfin d’être dévoilé au monde politique ce 12 décembre, au terme de 6 mois de travail, lors du salon Entrepreneur 13. Le livre bleu, fruit des échanges menés au cours de think tank, du grand sondage et de rencontres sur le terrain auprès de 50 000 entrepreneurs, recense ainsi près d’une cinquantaine de propositions, classées selon cinq grands piliers. Sa vocation : enrichir les programmes des candidats lors de ces élections municipales, apporter une vision économique qui, parfois, manque cruellement au vu des décisions politiques prises de fait. Mais, avant d’en venir à son contenu, mettons d’abord l’accent sur l’essence de la motivation de la CPME13 à contribuer -comme d’autres acteurs économiques d’ailleurs- au débat politique en cette veille d’élections municipales. Elle peut s’exprimer en un mot: légitimité. Oui, il est pertinent d’écouter ce qu’ont à dire «les véritables créateurs de richesse sur le territoire», définit Frédéric Verdet, président d’Energie PME. Et Alain Gargani, du haut de la tête de la CPME 13 -un poste duquel il s’est mis depuis en «retrait» selon ses termes, à la suite de son engagement auprès de la candidate LR Martine Vassal-, abonde dans le même sens : «On ne délocalise pas, on est toujours là, on veut être entendu !». Même son de cloche encore chez François Asselin, président national de la CPME : «S’il y a un endroit où on a besoin des acteurs de terrain que sont les entrepreneurs, ce sont bien les communes, les agglos, bref, là où se vit la vraie vie économique. Et les PME et TPE sont au premier rang de cela». Ainsi les membres du syndicat patronal entendent-ils insuffler leur vision des choses, à qui se saisira de leurs propositions. «L’économie, ce n’est ni de droite, ni de gauche, mais devant. Nous avons balayé tous les domaines et nous espérons que les politiques vont s’en saisir pour le porter demain dans leur commune», martèle encore Alain Gargani.
Bousculer le politique ?
Parmi ces cinq piliers, on sent bien qu’il y en a un qui tient plus encore au cœur de ce dernier : repenser les relations avec les pouvoirs publics. L’entrepreneure Élodie Garcia, présentant cette première partie, énonce de fait, parmi les cinq propositions qui le composent, cette priorité absolue : «Créer un comité de gouvernance économique municipal dans chaque ville de plus de 40 000 habitants, qui intègre les représentants du monde économique». Une idée à mille lieues de ce qui se pratique pour l’instant. «Jusqu’ici, le politique décide dans son univers sans le concours du monde économique. Mais ce modèle, on ne l’a pas inventé. Depuis 20 ans, les Lyonnais l’ont adopté et regardez aujourd’hui où est Lyon et sa Métropole… Il faut garder ce qui fonctionne et le déployer. Concrètement, cela veut dire consulter le monde économique dès qu’il y aura une décision qui va l’impacter», analysera plus tard en conférence de presse Alain Gargani. Autre point d’importance, le deuxième : accompagner le développement de l’activité. Cela passera notamment par la mise en place d’un Small Business Act à l’échelle de chaque commune, pour facilité l’accès des PME et TPE aux marchés publics. Une mesure d’équité pour Jaouad El Miri, l’entrepreneur gardannais qui a présenté cette partie : «Le tissu local est composé de plus de 90% de TPE et PME, 10 500 adhérents… mais cela reste très inégal d’un territoire communal à l’autre», explique-t-il, prônant par ailleurs pour la création d’une délégation TPE/PME et la mise en place d’adjoints identifiés, ainsi que d’un guichet unique pour les entreprises.
Redonner sa place au commerce
Mais cela ne veut pas dire que les trois autres piliers sont relégués en arrière plan. Ainsi la redynamisation des centres-villes, assortie d’une volonté de donner une place prépondérante au commerce, est également prise très au sérieux, avec des propositions novatrices. Cette partie, c’est Audrey Lucchinacci, présidente de la Fédération Commerce en 13 (FC13) qui la porte, forte du succès déjà remporté dans la mise en place d’une marketplace dédiée aux adhérents de la Fédération, au printemps dernier. «Il ne faut plus réduire les commerçants à l’éclairage de Noël et aux animations en termes d’action, mais leur redonner une vraie place». Elle avance ainsi l’idée de la création d’un service commerce accessible à tous, afin de prodiguer aux commerçants un accompagnement allant de la création à la moindre difficulté, ou encore d’anticiper les soucis éventuels. «Nous avons 15 pages à disposition des maires pour leur donner des indicateurs en la matière, comme par exemple dans le domaine de la piétonisation. Nous nous sommes rendu compte qu’il y avait en mairie plusieurs interlocuteurs en fonction du sujet : un pour l’éclairage, un pour les potelets… Et ça, c’est très opaque, incompréhensible pour les commerçants. Nous voulons donc un seul adjoint au centre-ville», appuie de son côté Alain Gargani. Enfin, les deux derniers piliers, présentés par les dirigeants Humberto Miranda et Fabien Da Luz, reprennent des points de bon sens, communément admis et mis en avant de façon consensuelle par l’unanimité des organisations et syndicats professionnels : ceux relatifs à un cadre de vie durable, et à une facilitation du trajet domicile travail.
Et maintenant ?
Aujourd’hui, les candidats aux mairies du territoire des Bouches-du-Rhône ont ainsi entre leurs mains ce livre bleu. Bien entendu, ils ne sont pas forcés de reprendre les idées des entrepreneurs de la CPME 13… quoique. Ils seraient bien inspirés de les considérer malgré tout… il en va de leur image. En effet, le syndicat patronal, «bienveillant par essence, n’hésitera pas à jouer son rôle» si les attentes des petites entreprises du territoire n’étaient pas considérées. C’est dans cette optique que la CPME13 observera à la loupe les différents programmes, et accordera ou pas un label de sa création, du nom de «PME Compatible». «Il sera attribué aux listes qui portent les valeurs de l’économie. Ce label sera remis en janvier aux candidats qui le méritent, à grand renfort de médiatisation». Et pour l’obtenir, Frédéric Verdet ne mâche pas ses mots : «Ils devront prendre au moins 50% de nos propositions, dans les cinq piliers. Il n’est pas question de lâcher un seul de ces points. Parce que nous souhaitons une espèce de respect, une prise en compte de la réalité des TPE». Ce n’est pas tout, exprime encore ce dernier : «Nous demandons aussi aux politiques d’ouvrir leurs listes aux chefs d’entreprise, afin qu’ils puissent représenter l’économie au sein de ces dernières». De fait, près de 30 adhérents du syndicat patronal brigueront des mandats lors de ces élections municipales. Ainsi, ce n’est pas qu’une vue de l’esprit : le monde entrepreneurial a passé un cran dans l’action. De force de proposition, il entend devenir décideur dans la sphère politique. Reste à savoir comment les élus du cru composeront avec ces velléités nouvelles et cette volonté de prise de pouvoir sur le plan local.
Carole PAYRAU