Publié le 6 mai 2020 à 9h43 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 11h35
Le général de corps d’armée Benoît Houssay, officier général de la zone de défense et de sécurité Sud, a invité à Marseille, ce lundi 4 mai, la députée LREM du Gard, Françoise Dumas, présidente de la Commission de la Défense nationale et des forces armées, pour visiter les services de l’AP-HM de l’Hôpital de la Conception. Le but était de rendre compte du travail effectué sur place par les 25 légionnaires présents dans le cadre de l’opération militaire “Résilience”. Le général en a profité pour expliquer le rôle tenu par les armées depuis le début de la crise sanitaire. Dans le même temps, le Pr. Dominique Rossi, président de la commission médicale de l’AP-HM, a fait le point complet sur la situation actuelle dans les services des 3 sites, pour passer un message clair et précis à la population.
«Dans de tels moments, on doit couper les angles, comme aiment le dire les chefs d’État-Major dans les armées»
Lors de cette visite, il a été rappelé que le rôle des armées, et davantage dans la situation actuelle, était d’apporter son soutien quand différents services de l’État devaient arrêter. «Cette organisation exemplaire mise en place ici à Marseille prouve un peu plus qu’un militaire pense d’abord à protéger la population, pour seulement après penser à se protéger lui-même», a lancé la députée Françoise Dumas, accompagnée de plusieurs députés membres de sa commission, à l’image de Philippe Michel-Kleisbauer, député de la 5e circonscription du Var. «On peut comparer le rôle du militaire à celui d’un médecin, en première ligne, avec l’idée, en traversant l’épidémie actuelle, de s’en remettre pour pouvoir être plus fort après. La notion de résilience exprime ce que nous vivons : les situations de crise doivent nous renforcer, dans de tels moments, on doit couper les angles, comme aiment le dire les chefs d’État major dans les armées, cette efficacité est essentielle à retenir pour saluer le travail des militaires sur le terrain.»
Le message passé est clair : sensibiliser tous les malades chroniques pour revenir vers les services de santé.
La visite a également permis de rencontrer les responsables de l’AP-HM, en premier lieu Jean-Olivier Arnaud, son directeur général, et le Pr. Dominique Rossi, son président de la Commission médicale. «Le pic de la crise est passé , indique le Pr. Rossi, on était à un moment à plus de 110 patients en réanimation. Aujourd’hui, nous sommes à deux tiers de cette occupation maximale, avec environ 60 patients. Cela a bien diminué grâce au confinement et aux soins que tous les services de l’AP-HM ont su administrer. Malgré tout, il faut à tout prix que l’organisation perdure, car on doit rester très vigilant face au rebond (de l’épidémie) qui pourrait arriver. Aujourd’hui, les services d’urgence ou les pôles des unités Covid-19 de nos 3 sites sont en phase de déprogrammation. Nous allons retrouver une activité normale, mais sous contrôle, en mai, puis juin. Les choses reprendront vraiment à un rythme normal à l’automne.»
Entre temps, il va falloir penser à accueillir les «autres patients», ceux qui n’ont pas voulu se déplacer dans les salles d’attente des médecins généralistes comme dans les services d’urgence de l’AP-HM, par peur d’être contaminés par le virus… Et ils doivent être des milliers dans ce cas, rien que sur une ville comme Marseille. «C’est essentiel d’en parler, poursuit le Pr. Rossi, ces autres patients doivent à tout prix ne plus attendre, et revenir vers nous et vers les médecins de famille. Les urgences générales ré-augmentent un petit peu en nombre, mais c’est loin d’être encore ce que l’on rencontre dans notre activité quotidienne habituelle (hors Covid-19).» Le message passé est clair : sensibiliser tous les malades chroniques pour revenir vers les services de santé.
«La réalité est que les gens ont peur de sortir. Il y a la peur d’être infectés »
«Pour l’instant, personne n’est capable de savoir ce qui va se passer et comment cela va se passer le 11 mai, personne, insiste le Professeur, nous ne sommes pas devins. On doit se préparer à toutes les hypothèses, mais aujourd’hui l’une des priorités est de commencer à sortir la tête du Covid. La réalité est que les gens ont peur de sortir. Il y a la peur d’être infectés. Nous la vivons au quotidien. Nous avons mis du personnel en sécurité pour pouvoir remplacer d’autres en service, si la vague avait été horrible. Notre personnel est notre premier souci. Sans lui, il n’y a pas d’hôpital.» Et il tient à ajouter : «Je vous le répète : les malades doivent recontacter leur médecin de famille, les hôpitaux. Il ne faut pas avoir peur, or il y a les fantasmes. Il y a 3 mois, on ne savait pas ce qu’était le Covid, cela n’existait pas ! En 3 mois, quand on voit ce que nous avons été capables de faire dans les services de l’AP-HM pour gérer l’épidémie, c’est un sacré boulot. Donc les gens ne doivent pas avoir peur (dans le sens de pouvoir être contaminés en revenant dans le système de santé libéral et public), ils doivent nous faire confiance.»
« Il faut vivre avec cette pandémie aujourd’hui, comme les prochains mois. Ce virus, on ne le connaît pas très bien. C’est une autre vérité »
Le Pr. Rossi conclut, dans un langage franc, appréciable par les temps qui courent: «L’autre réalité est de dire que notre société n’est pas faite pour vivre et accepter l’incertitude. Elle n’est pas formatée pour cela. Or il faut vivre avec cette pandémie aujourd’hui, comme les prochains mois. Ce virus, on ne le connaît pas très bien. C’est une autre vérité. Tout le monde donne son avis, s’exprime dessus, mais au final, on ne le connaît toujours pas bien… Sur la suite, une deuxième vague ? Je n’en sais rien. Je n’ai pas les compétences scientifiques pour vous répondre. Qui peut donner une réponse péremptoire aujourd’hui ? Ce que je sais et dont je suis sûr, par contre, c’est qu’un déconfinement réussi devra être obligatoirement axé sur le plus grand civisme des gens, sur le plus grand respect des mesures barrière. Si la précaution s’inscrit dans de telles attitudes, ce sera gagné. Et cela entraîne d’accepter de vivre dans cette incertitude. Dans le cas contraire, ce sera différent… Dans tous le cas, nous, ici, à l’AP-HM, on s’est déjà mis en tête que le personnel devra être capable de redonner un coup de collier en septembre.»
Bruno ANGELICA
Le chiffre : 200Le général Houssay : « Entre 450 et 500 militaires mobilisés chaque jour dans la zone Sud pour cette crise »
|