Publié le 19 mai 2019 à 12h22 - Dernière mise à jour le 1 décembre 2022 à 12h41
Dans les quartiers nord de Marseille, les mères estiment que leurs familles ont longtemps subi les conséquences des trafics de drogue. Elles proposent de réinvestir l’argent confisqué à ce réseau criminel pour le réinjecter dans des projets aux profits des habitants de la cité. Cette idée n’est pas une première car en Italie, une loi dans ce cadre est déjà appliquée. Une pétition a cet effet a été lancée depuis plusieurs semaines et a déjà récolté près de 1 000 signatures.
Lettre des femmes des quartiers Nord de Marseille au Gouvernement Depuis des années, nous vivons dans nos quartiers les conséquences des réseaux de drogues, leurs règlements de comptes mais aussi les effets de la corruption et du clientélisme. Savez-vous ce que cela signifie ? C’est vivre dans la terreur, être étriqué, devenir silencieux, c’est vivre gouverné par la menace quotidienne. C’est vivre dans la crainte de voir son enfant finir dans le réseau, d’être victime d’une balle perdue ou de traumatismes qu’il n’aura pas la possibilité d’exprimer, tant la menace plane au-dessus de nos têtes. C’est vivre dans un quartier où les services publics ferment, où les principes de l’école républicaine sont bafoués et l’espace public interdit. C’est vivre seules, en première ligne. Nous n’avons pas le choix, nous, nous ne pouvons pas exercer notre droit de retrait ! Seules et pas d’autre choix que de résister Engagées quotidiennement dans cette lutte contre les réseaux, nous affirmons notre volonté de continuer même après des fusillades, épuisées, sans moyens et isolées. Alors nous, femmes des quartiers Nord de Marseille, touchées par tant de douleurs, de peurs, de silences, nous avons décidé de prendre l’initiative. Nous, femmes des quartiers Nord, nous vous rappelons que nos quartiers sont dans Marseille et que Marseille fait partie de la France. La devise républicaine doit s’y appliquer comme à l’ensemble du territoire français. Liberté, égalité, fraternité ? Chaque jour, nous menons des actions, nous inventons des solutions collectives, nous mobilisons la solidarité de voisinage des collectifs d’habitants, nous développons des programmes d’éducation populaire et des initiatives d’économie solidaire, et nous sommes fatiguées par les contraintes, les portes qui se ferment et les moyens qui se raréfient. De la liberté pour nous, quand s’ajoute à la précarité sociale la pression meurtrière des réseaux ? De l’égalité pour nous, depuis l’école jusqu’au monde du travail ? De la fraternité pour nous, quand le reste de nos concitoyens ne connaissent rien de nos quartiers et de nos vies ? De la fraternité, oui, il y en a ici parce que nous restons solidaires. Mobilisons toutes les ressources et redistribuons-les ! La méthode d’attribution des financements publics nous a transformées en bergère qui rassemble son troupeau car considérées comme pas suffisamment compétentes pour gérer des projets, mais comme de parfaites intermédiaires bénévoles et gratuites pour assister toutes ces associations parachutées dans nos quartiers, qui en ont fait un commerce. Mesdames et messieurs les financeurs, lorsque la pomme arrive aux habitants, il n’en reste que le trognon, toute la chair juteuse a été dévorée par ces intermédiaires. Il y a ceux qui vivent dans nos quartiers, il y a ceux qui en vivent. Nous demandons à l’Assemblée de légiférer dans les prochains mois pour qu’une partie des biens et fonds mafieux saisis soit réaffectée en direction de projets d’économie solidaire pour nos quartiers, premières victimes de l’économie mafieuse et de la corruption. L’Italie nous a montré l’exemple il y a plus de 20 ans maintenant. Le collectif associatif Libéra s’est battu pour qu’une loi confisque les biens de la criminalité organisée afin qu’ils soient réinvestis dans des projets socioéconomiques d’utilité sociale. Cet argent qui tue aujourd’hui permettrait demain de construire un autre avenir pour nos quartiers. Cela constituerait un puissant levier et permettrait de consolider une réelle économie, ancrée sur nos besoins et nos territoires. Il faciliterait aussi la coopération entre acteurs publics, privés, collectifs d’habitants et entreprises. A toutes les femmes, nos mères, nos filles, nos sœurs, malgré toutes ces contraintes, nous avons bercé, élevé et protégé nos enfants comme des louves. Certains nous ont été arrachés sous l’œil indifférent des gouvernements successifs. Nous refusons d’être infantilisées et que nos propos soient réduits au silence. Nous revendiquons notre capacité de nous auto-organiser et assumons de prendre notre part de responsabilité. Alors, vous qui légiférez souvent sous le coup de l’émotion, ayez l’audace d’associer votre nom à une loi, comme nous, femmes des quartiers Nord de Marseille, prenons l’initiative d’apposer notre nom au bas de cette tribune. La pétition à signer ICI |