Publié le 8 mars 2019 à 9h34 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 23h36
Après plusieurs mois de bêta-testing concluants, la V1 de l’application Shopizfun, permettant d’éviter le tracking lors de ses achats en ligne, est lancée sur le marché. Sa créatrice, Naouel Harihiri, fondatrice de la start-up Data Shopping, amorce parallèlement une campagne de levée de fonds afin de développer de nouvelles briques technologiques et ainsi adjoindre à sa solution des fonctionnalités supplémentaires.
Comment faire tranquillement son e-shopping sans être la cible des professionnels du marketing en ligne, sans ciblage personnalisé, sans tracking ? Comment, par ailleurs, préserver sur le Net tout le côté convivial d’une journée de lèche-vitrine entre amis dans la vie réelle ? Naouel Harihiri a trouvé la solution et elle s’appelle Shopizfun. L’application, fleuron de la R&D de son entreprise, Data Shopping, vient de boucler sa phase test sur IOS et Android et lance désormais sa V1 sur le marché. «Les retours ont été positifs, encourageants. Ils nous ont confortés dans l’idée que le consommateur ne veut plus se faire harceler on ligne. Par ailleurs, les testeurs ont aimé l’organisation simple, le fait de pouvoir partager des produits pour en discuter sans que leurs interlocuteurs aient besoin pour autant de créer un compte Shopizfun », explique la fondatrice. Car pour expliquer le concept plus en détail, l’application de Naouel Harihiri consiste en une solution globale d’e-commerce, synchronisée en temps réel, disponible sur web et mobile, caractérisée par le traitement éthique des données. Son intérêt, c’est d’offrir à l’utilisateur la possibilité de sélectionner un produit sans qu’un site marchand puisse le détecter et de le faire glisser dans un espace dédié sur son compte Shopizfun. «Elle s’y trouve importée avec son prix et sa fiche produit, nul besoin donc de retourner sur le site marchand pour l’étudier à nouveau », précise Naouel Harihiri, qui évoque aussi la possibilité de partage d’un élément à sa communauté afin de converser en temps réel. Tout ceci gratuitement, puisque le modèle économique ne s’appuie pas sur le BtoC, mais sur le BtoB, en ciblant les marques.
Quand le RGPD change la donne
Il faut dire que Shopizfun recèle un bel intérêt pour ces dernières, en ce qu’il permet de «résoudre la problématique du panier abandonné, qui connaît un taux de 80% ! Huit paniers sur dix non validés, cela représente une perte de 320 mds d’euros à l’échelle de la France… et conduit donc les marques à mettre en place ces fameuses solutions de tracking», poursuit Naouel Harihiri. A cela s’ajoute une autre (nouvelle) épine dans le pied des professionnels du marketing, la mise en place du RGPD ou Règlement général sur la protection des données. «Il a modifié la matrice d’appréciation des données personnelles. Désormais, les entreprises et les marques n’ont d’autre choix que de changer leur façon de faire… Le tracking est reconnu comme illégal, même s’il demeure employé encore aujourd’hui…». Mais il n’empêche que la tâche des marques s’en trouve complexifiée, décrypte l’entrepreneure. «Apple a limité les cookies de pub à 24 heures, donc une société qui fait du retargetting est entravée, elle doit remettre à jour tout le temps ses cookies. Et des entreprises comme Critéo (spécialiste du reciblage publicitaire personnalisé sur le net, NDLR) sont à présent en pleine chute, le visage du marketing traditionnel a besoin d’un nouveau souffle, il cherche à savoir comment accéder à nouveau à ces consommateurs. En ce moment, on enregistre 50% de perte de budget sur le marketing en ligne… » Voilà qui a changé considérablement le regard des interlocuteurs de Naouel Harihiri. «Au départ, je me heurtais dans mes pitchs à un certain scepticisme. On me rétorquait que le tracking ne posait pas de problème, qu’il fallait simplement éduquer l’internaute. Puis le RGPD est donc passée par là… Désormais c’est le bon time to market et on m’écoute d’une autre oreille !»
Un autre marketing est possible
Shopizfun peut constituer pour les marques un outil propre à envisager un autre marketing, plus éthique, allant davantage dans le sens de l’utilisateur. Tout au moins, celles qui s’y abonnent, bénéficiant ainsi de plusieurs services. Elles paient en effet pour faire référencer leur catalogue, leur circuit de distribution en France, voire à l’international si besoin. «Par ce biais, Shopizfun peut indiquer que la pièce que l’on a sélectionnée est disponible et où, elle indique le parcours client le plus pratique. Cet abonnement dépendra du volume du catalogue. Nous proposons un autre type d’abonnement, consistant en une offre personnalisée de business intelligence à même d’accompagner les marques. Par exemple, nous allons pouvoir tenir aux marques le discours suivant : vous avez 90% de chances de vendre ce produit avec tel shopper si vous concédez une remise de l’ordre de 10%… Nous allons ainsi négocier avec les marques dans l’intérêt du consommateur pour ne pas passer à côté de clients potentiels. Il s’agit de réajuster une offre entre la marque et ses vrais clients. C’est souvent à mon sens le problème du retail aujourd’hui : une entreprise se positionne comme haut de gamme, mais les consommateurs qui connaissent le luxe vont trouver que c’est un peu survendu et ne seront pas intéressés. Et à côté de ça, ceux qui ont véritablement envie de produits de cette marque n’ont pas les moyens d’acheter… »
A contre-courant des market places
Ainsi, outre la fin du tracking, l’autre avantage de Shopizfun pour le consommateur, c’est la possibilité de réaliser ses achats à prix plus doux. Pour ce faire, Naouel Harihiri a procédé à un ajustement de son business model. C’est aussi à cela qu’a servi le temps de recul du bêta-testing… «Au départ, je voulais prendre en sus une commission sur chaque acte d’achat, modulée en fonction du lieu où se déroulait la transaction : site marchand, boutique ou directement Shopizfun. Nous avons décidé de ne pas pratiquer de com’ sur les ventes pour l’instant. Nous ne le ferons dans un second temps, seulement sur certains types de produits. L’idée, c’est d’aller à l’inverse des business models classiques des market places». Naouel Harihiri mise ainsi sur le volume d’abonnés pour réaliser son chiffre d’affaires, plutôt que sur un modèle économique à double détente. In fine, cette stratégie permet d’avoir plus de marge de manœuvre pour les remises ou les avantages (gratuité des frais de port par exemple) à négocier en direction des utilisateurs. Et la marque y gagne : ce devrait être quasiment une opération blanche en termes de trésorerie, dans la mesure où elle a l’habitude de payer des commissions avec les market places… mais d’un autre côté, l’acte d’achat se déclenchera sans doute plus volontiers.
Quelles perspectives ?
Le lancement de la version une de l’application s’accompagne parallèlement de l’amorce d’une campagne de levée de fonds. L’idée : développer d’autres briques technologiques, permettant notamment de référencer le commerce de proximité, les multimarques… «Ainsi, s’il n’y a plus de stock sur un produit, Shopizfun va pouvoir interroger celui de ces magasins. L’idée étant de trouver à tous les coups la pièce désirée par l’internaute», détaille Naouel Harihiri, qui envisage de recruter, structurer une équipe. Pour ce faire, elle recherche des profils en marketing, communication, développement… Elle programme une trentaine d’embauches sur les trois prochaines années. «Avec les investisseurs, les contacts avancent, j’espère boucler au moins les accords de principe d’ici le mois prochain». Enfin, toujours en termes de perspectives, elle vise en 2019 la signature avec une centaine de marques. L’objectif étant d’en avoir 1 000 abonnées d’ici 3 ans. «Je réfléchis le concept afin que nos services correspondent à tous types de marques, du jeune créateur mettant en avant sa première collection au grand groupe». Elle espère enfin entraîner dans le sillon de son appli près de 100 000 utilisateurs fin 2019, en déployant l’activité à l’échelle internationale. Et pour ce faire, la solution est déjà accessible en français et en anglais.
Carole PAYRAU