Double événement pictural au Musée Granet d’Aix-en-Provence : Cézanne «at home» rencontre Tal Coat, artiste libre

Publié le 20 novembre 2017 à  23h22 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  17h47

Bruno Ely n’est pas mécontent de participer à son tour à une certaine « réhabilitation » de Cézanne dans sa ville (Photo Michel Egea)
Bruno Ely n’est pas mécontent de participer à son tour à une certaine « réhabilitation » de Cézanne dans sa ville (Photo Michel Egea)
«Vue vers la route du Tholonet près de Château Noir» une œuvre majeure prêtée par la Fondation Henry et Rose Pearlman (Photo Michel Egea)
«Vue vers la route du Tholonet près de Château Noir» une œuvre majeure prêtée par la Fondation Henry et Rose Pearlman (Photo Michel Egea)
Jean-Pascal Léger et Bruno Ely ont commenté l’exposition rétrospective Tal Coat -ici devant «La Veine»- (1959) (Photo Michel Egea)
Jean-Pascal Léger et Bruno Ely ont commenté l’exposition rétrospective Tal Coat -ici devant «La Veine»- (1959) (Photo Michel Egea)
«Paysage Aixois» (1941) Tal Coat sur les pas de Cézanne… (Photo Michel Egea)
«Paysage Aixois» (1941) Tal Coat sur les pas de Cézanne… (Photo Michel Egea)
« Massacres » (1935). Toute la violence de la guerre d’Espagne dans cette toile de Tal Coat (Photo Michel Egea)
« Massacres » (1935). Toute la violence de la guerre d’Espagne dans cette toile de Tal Coat (Photo Michel Egea)
«Initialement nous avions prévu, de longue date, d’organiser cette grande exposition Tal Coat pour passer de 2017 à 2018, confie Bruno Ely, conservateur en chef du patrimoine, directeur du Musée Granet. Puis est intervenu le prêt du tableau de Cézanne « Vue vers la route du Tholonet près de Château Noir » par la Fondation Henry et Rose Pearlman. Ce prêt est d’une année et la mise en place d’une double exposition s’est imposée… » Abondance de biens ne nuit pas, c’est connu. Et pour mettre en valeur l’inestimable et superbe toile du maître d’Aix, Bruno Ely a composé une installation sur 200 m² intitulée « Cézanne at home ». Elle explique le rejet de Cézanne par sa ville natale. Car il ne faut pas oublier qu’en 1900, le conservateur Henri Pontier s’était exclamé «Moi vivant, aucun Cézanne n’entrera au musée… » Les américains en ont profité et ce sont eux, aujourd’hui, qui nous prêtent les œuvres ! Autour de celle «en résidence» pendant un an à Aix, Bruno Ely a rassemblé 40 œuvres et objets appartenant au Musée. Notamment quelques exquises aquarelles peu montrées car très fragiles, divers objets de la vie quotidienne du maître d’Aix et une série de six lettres autographes de Paul Cézanne à Charles Camoin en cours de donation au Musée Granet par la fille du peintre à la suite de l’exposition de 2016 « Camoin dans sa lumière ». Quant à la « Vue vers la route du Tholonet », elle est l’une des œuvres majeures de la fin de vie du peintre aixois qui semble d’ores et déjà faire son petit effet dans le landernau cézannien à en juger par la fréquentation accrue du musée depuis le vernissage de « Cézanne at home » le 20 octobre dernier. Dans le prolongement de ce parcours cézannien, les portes s’ouvrent sur un monde qui ne laisse pas indifférent : celui de Tal Coat.

Tal Coat : de la violence à l’abstraction

L’histoire de Tal Coat c’est un peu celle d’un Breton sur les pas de Cézanne. «Un Breton dans la lumière de Cézanne», écrit Bruno Ely dans le dossier de presse consacré à l’exposition qui a pourtant été baptisée « Tal Coat, la liberté farouche de peindre ». Tout simplement parce que le conservateur en chef du musée Granet n’a pas voulu se cantonner à la période aixoise du peintre (de 1940 à 1956) mais a tenu à présenter, avec Jean-Pascal Léger, co-commissaire de l’exposition, une véritable rétrospective de l’œuvre de Tal Coat. Et bien lui en as pris. Car entre les premières œuvres peintes dans les années 1920 et celles des années 1980, il y a une vie entière de périodes différentes entre réalisme et abstraction. Tal Coat, en breton, veut dire « front de bois » ; tête dure, peut-être, mais les photographies publiées dans le catalogue laissent découvrir un homme au visage doux, aux traits laissant deviner une grande sensibilité. Surnommé «le peintre des peintres»Tal Coat se liera d’amitié avec nombre de ses confrères et c’est chez André Masson, à Château Noir, qu’il vivra la majeure partie de sa villégiature en pays d’Aix. Sa sensibilité, il ne fait aucun doute qu’elle transparaît dans la série «Massacres» réalisée alors que la guerre d’Espagne liquide les civils. Des œuvres fortes, sans aucune concession, terribles regards sur une réalité insoutenable. On admirera aussi une série de portraits qui témoignent de son talent de dessinateur et une note un peu naïve avec le Paysage de Dolëan. Et petit à petit l’abstraction gagne du chemin. Elle va se montrer dès 1945 avec la série des Poissons. C’est la période aixoise et Tal Coat aime à aller taquiner les motifs cézanniens. Paysage du Tholonet, Campagne Aixoise ont un petit quelque chose qui rappelle le maître d’Aix dont une toile majeure est exposée à quelques mètres (lire plus haut). Bleu Surgi, immense huile sur toile accrochée au milieu de l’escalier qui change d’étage, marque une rupture et ouvre une partie importante consacrée au travail au couteau et à une abstraction totalement libérée mais aussi maîtrisée. Pour nous le point d’orgue, même s’il n’est pas monumental, c’est cette huile sur toile sans titre, mais mentionnée Colza, lumineuse, vibrionnante, dense et apaisante. Un exceptionnel parcours d’art et de vie d’un artiste hors normes qui prend encore plus de relief lorsque sa fille nous confiera que pendant qu’il travaillait, Tal Coat écoutait en boucle des chants grégoriens, des œuvres de Machaut ou la messe de Pérotin. Tant de spiritualité ne pouvait qu’ouvrir les chemins de la liberté et magnifier la palette qui va avec.
Michel EGEA

Pratique. Au Musée Granet Tal Coat, la liberté farouche de peindre, jusqu’au 11 mars 2018 ; Cézanne at home, jusqu’au 1er avril 2018. Du mardi au dimanche de 12h à 18 heures. Le musée sera fermé les 25 décembre et 1er janvier. Diverses animations sont prévues autour de ces expositions, se renseigner au 04 42 52 88 32.
museegranet-aixenprovence.fr

Articles similaires

Aller au contenu principal