Publié le 12 mai 2014 à 19h32 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h43
Samy Hammache est Marseillais. Directeur général d’AH Consulting, il est, avec Youcef Afiri et Kamel Malagouen, l’un des 3 fondateurs de Maghreb Business Community (MBC). Un club d’affaires. Ce jeune chef d’entreprise, travaille avec la rive Sud de la Méditerranée. L’homme pourrait avoir un sentiment de revanche, pire, être aigri; tel n’est pas le cas. En effet, après des études qui le conduisent à HEC Marseille, il ne trouve pas d’emploi. Il part aux États-Unis pour améliorer son anglais, revient, pour un résultat identique. Il part alors en Algérie, où il effectue un brillant parcours professionnel avant de revenir voilà deux ans.
«Grâce à mes notes, je suis l’un des deux collégiens qui peut intégrer le lycée Montgrand»
C’est un parcours d’enfant doué, travailleur, de la République, que celui du jeune Samy Hammache. «Je suis né à Marseille en 1976, dans le 14e au Canet. Ma mère est femme au foyer, mon père, commerçant, a eu à s’occuper de restaurants et d’hôtels à Marseille. Je fais mes études primaires dans les quartiers Nord, puis au collège Arenc-Bachas à Bougainville. Grâce à mes notes, je suis l’un des deux collégiens qui peut intégrer le lycée Montgrand. Je passe un Bac scientifique, intègre Saint-Jérôme pour un Deug Sciences et Structure de la matière. Comme j’avais la fibre commerciale, c’est avec passion que je profite de la possibilité offerte par le cursus Maîtrise Sciences Technique qui comprend un jumelage avec Sup de Co. Ainsi, j’étudie deux jours à Saint Jérôme et trois à Luminy. J’obtiens une maîtrise avec mention mais pas le DESS car j’ai manqué un stage de trois jours suite au décès de mon grand-père… ».
« Parfait pour l’emploi mais super-diplômé »
Nous sommes en 2000 Samy Hammache arrive avec espoir sur le marché du travail, fort de ses études, ses diplômes, ses envies. Mais l’emploi n’est pas au rendez-vous. Un motif avancé est qu’il n’est pas assez fort en anglais. Alors, il travaille en intérim, fait des ménages, porte des containers… Il se fait ainsi un pécule qui lui permet de partir quelques mois à San Francisco, en 2001. «J’améliore mon anglais tout en suivant une formation de management. Je reviens pour, encore une fois, collectionner les refus d’embauche. Souvent on ne me répond même pas. Et, lorsque je suis reçu on me trouve parfait pour l’emploi mais super-diplômé, on se dit que je ne resterai donc pas avant de me dire au revoir et merci ». Finalement il postule pour un poste de chef de produits dans une grande surface. «Je rencontre une personne puis une autre, une troisième et, enfin une quatrième qui m’explique que le poste ira à une caissière. Là, j’ai compris que je n’avais rien à espérer, qu’il me fallait quitter la France. Mais où aller ? J’avais un peu de famille en Algérie qui, au moins, pourrait m’héberger. Et c’est ainsi qu’en 2001 je rejoins ce pays. Je rencontre Mikas Thomas, d’origine grecque, vivant en Belgique et représentant une société allemande en Algérie. Il me dit avoir besoin de moi, qu’il a une société à Vitrolles, Eurex Technologies, qui travaille dans le domaine du négoce de biens industriels. Je travaille pour lui pendant deux ans, jusqu’à ce que les lois changent et contraignent l’entreprise à fermer ses portes».
«Je fais ainsi la connaissance de Thierry Dubourdieu»
Samy Hammache se retrouve au chômage. «Mais, j’ai acquis une petite expérience. Je rencontre alors un homme, aujourd’hui décédé, qui m’a énormément aidé : Michel Vassallucci. Il était gérant d’une société spécialisée dans le domaine chimique. Il me donne sa représentation sur l’Algérie. Je développe sa société et, grâce à cela, je développe mon relationnel. Je fais ainsi la connaissance de Thierry Dubourdieu avec lequel je deviens ami. Je travaille aussi pour lui en tant que directeur de Massilia Marine (fabrication et commercialisation de pontons flottants), un emploi que j’ai occupé jusqu’en 2009 date à laquelle il vend sa société à l’Américain Bellingham».
Il part alors chez Inotis, une société basée à Oran, dont il prend la direction générale. «L’entreprise fabrique du tissu médical non tissé. J’ai alors en charge plus de 200 personnes, et avec Hygimed, la société qui commercialise ces produits en Algérie, nous réalisons un chiffre d’affaires de plus de 60 millions d’euros. Plus de 50 pays, dont la France, utilisent dans leurs blocs opératoires notre production. La société, comme c’est le cas dans la majorité des cas en Algérie, dépend d’un homme, monsieur Baba en l’occurrence, qui décède en 2011. Je décide alors de démissionner et de rentrer en France. Mes parents prennent de l’âge et je veux me rapprocher d’eux. Et, ma fille grandit, je souhaite qu’elle maîtrise aussi le français or il n’y a pas d’école francophone à Oran».
Il retrouve la France. «Je n’y venais que pour voir la famille et, comme un touriste algérien, pour y dépenser de l’argent ». Il reprend le chemin de Pôle Emploi. «J’ai de l’argent mais ayant été rémunéré en Algérie, je n’ai droit à la Sécurité sociale que si je m’inscris au chômage. Ce que je fais, en demandant à ne pas toucher d’allocations. Ce n’est pas possible, je ne percevrais donc que les minimas sociaux. En revanche, je souhaite une formation; il n’y a rien pour moi. Je rencontre alors Youssef Afiri avec lequel je m’associe. Il devient président de AH Consulting et moi directeur général, à l’époque non salariés puisque nous partons de zéro. L’objet est d’aider les sociétés en les accompagnant dans leur implantation dans le Maghreb, en Algérie principalement mais aussi en Tunisie et au Maroc ».
« C’est un atout formidable d’être franco-maghrébin »
La société se développe. «Je me rend alors compte qu’il n’existe pas de club d’affaires lié à la rive Sud de la Méditerranée, c’est ainsi que voit le jour en octobre 2012 MBC, Maghreb Business Community. Il s’agit de fédérer un réseau, de favoriser les rencontres et, ainsi, permettre aux gens de travailler ensemble. L’ouverture est totale, les statuts indiquant seulement que le Club est apolitique et areligieux».
Il précise: «L’idée est de développer les échanges entre le Nord et le Sud, il est aussi de montrer à des jeunes que c’est un atout formidable d’être franco-maghrébin, que cela ouvre des portes pour travailler. Et nous entendons, dans ce cadre, aider à trouver des stages, avoir des prêts à taux zéro pour monter des projets. Pour connaître les deux pays je peux dire qu’il existe de vraies possibilités d’échanges entre les deux pays. Qu’il importe de montrer ces potentialités. L’Algérie est aujourd’hui en recherche de transmissions de savoirs de technologies. Nous avons en France une rigueur européenne et une plus-value industrielle, alors faisons du co-développement, créons des emplois, au Nord comme au Sud et gagnons les uns et les autres de l’argent. Soyons dans le gagnant-gagnant. Et n’oublions jamais que Marseille est plus près d’Alger que de Paris. Utilisons notre proximité, nos liens».
Il n’oublie pas le chômage qu’il a connu, ni ses visites à l’Ambassade de France, à Alger, «où je ne trouvais aucun franco-maghrégin». Point d’aigreur, mais une envie farouche de voir son pays utiliser toutes ses potentialités avec la conscience que « rien ne se construit en un jour».
«Nous franchissons des étapes. Un réseau se construit. Je vis et j’entends participer à ce changement de générations, cette ambition d’être, tout simplement de bons citoyens qui peuvent vivre leur vie. Déjà ma fille n’a pas le même parcours que moi, elle étudie dans une école internationale et je ne doute pas qu’elle fera mieux que moi. Mais, au-delà des histoires individuelles, je crois au réseau, au collectif, c’est ensemble que l’on peut créer de la richesse. Et j’ai envie de créer de la richesse avec du collectif ».
Michel CAIRE