Edmonde Charles-Roux: une dernière page tournée, à l’image de cette femme exceptionnelle

Publié le 23 janvier 2016 à  23h58 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  21h37

Une haie d’honneur de la Légion Étrangère d’Aubagne, une foule recueillie sur le parvis de la cathédrale de la Major, un grand silence plein d’émotion -que n’ont osé troubler que quelques insolentes mouettes- ont accompagné la sortie du cortège funéraire d’Edmonde Charles-Roux à la Cathédrale de la Major.

Une haie d'honneur de la Légion Étrangère d'Aubagne sur le parvis de la Major (Photo Robert Poulain)
Une haie d’honneur de la Légion Étrangère d’Aubagne sur le parvis de la Major (Photo Robert Poulain)
(Photo Robert Poulain)
(Photo Robert Poulain)
Jean-Claude Gaudin et le ministre de L'Economie Michel Sapin (Photo Robert Poulain)
Jean-Claude Gaudin et le ministre de L’Economie Michel Sapin (Photo Robert Poulain)
Régis Debray, qui siégeait avec Edmonde Charles-Roux au sein de l'Académie Goncourt (Photo Robert Poulain)
Régis Debray, qui siégeait avec Edmonde Charles-Roux au sein de l’Académie Goncourt (Photo Robert Poulain)
L'ancien ministre Jean-Pierre Chevènement (Photo Robert Poulain)
L’ancien ministre Jean-Pierre Chevènement (Photo Robert Poulain)
Jean Ristat, directeur de la fondation Aragon (Photo Robert Poulain)
Jean Ristat, directeur de la fondation Aragon (Photo Robert Poulain)
Olivier Nora, président de la Société Grasset (Photo Robert Poulain)
Olivier Nora, président de la Société Grasset (Photo Robert Poulain)

Tout un symbole qui rappelle que c’est ici même qu’en 1986 a eu lieu la cérémonie des obsèques de Gaston Defferre qu’elle avait épousé en 1973 et, auprès de qui elle repose désormais au cimetière Saint Pierre où l’attendait de très nombreuses gerbes dont celles du Président de la République François Hollande, du ministre des affaires Étrangères Laurent Fabius, du maire de Marseille, des présidents des institutions territoriales et des maires des communes du département. En hommage à celui qui avait été maire de Marseille pendant 33 ans Edmonde Charles-Roux avait alors souhaité une cérémonie œcuménique car Defferre, laïc convaincu, était issu du milieu protestant. En cette matinée de janvier 2016, soit 30 ans après la disparition de son époux, c’est une célébration catholique qui a été rendue en hommage à cette Grande dame des Lettres françaises qui disait volontiers « le problème n’est pas de savoir si Dieu a existé ou pas, mais y croire c’est déjà une aide formidable pour faire son parcours de vie« .
Dans son homélie Mgr Aveline, évêque auxiliaire de Marseille, salua « le caractère sobre, indépendant, engagée d’une femme animée par le courage et qui avait confiance en Dieu pour prier et se retrouver« . Le père Alain Ottonello, curé de la Major, personnage atypique et très aimé des Marseillais, a pour sa part dit toute son émotion et l’immense respect qu’il avait pour Edmonde Charles-Roux. De nombreuses personnalités politiques dont le ministre de l’Économie, Michel Sapin, assistaient à cette cérémonie, où toutes les sensibilités politiques étaient représentées par de nombreux élus au sein desquels la présence de l’ancien ministre Bernard Tapie n’a échappée à personne. Différentes prises de parole dont celle du neveu d’Edmonde Charles Roux, Marcantonio del Drago ont permis d’évoquer les multiples facettes de cette femme d’exception. Pour Olivier Nora, président de la Société Grasset c’était d’abord une fidèle publiant depuis 50 ans ses romans dans ce groupe d’éditions. « Une séductrice qui, à mon arrivée il y a 15 ans, me gratifia de son amitié. Me fit l’honneur de partager ses éclats de rire, cette joie qu’elle avait de la vie, son humour décapant balayant les postures et les masques. Gardons en mémoire son ironie souveraine. »

« Être à la fois directrice de Vogue et caporal de la Légion étrangère, c’est un court-circuit assez rare »

Régis Debray, qui siégeait avec Edmonde Charles-Roux au sein de l’Académie Goncourt, soulignait : « Le départ d’Edmonde, c’est comme une époque, rare et symbolique qui s’éloigne de nous, celui d’un monde fait de ce que nous en faisions et pas de ce qu’il fait de nous« . Un discours empreint d’une grande amitié pour cette « Irrégulière nationale » dont il sut avec humour résumer en trois temps le parcours : « Née avec une cuillère en argent dans la bouche, à 20 ans la voilà infirmière volontaire pendant la guerre et, à 80 ans, participant à la fête de l »HUMA !  » Avant d’évoquer quelques facettes de sa personnalité singulière: « Être à la fois directrice de Vogue et caporal de la Légion étrangère, c’est un court-circuit assez rare« , s’est-il aussi amusé avant de rendre un dernier hommage à cette « femme de lettres qui a tenu haut le flambeau de la littérature« . « Elle avait l’audace, le panache de ses héroïnes, des femmes sculptrices de leur propre vie. Une femme au rayonnement si extraordinaire que dans les années 1940 les hommes recherchaient sa compagnie, Pablo Casals, Aragon, Orson Wells, Serge Lifar et tant d’autres« , se plaît à rappeler Jean-Pierre Chevènement. Évoquant ses engagements pendant la guerre et les combats politiques qu’elle mena par la suite : « Edmonde était d’abord une patriote, seul l’avenir des Français et de la France l’intéressait.  »
Mais c’est peut-être Jean Ristat, directeur de la fondation Aragon, qui sût nous faire entendre cette pleine harmonie qu’elle avait avec les Lettres et le monde de la culture en général en égrainant nombre de célébrités avec qui elle a cheminé: des compositeurs, des metteurs en scène, des créateurs comme Yves Saint-Laurent; passionnée pour la musique, la danse, le théâtre, les arts plastiques, suscitant des créations de théâtres, de festivals… Une femme d’action capable de prévoir ce qui plairait demain.
Difficile après tant d’éloges de prendre la parole. Eh bien non! Il manquait un Merci, celui de la ville de Marseille qui s’est exprimée par la voix de son maire, Jean-Claude Gaudin. Après avoir dit combien Edmonde Charles-Roux avait œuvré pour la Culture dans cette ville, s’était battue pour y parvenir « Et ce n’était pas quelqu’un de facile, elle n’aimait pas qu’on la contredise » s’est-il amusé avant d’ajouter: « C’était une femme de convictions, elle les a affirmées avec force tout au long de sa vie publique et que je salue, même si nous ne les partagions pas toutes« . Il évoqua aussi le courage dont elle fit preuve au cours de la deuxième guerre mondiale, au point de devenir la Marraine d’honneur de la Légion étrangère, et à laquelle il rendit hommage. « Une femme d’une grande culture dont j’ai beaucoup apprécié son geste de m’offrir le moulage de la main de Gaston Defferre par César. »
« Gaston Defferre qui, poursuit-il, un jour m’avait dit, surtout lorsque je meurs, je ne veux ni place, ni rue à mon nom. Bien entendu nous n’en avons pas tenu compte ! En revanche m’avait-il dit: «faites modeler ma main et garder là en souvenir, une main qui dira aux Marseillais lorsque je ne serais plus là, voilà ce que Gaston Defferre a fait !» »
Christine LETELLIER

On a pu noter la présence de son neveu Marcantonio Delgrado et son épouse, Mme Noella Delgrado, veuve du père de Marcantonio entourés des amis proches d’Edmonde Charles Roux – Olivier Pastre et son épouse – Sylvain Déforge – Olivier Nora, directeur des Editions Grasset – Jean Ristat, directeur de la Fondation Aragon- Bruno Roger, Président du festival d’Aix-en-Provence- l’Académie Goncourt était représentée par l’écrivaine Paule Constant; Etaient présents ses amis très proches qui l’ont accompagnée ces derniers temps lorsque son état de santé s’est aggravée, l’avocat Michel Faure, Annie Terrier, Jean-Marc Lapiana, Jeanne Laffitte, Dominique Locagne, Sophie Bottaï et d’autres qui se sont relayés auprès d’elle pour l’aider à tourner la dernière page de la vie d’une femme libre, courageuse, et on a envie de dire unique.

Diaporama de Robert Poulain

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