Publié le 28 février 2019 à 20h16 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 20h49
Âmes vendues au diable, invocation d’esprits, balles enchantées : tel est l’univers fantastique du «Freischütz», premier opéra romantique allemand signé Carl Maria von Weber en 1821. Un drame lyrique qui doit beaucoup au «Fidelio» de Beethoven et qui influencera le «Tannhaüser» de Wagner. Un ouvrage magistral aux coloris sensuels et à l’orchestration organique qui sera donné deux fois au Grand Théâtre de Provence d’Aix-en-Provence les 7 et 8 mars. A la tête de son Insula Orchestra et du chœur Accentus, la directrice musicale Laurence Equilbey a décidé de proposer une nouvelle production de cette œuvre dont elle a voulu exacerber le côté magique en confiant à la Cie 14 : 20 tout le travail scénographique. Elle nous en parle…
Pourquoi avoir mis Der Freischütz au répertoire de Insula Orchestra ?
Dans l’histoire de la musique, c’est Weber qui pose les bases du romantisme et «Der Freischütz» en est l’exemple parfait par sa théâtralité, son ambiance particulière et par une orchestration qui rompt avec ce qui était fait auparavant. Avec Insula Orchestra, nous avons déjà beaucoup travaillé sur le pré romantisme en abordant des œuvres comme «La Nonne sanglante» de Gounod, du Weber orchestré par Berlioz, l’ouverture d’Oberon ou encore la cantate «Bataille et Victoire». Il était donc intéressant, et logique de nous tourner vers la version intégrale du Freischütz. D’autant plus qu’en jouant, ces derniers mois, Beethoven ou Berlioz, nous avons beaucoup travaillé sur la couleur, notamment pour les vents, ce qui est indispensable pour donner Weber.
On vous sent particulièrement passionnée par cette œuvre. Y-a-t-il une raison particulière à cette passion ?
Toute mon enfance s’est déroulée en forêt noire et j’ai vécu cette ambiance que l’on retrouve dans l’opéra de Weber, cette atmosphère dense, dantesque, cette impatience dans l’énergie entrecoupée par des pauses liées aux humeurs et aux caractères ; tout ceci me correspond bien. J’ai dirigé le Freischütz à l’Opéra de Toulon en 2007 et j’avais vraiment envie de retrouver cette partition pour la donner avec des instruments d’époque qui lui confèrent cette ambiance si particulière.
Les cors, pour ne citer qu’eux, nous transportent par leur son unique au cœur de la forêt…
Après La fura dels Baus pour «La Création» de Haydn, pour mettre en scène «Der Freischütz», avez choisi la Cie 14:20 de Clément Debailleul et Raphaël Navarro ; une compagnie qui porte en France le mouvement artistique de la magie nouvelle. Pour quelle raison ?
En fait, je désirais un traitement scénique qui sorte de l’imagerie très allemande avec laquelle cette œuvre est souvent traitée ; je voulais une dramaturgie plus inventive. Der Freischütz est un singspiel avec beaucoup de dialogues. Nous avons travaillé sur le livret pour resserrer ces dialogues. Puis l’idée de la cyclicité de l’impact faustien qui est développée me plait beaucoup. De tous temps le mythe de Faust a fait se perdre des âmes. Ici, la forêt a totalement disparu, seule reste la Gorge-au-loup où l’on vient encore pactiser avec le diable. La scénographie est subtile, épurée, lumineuse avec lévitations, hologrammes, traces dans l’air. Le tout sans perturber la musique avec les effets magiques…
Fallait-il être germanophone pour intégrer la distribution ?
Ce n’était pas indispensable, mais ça comptait. En fait j’ai surtout choisi des solistes avec lesquels j’ai déjà travaillée et dont je savais qu’ils pouvaient totalement s’impliquer dans cette production. Pour ce qui est de la langue allemande, nous avons mis en place des cours de diction avec un professeur… Quant au chœur, il s’agit d’Accentus et je connais ses qualités ! (sourire)
C’est une production qui est appelée à voyager me semble-t-il…
Effectivement puisqu’au mois de mars, après l’Opéra de Caen nous sommes à Aix-en-Provence pour deux représentations puis à Bruxelles au Bozar et au Theater an der Wien pour des représentations en version concert et, en juillet, au Ludwigsburger Schlossfestspiele. Puis, la saison prochaine, avec Stanislas de Barbeyrac qui nous rejoindra, la production sera reprise au Théâtre des Champs Elysées, à l’Opéra de Rouen Normandie et au Barbican Center. Elle fera aussi l’objet d’un enregistrement.
Propos recueillis par Michel EGEA
Pratique. «Der Freischütz» de Carl Maria von Weber, les jeudi 7 mars et vendredi 8 mars à 20 heures au Grand Théâtre de Provence. Réservations et renseignements par téléphone au 08 2013 2013. www.lestheatres.net