Publié le 14 juin 2020 à 23h57 - Dernière mise à jour le 29 novembre 2022 à 12h29
«Nous allons retrouver pour partie notre art de vivre, notre goût de la liberté. En somme, nous allons retrouver pleinement la France», déclare le Président de la République, Emmanuel Macron, lors de sa quatrième intervention depuis le début de la crise sanitaire liée au coronavirus. Intervention qui annonce que la page du déconfinement s’achève avec une France qui passe au vert plus tôt que prévu, dès ce lundi 15 juin, sauf en Guyane et à Mayotte où le virus circule encore activement. Une décision qui implique la réouverture totale des restaurants, notamment en Ile-de-France et une reprise plus forte du travail. Il a également annoncé que les écoles, crèches et collèges accueilleront tous les élèves à partir du 22 juin. Emmanuel Macron a dessiné en quelques lignes «notre nouveau chemin» sur le plan économique, social et politique, tirant, pour l’occasion, les premières leçons de cette crise tant sur ce qui a été réussi que sur les échecs. Dès ce lundi il sera à nouveau possible de se déplacer entre les pays européens. Et à partir du 1er juillet «Nous pourrons nous rendre dans les États hors d’Europe où l’épidémie sera maîtrisée». Le second tour des élections municipales pourra se dérouler, dans les communes concernées, le 28 juin et les visites devront être autorisées dans les Ehpad. Une intervention lors de laquelle il dénoncera également le racisme et l’antisémitisme tout en refusant tout communautarisme et apportera son soutien aux forces de l’ordre.
«Nous n’avons pas à rougir de notre bilan»
Emmanuel Macron tient à rappeler: «Si nous pouvons rouvrir le pays, c’est parce qu’à chaque étape de l’épidémie chacun a pris sa part. Le Premier ministre et le Gouvernement ont travaillé d’arrache-pied, le Parlement s’est réuni, l’État a tenu, les élus de terrain se sont engagés». De fait, insiste-t-il: «Nous n’avons pas à rougir de notre bilan. Des dizaines de milliers de vies ont été sauvées par nos choix, par nos actions. Nous avons su doubler en quelques jours nos capacités de réanimation, organiser des transferts de centaines de patients entre régions et avec les pays voisins, approvisionner les commerces, réorienter notre production industrielle, inventer des solidarités nouvelles». Mais, admet-il : «Cette épreuve a aussi révélé des failles, des fragilités : notre dépendance à d’autres continents pour nous procurer certains produits, nos lourdeurs d’organisation, nos inégalités sociales et territoriales». Et d’annoncer vouloir que le pays tire toutes les leçons de cette période: «Nos forces, nous les conforterons, nos faiblesses, nous les corrigerons vite et fort». Pour le Président de la Pépublique: «Le moment que nous traversons et qui vient après de nombreuses crises depuis quinze ans, nous impose d’ouvrir une nouvelle étape afin de retrouver pleinement la maîtrise de nos vies, de notre destin, en France et en Europe». Il en fait même le cap de la décennie à venir. Invitant à «retrouver notre indépendance pour vivre heureux et vivre mieux».
Reconstruire une économie forte, écologique, souveraine et solidaire
Et de finir une première priorité: reconstruire une économie forte, écologique, souveraine et solidaire. Et de rappeler que, pendant la crise: «Nous avons mobilisé près de 500 milliards d’euros pour notre économie, pour les travailleurs, pour les entrepreneurs, mais aussi pour les plus précaires. C’est inédit. Et je veux ce soir que vous le mesuriez aussi pleinement. Dans combien de pays tout cela a-t-il était fait ? C’est une chance et cela montre la force de notre État et de notre modèle social». Un effort qui ne sera pas financé par une augmentation des impôts. La seule réponse est de bâtir un modèle économique durable, plus fort, de travailler et de produire davantage pour ne pas dépendre des autres. Et cela, nous devons le faire, alors même que notre pays va connaître des faillites et des plans sociaux multiples en raison de l’arrêt de l’économie mondiale. Raison pour laquelle, annonce-t-il: «Avec nos salariés comme nos indépendants, nos corps intermédiaires, je m’engagerai dans cette reconstruction économique». Il s’engage également à tout faire pour éviter au maximum les licenciements. «C’est pour cela qu’avec les syndicats et le patronat, nous avons lancé une négociation pour que, dans toutes les entreprises, nous arrivions à préserver le plus d’emplois possible malgré les baisses d’activité». Il importe à ses yeux de créer de nouveaux emplois «en investissant dans notre indépendance technologique, numérique, industrielle et agricole. Par la recherche, la consolidation des filières, l’attractivité et les relocalisations lorsque cela se justifie. Un vrai pacte productif». Il plaide en ce sens en faveur «d’une reconstruction écologique qui réconcilie production et climat», évoquant un plan de modernisation du pays autour de la rénovation thermique des bâtiments, des transports moins polluants, du soutien aux industries vertes. «Cela passera aussi par l’accélération de notre stratégie maritime, nous qui sommes la deuxième puissance océanique mondiale»,avance-t-il. Emmanuel Macron en vient au deuxième axe du nouveau chemin qu’il propose: une reconstruction sociale et solidaire. Une relance par la santé, une relance solidaire qui permettra «de mieux protéger nos aînés, mieux protéger aussi les plus pauvres d’entre nous». Une relance sociale et solidaire enfin, «par un investissement massif pour l’instruction, la formation, et les emplois de notre jeunesse».
«Nous proposons aux autres États européens de dire « nous » plutôt qu’une addition de « je »»
Ce plan de reconstruction se fera, prévient-il, avec l’Europe. «L’accord franco-allemand autour d’un endettement conjoint et d’un plan d’investissement pour redresser l’économie du continent est un tournant historique. En empruntant pour la première fois ensemble, avec la chancelière d’Allemagne, nous proposons aux autres États européens de dire « nous » plutôt qu’une addition de « je »». Cette Europe qu’il souhaite plus forte, plus solidaire, plus souveraine: «C’est le combat que je mènerai en votre nom dès le conseil européen de juillet et dans les deux années à venir». Puis Emmanuel Macron d’annoncer que cette reconstruction économique, écologique et solidaire sera préparée durant tout l’été «avec les forces vives de notre Nation pour être mise en œuvre au plus vite».
«Nous serons intraitables face au racisme, à l’antisémitisme et aux discriminations»
Il ne manque pas d’évoquer les mouvements qui touchent un grand nombre de pays dans le monde et notamment la France: «L’indépendance de la France pour vivre mieux exige aussi notre unité autour de la République. Nous unir autour du patriotisme républicain est une nécessité». «Nous sommes une Nation, poursuit-il, où chacun, quelles que soient ses origines, sa religion doit trouver sa place. Est-ce vrai partout et pour tout le monde ? Non.» Pour le Président de la République, le combat doit donc «se poursuivre, s’intensifier pour permettre d’obtenir les diplômes et les emplois qui correspondent aux mérites et talents de chacun et lutter contre le fait que le nom, l’adresse, la couleur de peau réduisent encore trop souvent encore l’égalité des chances que chacun doit avoir». Et de lancer: «Nous serons intraitables face au racisme, à l’antisémitisme et aux discriminations et de nouvelles décisions fortes seront prises». Mais point question pour Emmanuel Macron d’entrer dans une logique anglo-saxonne: «Mais ce combat noble est dévoyé lorsqu’il se transforme en communautarisme, en réécriture haineuse ou fausse du passé. Ce combat est inacceptable lorsqu’il est récupéré par les séparatistes». Et d’affirmer que la République n’effacera aucune trace ni aucun nom de son Histoire. «La République ne déboulonnera pas de statue. Nous devons plutôt lucidement regarder ensemble toute notre Histoire, toutes nos mémoires, notre rapport à l’Afrique en particulier, pour bâtir un présent et un avenir possible, d’une rive l’autre de la Méditerranée avec une volonté de vérité et en aucun cas de revisiter ou de nier ce que nous sommes». Il signale également: «Nous ne bâtirons pas davantage notre avenir dans le désordre» car, insiste-t-il: «Sans ordre républicain, il n’y a ni sécurité, ni liberté. Cet ordre, ce sont les policiers et les gendarmes sur notre sol qui l’assurent. Ils sont exposés à des risques quotidiens en notre nom, c’est pourquoi ils méritent le soutien de la puissance publique et la reconnaissance de la Nation».
«Tout ne peut pas être décidé si souvent à Paris»
Emmanuel Macron affiche enfin une volonté de sortir du Jacobinisme: «Tout ne peut pas être décidé si souvent à Paris». Et de constater: «Face à l’épidémie, les citoyens, les entreprises, les syndicats, les associations, les collectivités locales, les agents de l’État dans les territoires ont su faire preuve d’ingéniosité, d’efficacité, de solidarité. Faisons-leur davantage confiance. Libérons la créativité et l’énergie du terrain». Et de formuler l’ambition de donner des libertés et des responsabilités inédites «à ceux qui agissent au plus près de nos vies, libertés et responsabilités pour nos hôpitaux, nos universités, nos entrepreneurs, nos maires et beaucoup d’autres acteurs essentiels». Dans un esprit de concorde: «J’ai demandé aux Présidents des deux chambres parlementaires et du Conseil économique, social et environnemental de proposer quelques priorités susceptibles de rassembler le plus grand nombre. C’est aussi dans cet esprit que j’ai engagé des consultations larges que je poursuivrai durant les prochains jours». Emmanuel Macron s’adressera aux Français de nouveau en juillet «pour préciser ce nouveau chemin, lancer les premières actions. Et cela ne s’arrêtera pas».
Michel CAIRE