Publié le 18 avril 2023 à 10h08 - Dernière mise à jour le 6 juin 2023 à 17h40
Emmanuel Macron a tenté de renouer un dialogue avec les Français après trois mois de tension. Il a tenu à justifier la réforme des retraites tout en reconnaissant qu’il n’est pas parvenu à la faire comprendre. Pour sortir de cette séquence il a replacé cette réforme dans le contexte de son action et propose d’ouvrir trois chantiers celui du travail, de la justice et du progrès partagé.
Emmanuel Macron, lors d’une intervention d’un peu moins de 15 minutes, a dans un premier temps, utilisé les arguments, qui sont les siens depuis des mois, pour expliquer le recul de l’âge de la retraite. Puis le chef de l’État propose d’ouvrir des chantiers sur le travail, la réindustrialisation et le progrès «pour mieux vivre». Il affirme vouloir mieux associer les forces politiques, les syndicats pour parvenir, dès le mois de mai, à «des coalitions et alliances nouvelles sur les bases solides du Conseil national de la refondation, au plus près du terrain». Le Président annonce qu’il reviendra à la Première ministre de présenter une feuille de route et ajoute qu’un premier bilan sera fait à l’occasion du 14 Juillet, soit «100 jours d’apaisement, d’unité, d’ambition et d’action au service de la France».
Un message auquel l’intersyndicale répondra par un communiqué commun, publié juste après l’allocution, qui dénonce l’intervention d’Emmanuel Macron. Les syndicats considérent que le chef de l’État «n’a toujours pas compris la colère qui s’exprime dans le pays », et appellent à faire du 1er Mai «une journée de mobilisation massive, unitaire et populaire contre la réforme des retraites».
Pour Emmanuel Macron cette réforme était nécessaire «pour garantir la retraite et pour produire plus de richesses pour notre nation». Il évoque le nombre de retraités de plus en plus grand, l’espérance de vie qui s’allonge. Face à cela, insiste-t-il: «La réponse ne pouvait pas être de baisser les pensions, elle ne pouvait pas être non plus d’augmenter les cotisations de ceux qui travaillent». Il admet cependant qu’«un consensus n’a pu être trouvé et je le regrette. Nous devons en tirer les enseignements».
«C’est une colère qui s’est exprimée»
Le chef de l’État met en exergue les enseignements qu’il en tire. Il y a, certes, l’âge de la retraite «mais aussi une volonté de retrouver un sens dans son travail, d’en améliorer les conditions, d’avoir des carrières qui permettent de progresser». Et d’ajouter que plus généralement «c’est une colère qui s’est exprimée face à un travail qui, pour trop de Français, ne permet plus de bien vivre, face à des prix qui montent». Emmanuel Macron parle encore de colère de certains «qui ont le sentiment de faire leur part mais sans être récompensés de leurs efforts ni en aide ni en service public». Il signale alors: «Personne, et surtout pas moi, ne peut rester sourd à cette revendication de justice sociale et de rénovation de notre vie démocratique». Pour le Président : «La réponse ne peut être ni dans l’immobilisme ni dans l’extrémisme».
«Nous sommes un peuple qui entend maîtriser et choisir son destin»
Pour le président de la République: «Nous sommes un peuple qui entend maîtriser et choisir son destin et nous avons raison. Mais l’indépendance ne se décrète pas. Elle se bâtit par des ambitions, des efforts au niveau national et européen sur le plan du savoir, de la recherche, de l’attractivité, de la technologie, de l’industrie, de la défense. Et elle se finance collectivement par le travail». Le chef de l’État avance encore : «Cette indépendance française et européenne nous permettra d’obtenir plus de justice, que chacun récolte d’avantage de tous ses efforts; que les inégalités de départ soient mieux corrigées, que les vies soient moins empêchées, que les plus démunis soient d’avantage aidés».
«Le travail doit être mieux payé»
Et d’en venir à ses trois grands chantiers. Emmanuel Macron cite en premier lieu, celui du travail. «Face au chômage nous avons des résultats inédits et indiscutables», signale-t-il avant d’annoncer qu’ «après le succès de l’apprentissage», il veut engager la réforme du lycée professionnel «pour que le plus grand nombre de nos jeunes accède soit à des formations qualifiantes, soit à l’emploi». Le chef de l’État annonce également: «Nous allons redoubler d’efforts pour ramener vers le travail le plus de bénéficiaires du revenu de solidarité active en les accompagnant mieux». Considère que «le travail doit être mieux payé», raison pour laquelle il a proposé «de recevoir les organisations patronales et syndicales dès ce 18 avril «pour celles qui y sont prêtes, la porte restera toujours ouverte». Il propose de négocier «sans tabou» notamment, énumère-t-il: l’amélioration du revenu des salariés, la progression des carrières, un meilleur partage des richesses, une amélioration des conditions de travail, trouver des solutions à l’usure professionnelle, accroître l’emploi des séniors… «Ce nouveau pacte de la vie au travail sera construit dans les semaines et les mois qui viennent par le dialogue social et les accords très concrets que les organisations syndicales et patronales sauront trouver», explique-t-il. Est également évoqué la réindustrialisation qui doit se poursuivre dans le cadre de la construction «d’un nouveau modèle productif et écologique».
La justice et l’ordre républicain
Le deuxième chantier concerne la justice et l’ordre républicain: «L’État de droit est notre socle et il n’y a pas de liberté sans loi ni sans sanction envers ceux qui transgressent le droit des autres», avance le président qui annonce le recrutement de plus de 10 000 magistrats et agents afin de poursuivre l’amélioration «du fonctionnement de notre justice». Également annoncé, la création de 200 brigades de gendarmerie «dans nos campagnes». «Nous renforcerons aussi le contrôle de l’immigration illégale tout en intégrant mieux ceux qui rejoignent notre pays», assure-t-il.
Le progrès pour mieux vivre
Le troisième chantier a pour objet «le progrès pour mieux vivre». Pour Emmanuel Macron: ce sont nos services publics qui devront porter cette espérance». Dans ce cadre, souligne-t-il: «L’éducation nationale doit renouer avec l’ambition d’être l’une des meilleures d’Europe». Ainsi les enseignants devraient être mieux rémunérés; les élèves davantage accompagnés en français et en mathématiques, pratiqueront plus de sport à l’école. Le président de la République annonce aussi le remplacement systématique des enseignants absents.
Autre dossier mis en avant, la santé: «D’ici à la fin de cette année, 600 000 patients atteints de maladies chroniques qui n’ont pas de médecin traitant en disposeront ». Et, d’ici la fin 2024, poursuit-il: «Nous devrons avoir désengorgé tous nos services d’urgence». Emmanuel Macron promet aussi de trouver des solutions pour les déserts médicaux, dans les quartiers, les zones rurales et les territoires d’Outre-Mer.
Il enchaîne en considérant: «Il nous faut moins de lois, moins de bureaucratie, plus de liberté d’action, d’expérimentation, de pouvoir, d’initiative à l’échelle de nos vies».
Le Président a-t-il convaincu? L’avenir le dira mais ce qui est sûr c’est qu’il se serait facilité la vie en proposant l’ensemble de ces éléments au débat plutôt que d’imposer le seul recul de l’âge de la retraite contre l’avis d’une très large majorité de Français.
Michel CAIRE