Emploi : CV Street, ça continue

Publié le 22 octobre 2014 à  13h27 - DerniÚre mise à  jour le 27 octobre 2022 à  18h23

Du chemin a Ă©tĂ© parcouru depuis la premiĂšre campagne d’affichage, rĂ©alisĂ©e en 2012. Le collectif CV Street, c’est, sur la pĂ©riode 2014-2015, un objectif de 300 accueillis et de 120 accompagnĂ©s, un club d’entrepreneurs mentors, des partenaires institutionnels
 et des projets plein la tĂȘte.

(Photo Jean Paul Pelissier)
(Photo Jean Paul Pelissier)

2009. Les gros titres des journaux, en ce dĂ©but de mois de novembre, convergent tous vers un homme, un senior. Il s’appelle Bernard Mauriange. Signe particulier, devrait-on dire signe des temps : il recherche un emploi. Un chĂŽmeur comme tant d’autres, sauf que ce dernier va avoir recours Ă  un moyen pour le moins original afin d’attirer l’attention des recruteurs : il va s’afficher en 4X3. Deux autres seniors, quelques temps plus tard, lui emboĂźteront le pas. Avec succĂšs. A l’époque, la France suit ces initiatives avec beaucoup de fascination. En tire parfois mĂȘme un constat : en ces temps oĂč l’emploi se rarĂ©fie, l’audace risque de se rĂ©vĂ©ler de plus en plus payante
 Et c’est peut-ĂȘtre lĂ  qu’il faut creuser, chercher des solutions.

2012. On dĂ©couvre par le biais des rĂ©seaux sociaux une jeune initiative marseillaise. Son nom : CV Street. InspirĂ©e du Do it yourself, elle s’est donnĂ© pour mission de lutter Ă  sa façon contre le chĂŽmage, de mettre en lumiĂšre les privĂ©s d’emploi par le Street art, et l’affichage du portrait de ces derniers. Et lĂ , on se dit bingo. En voilĂ  qui ont tout compris
 Parce que, outre l’audace, CV Street mise aussi sur un autre Ă©lĂ©ment, primordial : la solidaritĂ©. On passe de l’initiative individuelle au projet collectif. Une force essentielle pour dĂ©cliner cette action Ă  plus grande Ă©chelle.

Et il faut dire qu’elle en a fait du chemin, l’association. Cela se concrĂ©tise avec cette « saison 2 », lancĂ©e dĂ©but septembre, des projets plein la tĂȘte, et l’objectif d’accueillir 300 personnes sur la pĂ©riode 2014-2015. Dont 120 seront accompagnĂ©s plus Ă©troitement, soit 10 par mois en moyenne. L’idĂ©e ? « Redonner goĂ»t au travail et impulser une Ă©nergie positive. Nous proposons un dispositif circulaire et engageant », explique Cyril Slucki, prĂ©sident de la structure. En un mot : humain. « Tout d’abord nous remercions la personne de venir vers nous, nous l’aidons Ă  comprendre sa valeur ajoutĂ©e. Notre prioritĂ© est de dĂ©velopper notre capacitĂ© d’écoute, un rĂ©seau social et terrain, oĂč chacun peut avoir un rĂŽle. Dans notre dĂ©marche, la personne peut aider Ă  son tour ses pairs. Elle a un rĂŽle, une importance, c’est notre capital. Le fait de prĂ©senter cette chaine d’entraide, amĂ©liore notre pratique d’accueil et ceci va crescendo ». En finalitĂ©, sur cet effectif de personnes accompagnĂ©es, les membres de CV Street tablent sur « 50% de crĂ©ation d’entreprise, 30 % de salariat et 20 % de formation professionnelle ».

Des partenaires publics et privés

Pour y parvenir, ils s’appuient sur un fort rĂ©seau de partenaires[[Les partenaires principaux : PrĂ©fecture 13, Dirrecte 13, Pole Emploi, Conseil GĂ©nĂ©ral, Ville de Marseille, Habitat 13, La CitĂ© des MĂ©tiers, Marseille Innovation, Fondation AbbĂ© Pierre, La Croix-Rouge Française, CrĂ©a-Sol, Mutuelles de France Plus, RĂ©gions Job, Manpower, Oxygn.]]. Ils sont institutionnels, notamment. PĂŽle Emploi en fait partie
 Avec ce dernier, la complĂ©mentaritĂ© est bien sĂ»r de mise. « Notre positionnement vis-Ă -vis du service public est clair : nous souhaitons coproduire des actions afin de les partager. Puisque notre projet est en partie financĂ© par le contribuable, nous devons faire preuve de bons rĂ©sultats en adoptant une approche nouvelle, puis mettre Ă  disposition notre mĂ©thodologie et nos outils Ă  l’attention des acteurs et partenaires du Service Public de l’Emploi. Si Ă  terme nous pourrions nous positionner sur la commande publique, nous souhaitons garder notre indĂ©pendance et notre esprit d’entreprise », poursuit le prĂ©sident.
Outre les institutionnels, on compte Ă©galement de nombreux partenaires parmi les dĂ©cideurs Ă©conomiques. C’est dans cette dynamique que s’est mis en place le club « des entrepreneurs marseillais contre le chĂŽmage », propre Ă  Ă©pauler les CV Streeters. Notamment ceux qui envisagent de crĂ©er leur activitĂ©. Pour ces derniers, ils jouent donc un vĂ©ritable rĂŽle de mentor
 Mais le club peut aussi impulser des initiatives ponctuelles, comme, « dĂšs le 1er trimestre 2015, des rencontres thĂ©matiques autour des offres non pourvues, la volontĂ© d’entraide et le devenir de notre ville. On pourra y discuter des problĂ©matiques de recrutement que rencontrent les TPE », dĂ©veloppe encore Cyril Slucki.
Mais concrĂštement, comment cela se passe-t-il au quotidien ? « Via notre page Facebook et notre action conjuguĂ©e avec RĂ©seau Marseillais (soit plus de 30 000 contacts sur les rĂ©seaux sociaux), les Marseillais nous font passer des offres, certaines exclusives. De quoi gĂ©nĂ©rer un flux et faire de la mise en relation gratuite. N’ayant pas encore de locaux nous avons pris cette option de tĂ©lĂ©travail et avons permis 7 placements en 1 mois. Beaucoup de personnes nous contactent pour nous aider, ce qui est remarquable, mais nous contraint au lancement imminent d’un site web dĂ©diĂ© pour gĂ©rer les contacts et les mises en relation ».
Avec la nouvelle campagne d’affichage, dĂ©marrĂ©e dĂ©but octobre, le collectif a aussi entrepris de prospecter en fonction des besoins des CVStreeters et de leurs connaissances. Car derriĂšre l’affichage, il y a une rĂ©elle action d’accompagnement. Elle est assurĂ©e par des coachs volontaires, ce qui permet « d’individualiser le suivi et de dĂ©multiplier nos carnets d’adresses ».

Un centre d’appel solidaire

Pour autant, le systĂšme devrait Ă©voluer vers un mode de fonctionnement tournĂ© plus encore vers le partage et l’entraide. Il s’agirait, pour les demandeurs d’emploi, de prospecter pour leurs pairs, comme l’explique Cyril Slucki : « une sorte de centre d’appels solidaire qui permettrait de contacter les entreprises marseillaises afin de les aider Ă  trouver des compĂ©tences dont elles ont besoin ». Bref, « un outil propice Ă  transmettre l’importance du contact et de la relation humaine. Trop souvent les personnes nous disent « je ne sais pas me vendre » ! Ici on permettrait une distanciation par rapport Ă  sa propre recherche, une dynamique de travail et une action collective. Et en aidant l’autre, on retrouve l’estime de soi ! ».

Par ailleurs, le collectif compte Ă©galement s’appuyer sur d’autres supports pour accompagner les CV Streeters. DĂ©but 2015 par exemple, doit dĂ©marrer sur Radio Dialogue une Ă©mission social mĂ©dia nommĂ©e « 10 pour 1 », et mettant chaque semaine l’un d’eux sur le devant de la scĂšne. L’idĂ©e : si 10 personnes en aident une, on peut trouver une solution
 Dans la mĂȘme veine, une Ă©mission de tĂ©lĂ© sera lancĂ©e en 2016.
Tout ceci dĂ©veloppĂ© selon un Ă©tat d’esprit qui fait mouche. Car CV Street draine un trĂšs fort capital sympathie : les bĂ©nĂ©voles sont nombreux Ă  vouloir apporter leur pierre Ă  l’édifice, qu’il s’agisse de coaching ou plus simplement de remontĂ©e d’information sur une offre d’emploi. De mĂȘme, la couverture mĂ©diatique a toujours Ă©tĂ© trĂšs consĂ©quente, alors mĂȘme qu’aucune campagne de presse n’a jamais Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e
 « CV Street a Ă©tĂ© d’abord artistique et militant. Cette approche est devenue opĂ©rationnelle et crĂ©dible quand nous avons ajoutĂ© une dĂ©marche d’accompagnement, de mise en rĂ©seau, de prospection et d’entraide. C’est grĂące Ă  tous ceux qui ont participĂ© Ă  la naissance de CV Street, aux personnes qui ont collĂ© les affiches de leurs pairs dans les rues de Marseille, que nous avons eu un rĂ©el engouement au niveau national et un fort retour mĂ©diatique. C’est aussi comme cela que nous avons pu mener Ă  bien une maquette opĂ©rationnelle en obtenant un financement participatif via Internet. Maintenant l’association doit atteindre ses objectifs 2014-2015, ceci en restant dans l’humilitĂ© et en redoublant d’efforts », conclut Cyril Slucki.

Carole Payrau


Une stratégie sur 3 ans

CV Street, c’est aussi un projet qui voit loin. En effet, pour ce qui est du modĂšle Ă©conomique, le collectif a Ă©tabli une stratĂ©gie sur 3 ans, allant de 2015 Ă  2018. Un comitĂ© de pilotage rassemblant les principaux financeurs et partenaires a Ă©tĂ© rĂ©uni, sur l’idĂ©e d’un financement 50% public/privĂ©. « MĂȘme si Ă  ce jour le tour de table n’est pas bouclĂ©, nous avons dĂ©cidĂ© de dĂ©buter notre action 2014-2015 avec nos moyens actuels, Ă  savoir 30% de notre budget prĂ©visionnel. Nous restons trĂšs confiants, notamment sur les financements institutionnels qui sont un effet de levier », prĂ©cise Cyril Slucki. Le collectif prĂ©voit, ultĂ©rieurement, le recrutement de 2 salariĂ©s pour 2015-2016, puis de 5 pour 2016-2017. «En 2018, le siĂšge Marseillais aura dĂ©fini sa capacitĂ© maximale d’intervention et nous envisagerons la possibilitĂ© de crĂ©er une SCOP». Celle-ci mĂšre d’un rĂ©seau de micro-franchises solidaires. «En parallĂšle nous souhaitons crĂ©er un GIE (Groupement d’intĂ©rĂȘt Ă©conomique) et regrouper d’autres structures afin de mutualiser nos moyens et incuber des projets d’innovation sociale». Ainsi, Ă  terme, le projet devrait, on l’a compris, essaimer hors de la citĂ© phocĂ©enne. «Les Marseillais sont le noyau dur d’un projet que nous allons progressivement dĂ©cliner, en 2014-2015, vers les publics prioritaires. Il faudra ensuite l’adapter sur des territoires tout en ayant acquis une expĂ©rience significative dans la 2e ville de France».

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