Entretien avec Arnaud Bastide, président de la FPI de Provence : « Toute la chaîne du logement est bloquée »

« Chaque année on pense toucher le fond et chaque année on fait moins », explique Arnaud Bastide, le président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) de Provence. Il invite à une prise de conscience des citoyens sur les enjeux sociétaux du logement et avance les propositions de la profession.

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Arnaud Bastide, le président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) de Provence © Joël Barcy

Lors de ses vœux Arnaud Bastide devait montrer qu’en matière de construction intellectuelle la langue de bois n’entrait pas dans ses matériaux : « Ma mission est de faire œuvre de lucidité. Cela m’impose de dire que les promoteurs sont dans un brouillard épais. Alors quel message envoyer ?»  Il s’adresse en premier lieu au gouvernement et à l’Assemblée et c’est un message de responsabilité qui est envoyé : «Sacrifiez vos ambitions sur l’autel de l’urgence économique et sociale. Reprenez, comme les membres de l’Alliance pour le logement vous le demandent, les mesures de consensus transpartisan qui étaient prévues avant la censure du gouvernement Barnier ».

Puis, Arnaud Bastide considère : « Le logement doit figurer au premier rang des priorités nationales parce qu’un logement ce n’est pas qu’un toit, un abri, une construction physique ; un logement, c’est un miroir de la société et ce que nous sommes, le lieu où s’expriment et s’épanouissent les valeurs qui nous portent, à commencer par la vie de famille, l’éducation des enfants et donc l’un des facteurs d’une vie équilibrée. »

Entretien avec Arnaud Bastide, président de la FPI de Provence 

 Qu’elle est la situation du bâtiment sur le territoire  métropolitain ?

La lente agonie continue. Les populations n’ont pas suffisamment intégré les conséquences de la baisse dramatiques de production de logements neufs. Elles ont compris qu’il y a un manque mais de là à ce qu’elles disent à leurs élus qu’il faut construire, il y a un fossé énorme à combler. Et on est loin de mesurer les enjeux. On parle, par exemple, d’un problème de natalité en Europe, une question qui touche aussi la France, mais un frein réside dans le manque de logement dans lequel un jeune couple pourrait se projeter. Or un pays qui connaît une faible natalité est voué à des difficultés économiques, de paiement des retraites, de dynamique globale. Malgré toutes ces difficultés nos concitoyens sont réfractaires à la construction de logement neuf, ou en tout cas quand c’est près de chez eux. Selon le vieil adage « not in my garden ». Force est de constater que nous sommes dans une société où l’égoïsme est devenu une valeur cardinale. Au niveau national cela ne marche pas car les enjeux ne sont pas pris en compte, car la fiscalité est confiscatoire, cela ne marche pas non plus au niveau local où il n’y a ni réserve foncière ni assez de permis de construire délivrés. A cela s’ajoute une baisse de la solvabilité des ménages du fait de l’explosion des taux bancaires… Toute la chaîne du logement est bloquée et la production de logements sociaux par les promoteurs est au ralenti alors que le nombre de demandeurs explose. Regardez le débat sur les écoles, tout le monde est d’accord, pour dire que les enfants doivent être dans des lieux de savoir de très bonne qualité. C’est un principe, un socle de notre pacte républicain : on doit éduquer dans de bonnes conditions. Mais pourquoi ce qui est un enjeu de société pendant les heures de classe ne l’est plus après l’école.

Comment modifier les mentalités ? 

Il faut faire prendre conscience au plus grand nombre que le logement c’est du vivre ensemble, de l’éducation, de la santé, de la sécurité physique et psychologique. C’est la vie, de l’emploi, de l’humain. Il faut se demander si on est heureux d’habiter de plus en plus loin de son travail, de passer des heures dans les embouteillages et la pollution. Et je sais les freins qui existent sur le logement social de la part de la population qui fait pression sur les élus. Mais elle oublie que 75% des Français sont éligibles au logement social et qu’il existe plusieurs types de logements sociaux.

Quels sont-ils ?

Les logements sociaux financés par les Prêts Locatifs Aidés d’Intégration (PLAI) sont attribués aux locataires en situation de grande précarité. Ceux financés par les Prêts locatifs à usage social (PLUS), sont tournés vers personnes et familles modestes. Les logements issus des Prêts Locatif Social (PLS) concernent plus les personnes aux revenus moyens.

Une fois ceci posé, je pense qu’il faudrait remettre des gardiens car ils apaisent les tensions quand cela est nécessaire. J’ajoute qu’un bâtiment social est exactement le même qu’un autre. Après si on concentre les populations en difficulté sur un même lieu c’est vrai qu’il peut y avoir des problèmes. Il faut donc éviter cela et avoir de l’accompagnement social.

Mais il y a quelque chose que je n’entends pas et qui est pourtant un vrai sujet : le lien entre logement et attractivité économique. C’est pourtant une question qui est devant nous avec la requalification des bassins Ouest où on parle de plus de 10 000 emplois générés par des grands projets industriels, sans compter les emplois induits. Mais quand on crée des emplois il y a un apport de population pour des projets qui représentent une chance de requalifier l’Etang de Berre, d’en faire un pôle d’excellence décarboné. Et pour que cela fonctionne il faut de la mobilité, des établissements scolaires, des équipements culturels, sportifs…et des logements. Et il faudra bien loger tous ces nouveaux collaborateurs qui devraient venir et qui refuseront de venir si se loger est trop cher, trop loin. Alors, sans logement, on risque de voir les entreprises partir ailleurs. Soyons à la hauteur des enjeux ! Nous sommes dans une région qui bénéficie d’atouts incroyables, où les potentialités sont nombreuses, permettons qu’elles deviennent réalité en offrant à tous la possibilité de se loger.

Alors quelles solutions ?

Les solutions existent. Le secteur de la promotion et du bâtiment a besoin d’une politique nationale et locale de relance mais à nous de dessiner des solutions collectivement. Je pense à ce propos à la requalification de site industriels ou commerciaux et par exemple à celui que Plan-de-Campagne qui peut offrir un vrai potentiel en termes de logements. Il vit la fin de l’hyper consumérisme, va bénéficier d’une gare multimodale. Et puis il faut construire en hauteur et que les autorités nous permettent de répondre aux attentes. Il faut savoir que, faute de logement adapté, 27% des salariés ont dû quitter leur entreprise et que 20% des Français ont repoussé leur installation en couple. Alors, pour relancer la production de logements neufs, la FPI Provence propose : une aide à destination des maires bâtisseurs. Il s’agit de flécher les aides de l’État, des métropoles et des départements vers les maires qui respectent les engagements du programme local de l’habitat (PLH). Ces aides d’investissement seraient bonifiées lorsque les communes dépassent les objectifs qu’elles se sont fixées. Envisager une augmentation du nombre de zones d’aménagements concertés pour maîtriser les coûts du foncier qui ont explosé ces dernières années ; créer un outil dédié ; inciter les communes à faire davantage de réserves foncières. Il faut également garantir une meilleure constructibilité des terrains : les plans locaux d’urbanisme fixent un plafond de constructibilité. L’idée est d’instaurer un plancher pour qu’il ne soit plus possible de sous densifier les terrains. Le foncier constructible est rare, évitons de le gaspiller ! L’instauration d’une aide financière, sous forme d’un prêt à taux zéro « renforcé » aux primo-accédants sous conditions de ressources. Ce coup de pouce mis en place par d’autres métropoles pourrait être modulé en fonction des communes et de la tension du marché de l’immobilier : 10 000 euros dans les zones tendues et 5 000 euros pour les autres.

Reportage vidéo Joël BARCY.  Entretien réalisé par Michel CAIRE

 

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