Publié le 24 août 2020 à 11h44 - Dernière mise à jour le 31 octobre 2022 à 11h54
Présent mardi 18 août à l’occasion de la présentation du programme « Les Virus et Nous » dans les locaux de l’association «L’Air et Moi» à Marseille, Dominique Robin, le directeur d’AtmoSud (ancien Air Paca), l’observatoire de la qualité de l’air dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, a répondu à nos questions sur les dernières avancées concernant la transmission du Covid-19.
Destimed : Pouvez-vous nous donner votre ressenti sur les conclusions à tirer des dernières avancées au sujet de la connaissance de la transmission du Covid-19 ?
Dominique Robin: Plusieurs médecins, spécialistes, considèrent de plus en plus que la majorité des transmissions passerait par les aérosols. Et plus précisément sous forme de gouttelettes, mais encore plus fines, inférieures à 5 micromètres, qui vont aller encore plus profondément dans les poumons et peuvent être transportées beaucoup plus loin que le fameux mètre évoqué au départ. C’est un facteur très important pour la suite. Cela devrait aussi nous amener à changer nos pratiques, habitudes. C’est ce qui va sans doute aussi nous conduire au port du masque généralisé. Dès que l’on considère que le virus peut se transmettre à l’intérieur d’une pièce, au-delà d’un mètre ou deux, la situation change, les risques changent, ainsi que les recommandations. Il va falloir prendre toujours plus en considération, en premier lieu, le port du masque, qui limite la transmission du virus et aussi la puissance du souffle. Dans le même temps, il va falloir aérer beaucoup plus l’air intérieur. A ce titre, j’aime bien la formule de l’ARS, qui dit : « on confine les personnes, mais on ne confine pas les logements ». Il va falloir aussi limiter la population dans les salles. Il faut se préparer à tout cela, comme penser à développer le télétravail, réfléchir à une organisation du travail différente.
Faut-il comprendre que la transmission du virus, via les aérosols que vous évoquez, pourrait se faire à plusieurs mètres de distance ?
Dans la dernière publication sur le sujet, on commence à parler d’aérosols fabriqués par l’éclatement des mucus quand on respire. C’est-à-dire que les micro-gouttelettes que l’on émet en permanence en parlant, éclatent en intérieur, un peu comme des bulles de savon, pour fabriquer des aérosols beaucoup plus fins. Et ce sont eux qui peuvent se transporter plus loin en termes de distance. A cela se conjugue un phénomène de déshydratation qui fait qu’ils vont sécher et que le virus va pouvoir être transporté beaucoup plus loin. Après, il y a la question de la charge virale : pour être contaminé, on pense qu’il faut une charge virale importante, cela reste une question à toujours plus creuser. Et l’on entend dire de plus en plus que la charge virale pourrait être importante y compris à plus de deux mètres.
Quel est votre avis sur le niveau de respect de la population quant au port du masque dans les lieux fermés depuis les dernières semaines ?
Depuis le début de cette crise sanitaire, on a bien vu que toutes les consignes ont évolué, au regard de la science, des nouvelles connaissances. Il est aussi intelligent et prioritaire, selon loi, de donner à la population les clés pour comprendre. On agit intelligemment quand on comprend ! On a pu le constater pour le masque, sans avoir les clés de la compréhension, on ne peut pas s’obliger à le porter, cela passe par les bons messages à passer d’abord aux enfants, notamment. Le port du masque, c’est l’inconfort, au même titre que l’aération des pièces en hiver, car il fait froid et que c’est un geste également pénible à réaliser au quotidien. Mais il faut expliquer que cela est nécessaire ! Il y a selon moi une autre voie à prendre que celle de la mesure-sanction qu’on ne comprend pas, qu’on a du mal à suivre.
Au regard des dernières études sur le sujet, qu’en est-il de la relation entre la mauvaise qualité de l’air et la transmission du Covid-19 ?
On sait aujourd’hui que la pollution de l’air est un facteur aggravant du déclenchement de la Covid-19. Une importante étude italienne, une autre plus grosse américaine, récentes, montrent qu’avec la pollution, nos défenses immunitaires et systèmes respiratoires sont affaiblis. Dans les zones les plus polluées, nous avons ainsi plus de chances d’attraper la Covid-19. Cela est aujourd’hui prouvé, que ce soit dehors, à l’air libre, mais aussi à l’intérieur, dans les pièces. Et on sait encore que lorsqu’on promeut l’aération, on limite les polluants et les acteurs qui vont favoriser la maladie du Coronavirus. On voit bien que les questions de la qualité de l’air et du virus sont liées.
Est-ce que le port du masque pourrait aussi contribuer à protéger les personnes contre les différentes formes de pollution de l’air ?
Les filtres FFP2 pourraient être les plus efficaces à ce titre, mais ils ne peuvent pas être généralisés. Et sur un plan général, de toute manière, les gaz, par exemple, passent toujours à travers les masques. Le port du masque peut marcher pour les particules les plus grossières, mais il n’est pas une solution pour lutter contre les formes de pollution. En revanche, le masque peut fonctionner sur tout ce qui est viral et bactérien, là, cela marche. A l’avenir, il va falloir mieux aérer nos lieux fermés, afin de mieux maîtriser nos activités en intérieur. Cela va être l’occasion de mieux vivre notre air intérieur. Nous passons le plus de temps dans notre chambre au cours de notre vie. C’est donc la pièce qu’il faut penser le plus à aérer. Après, sur les lieux du travail, dans les écoles, il va falloir travailler toujours plus sur ces sujets.
Propos recueillis par Bruno ANGELICA