Le Consul général de France à Barcelone, Olivier Ramadour met en exergue le projet d’intérêt européen H2MED avec notamment la création d’un hydrogénoduc reliant Barcelone à Marseille. Considère que l’économie bleue «est un secteur qui bouge énormément et dans lequel il est possible de créer des coopérations riches de sens entre nos territoires». Rappelle l’importance du projet de macrorégion méditerranéenne… Entretien.
Monsieur le Consul général, vous avez pris vos fonctions à Barcelone en 2020. Comment avez-vous vu évoluer les relations de la France avec la Catalogne mais aussi avec les régions des Baléares et de l’Aragon, au cours de ces dernières années, et quelles en sont aujourd’hui les perspectives d’avenir ?
Nous avons la chance, avec ces trois communautés autonomes, d’être dans le voisinage direct de la France, ce qui fait que les relations sont denses, les échanges quotidiens, les cultures mêlées. La coopération transfrontalière est dynamique, que ce soit à travers l’euro-région Pyrénées-méditerranée, qui mène de nombreux projets, la commission de travail des Pyrénées, ou des réseaux thématiques, comme le réseau éducation Pyrénées vivantes (REPV). Au cours des 3 dernières années, nous avons essayé de soutenir la dynamique de cette coopération régionale de qualité, dans les secteurs de la formation professionnelle, de la transition énergétique, de l’enseignement supérieur et de la recherche, par exemple.
Au Sommet franco-espagnol de Barcelone en janvier 2023, le président de la République et le président du Gouvernement espagnol ont, ensemble et officiellement, acté la réalisation de l’ambitieux projet H2MED entre Barcelone et Marseille, premier grand corridor européen d’hydrogène. Que pouvez vous nous dire de l’état d’avancement de ce projet emblématique ?
Le projet H2MED est un projet d’intérêt européen qui concerne l’ensemble de la péninsule ibérique, qui prévoit de devenir un territoire de production excédentaire d’hydrogène décarboné, afin de l’acheminer vers les territoires qui cherchent des alternatives au gaz naturel, carboné, dans le cadre des objectifs de transition énergétique européens. C’est un projet ambitieux et innovant, dont l’une des composantes est, en effet, la création d’un hydrogénoduc reliant Barcelone à Marseille. La commission européenne a reconnu l’intérêt de ce projet, et les experts vont désormais s’atteler aux études de faisabilité, qui supposent de trouver des solutions à certains défis posés par la nature géologique des fonds marins, côtiers ou hauturiers.
Comme vous le savez, l’économie bleue est un élément central de la stratégie de développement durable de la Région Sud. Où en sont aujourd’hui les réalisations et les projets de la Catalogne dans ce domaine ? Quelles sont selon vous les perspectives de coopération qui pourraient s’ouvrir autour de l’économie bleue entre la Région Sud et la Catalogne ?
L’économie bleue me semble un élément fondamental de structuration de notre relation autour de la Méditerranée, que nous avons en partage. La Catalogne et la ville de Barcelone en particulier ont bien compris que ce secteur revêtait un caractère prioritaire et multiplient les initiatives : mise en place d’une stratégie « économie bleue » de la Generalitat de Catalogne, avec des outils spécifiques en données ouvertes qui permettent, par exemple, de suivre l’évolution des courants marins ou les stocks de poisson (qui gagneraient à être couplés aux observations réalisées de l’autre côté de la frontière), constitution d’une fondation « Barcelone capitale nautique » qui permet de faire travailler ensemble toutes les parties prenantes du secteur, création d’un hub d’économie bleue sur le port olympique de la capitale catalane, accueil de l’America’s Cup-Louis Vuitton, 3e événement sportif mondial (août-octobre 2024), réception de la conférence de l’Unesco dans le cadre de la décennie des océans sur les relations entre sciences et préservation des océans (avril 2024). C’est un secteur qui bouge énormément et dans lequel il est possible de créer des coopérations riches de sens entre nos territoires. Il en va de même dans les Baléares, qui sont très demandeurs de coopérations dans les secteurs économiques, culturels et scientifiques. Dans ce sens, nous accompagnons le développement d’échanges portés par le programme européen Erasmus entre centres de formation nautiques des métiers de la mer (nautisme, chantiers navals), ou dans le secteur de la logistique portuaire.
L’édition 2023 de Méditerranée du Futur , qui s’est tenue à Marseille en septembre dernier, à consacré une partie essentielle de ses travaux au projet de macrorégion méditerranéenne. Vu de Barcelone, quelles sont la vision et les initiatives des autorités et des acteurs de Catalogne et des Baléares autour de ce grand projet en faveur d’une gouvernance régénérée de coopération en Méditerranée ?
La Catalogne est très engagée aujourd’hui dans le projet de macrorégion et a accueilli, en novembre 2023, la première grande rencontre politique de la macrorégion. C’est un élément essentiel de leur stratégie régionale : répondre au niveau local aux défis communs du bassin méditerranéen, comme les effets du changement climatique dont la sécheresse, qui le touchent plus durement, les échanges humains, qui sont une absolue nécessité pour tisser des liens entre les rives et rapprocher en particulier les jeunes. L’Espagne soutient cette démarche, qui associe bien entendu d’autres communautés espagnoles, comme les Baléares ou la communauté valencienne.
Le dynamisme et l’attractivité de Barcelone et de sa région n’ont cessé de s’affirmer depuis les JO de 1992. Quels sont les conseils et les recommandations du Consul général de France à Barcelone aux acteurs de la Région Sud en vue d’intensifier leurs relations avec ce partenaire méditerranéen ?
Barcelone est une ville qui existe à l’échelle mondiale et l’un des centres de la région, siège de l’Union pour la Méditerranée et de l’Institut européen d’études méditerranéennes. C’est un atout magnifique qui renforce son attractivité, avec une image très positive, fondée sur sa qualité de vie, le développement de ses infrastructures, sa richesse culturelle. A l’échelle mondiale, mais surtout européenne, nous avons tout intérêt à favoriser les rapprochements, les concurrences fécondes plutôt que les compétitions stériles. Nous sommes des territoires complémentaires, avec des éléments communs forts qui nous rapprochent : il faut travailler ensemble à l’équilibre de cette relation et à l’enrichissement mutuel, sur tous les plans, qui ne peut que bénéficier à l’ensemble du bassin méditerranéen.
Propos recueillis par Bertrand VALDEPENAS