Sylvie Casalta, référente «Les Amoureux du Sud», assemblée qui est au sein de «Cap sur l’avenir» -premier mouvement politique régional créé par Renaud Muselier-, est particulièrement active en alliant la réflexion à l’action pratique. Ses événements mobilisent une bonne partie des forces vives de la société civile. Entretien.
L’année 2024 s’annonce très riche en actions. Qu’en est-il ?
Les amoureux du sud œuvrent sur plusieurs plans : la Culture, le rapport au savoir, l’éducation, ainsi que la sécurité, l’énergie et la science. Nos actions sont transversales et s’appuient sur des analyses transnationales. Nous faisons dialoguer des professionnels avec des citoyens, des entrepreneurs et des représentants d’associations. Ces rencontres sont fructueuses. Elles permettent d’ouvrir les horizons. À ce titre, une préoccupation commune apparaît, celle du bien-être.
Cette notion de bien-être revient en effet souvent. Comment allez-vous la traduire ?
Si je devais synthétiser le bilan des rencontres réalisées par Les Amoureux du sud, je dirais que pour améliorer le bien-être, il est urgent de penser à de nouveaux équilibres. Nos sociétés, et notre Région Sud, sont en perpétuelle évolution. Nous ne pouvons plus analyser les bouleversements de notre époque avec l’arsenal théorique du siècle passé. Vous connaissez la formule: «La conscience est en retard». Assez d’idéologie, de nostalgie, de méfiance passéiste. Ayons le courage de regarder la réalité, celle qui, sous nos yeux, transforme le monde avec une force extraordinaire.
Les nouveaux équilibres doivent-ils donc émerger à partir d’une analyse lucide et exigeante de la réalité ?
Parfaitement. Prenons l’exemple de la famille. Le tissu traditionnel a subi des mutations profondes. Il fut un temps où les mères et les grands-parents restaient à la maison pour compléter l’éducation formelle dispensée à l’école. Fort heureusement les femmes ont gagné leur indépendance souvent par le travail. Les grands-parents sont aussi d’une aide précieuse pour les petits enfants. Cependant nos seniors, et c’est une belle évolution, ont eux aussi conquis une sorte de liberté. Par ailleurs, le monde du travail est en pleine évolution. Horaires mouvants, déplacement incessant ou à l’inverse télétravail, éloignement entre le lieux de résidence et celui de son entreprise, tout cela doit être pris en compte. Les familles, confrontées à ces défis modernes, peuvent parfois se trouver dans l’incapacité d’assurer pleinement ces rôles éducatifs et transmettre les valeurs essentielles à leurs enfants. Pourtant, il est primordial que cela soit fait. Dans ce contexte la responsabilité de l’éducation, de la transmission des valeurs et des devoirs fondamentaux doit être posée autrement. Je veux dire par là que les attentes envers les enfants restent élevées : une éducation complète, le respect de l’environnement et des valeurs sociales. Il est temps de se demander comment garantir que ces valeurs soient transmises ? Qui devrait agir ? Nous attendons des jeunes qu’ils saisissent les codes sociaux sans forcément avoir reçu une formation adéquate ?
Vous posez ici la question, épineuse de nos jours, de la Jeunesse ?
Nos jeunes sont confrontés à un monde instable. Notre devoir d’adulte est de les valoriser et de les rassurer. Les Amoureux du Sud agissent pour élaborer avec eux un nouvel équilibre. Au sein des Amoureux du Sud, Caroline Gora, Michel, Sébastien, Isabelle, Patricia… travaillent particulièrement sur ces questions. Ils ont organisé une distribution de capuchons anti-drogue du violeur le mois dernier devant le Lycée agricole «Campus Fontlongue» de Miramas. Ce fut un franc succès. Le retour des parents étaient d’ailleurs extrêmement positif. Caroline Gora, aussi à la tête de l’association Egali-terre s’investit largement dans la lutte contre le harcèlement scolaire. Elle a créé un dispositif inédit et a pu former des Proviseurs ainsi que plusieurs centaines d’enseignants. Enfin, dès cette année nous allons réaliser une série de conférences sur l’éducation. Ces actions contribuent à faire émerger de nouveaux équilibres. Ici le bien-être des jeunes comprend d’emblée leur sécurité.
Selon vous, le bien-être serait donc une façon plus large d’aborder la thématique sécuritaire ?
Reprenons l’exemple de la jeunesse. Malheureusement, certains jeunes ont été marqués par la vie, et leur comportement peut les conduire à être confrontés à la police. Nous réaffirmons que la réponse à un manque d’éducation ne devrait pas être la police, mais plutôt un investissement dans l’éducation. De plus, le rôle de la police se redéfinit également dans un contexte où sa simple présence ne dissuade plus autant qu’auparavant. Bien que son rôle premier demeure le respect de la loi, la réalité actuelle est plus complexe. La justice peut-elle toujours garantir une réponse rapide et efficace aux infractions ? Dans le cadre des actions menées par Les Amoureux du Sud, nous accordons une importance particulière aux échanges avec des enseignants, éducateurs, des jeunes, des associations et des agents de police. Ces échanges nous ont permis de dégager des propositions concrètes. Nous examinons également des initiatives étrangères pour enrichir nos réflexions. La question du nouvel équilibre ressurgit. Je pourrais le résumer par une synergie à reconstruire entre éducation, police intégrant de nouveaux rôles tout en exploitant les avancées scientifiques telle que l’Intelligence Artificielle.
Ces réflexions ont été particulièrement abordées à Bruxelles lors d’une initiative des Amoureux du sud.
Oui. Nous avons organisé des rencontres thématiques au parlement européen avec des associations d’expatriés dans le sud et localement. Notre réflexion est la suivante : typiquement nous pensons que les tâches d’éducation pourraient être renforcées, dans les établissements scolaires, en introduisant un programme supplémentaire axé sur les valeurs fondamentales de la société française, telles que le respect de l’autre, de l’environnement et de la laïcité. Ce programme serait intégré dans le curriculum scolaire existant et enseigné par des intervenants spécialisés, des associations ou des éducateurs, sans pour autant surcharger les enseignants. Ces intervenants pourraient apporter des compétences spécifiques et complémentaires pour répondre aux besoins éducatifs des élèves. Bien évidemment nous pourrions soutenir que le rôle de l’éducation est dévolue aux parents, à la famille. Malheureusement, cela n’est pas toujours possible, notamment pour les raisons indiquées au début de l’entretien.
Par conséquent un professionnel, l’éducateur, aurait un rôle majeur à jouer dans les établissements : faire ,par exemple, le lien avec la police, permettant ainsi de prévenir plutôt que de réprimer. Parmi les propositions émises lors de nos rencontres, certains suggèrent même d’augmenter le nombre d’éducateurs pour inculquer des valeurs de respect et de civisme aux jeunes. Sur un plan plus large le concept de police de proximité est également évoqué, favorisant une interaction directe avec les citoyens pour une meilleure prévention de la délinquance. Enfin l’intégration d’innovations telle que l’Intelligence Artificielle dans ces domaines est envisagée. Des systèmes d’IA pourraient surveiller les zones sensibles et analyser les comportements criminels, offrant ainsi une réponse rapide en matière de sécurité. Par ailleurs la présence humaine est aussi primordiale.
Dans des villes comme Marseille, ma ville de cœur, où l’insécurité suscite des inquiétudes croissantes, les agents de proximité seraient essentiels pour tisser des liens avec les communautés. Ils pourraient jouer un rôle crucial dans la prévention des problèmes de sécurité en favorisant le dialogue. Cependant, depuis quelques années, on observe une détérioration continue de la sécurité, laissant les Marseillais vivre dans la peur. Marseille est devenue la deuxième ville la plus insécure en Europe. Triste classement. Il est temps que des mesures concrètes soient prises pour mettre fin à cette crise et assurer la sécurité des citoyens !
En définitive améliorer le bien-être demande un nouvel équilibre entre éducation, forces de l’ordre et avancées technologiques. Il existe des solutions intégratives, capables d’unir le génie humain à la technologie pour construire un avenir sûr et prospère pour tous.
Considérez-vous cet avenir clairement européen ?
Parfaitement. Il faut avoir le courage, je dirais même la vertu civique, de regarder l’Europe en face. Sans préjugés ni paresse. Nous aimons cette Europe qui imagine et crée du neuf. Soyons des porteurs de projets. Les exemples existent. Pourquoi ne pas introduire rapidement et d’une manière pertinente les innovations, telle que l’Intelligence Artificielle pour rendre l’éducation plus attractive et plus sûre. Un cas concret parmi tant d’autres: des écoliers parlent allemand en visio avec une classe allemande, comme nouvelle méthode pédagogique. Il est ainsi urgent de sensibiliser les jeunes à l’Europe. L’objectif est de renforcer l’appartenance à ce continent.
Nous avons constaté dans les échanges avec les jeunes que le programme Erasmus, mis en place sous la présidence de Jacques Delors, est très apprécié. Cependant, par exemple la communauté eTwinning est encore peu connue des enseignants et autres membres du personnel scolaire. Cet outil est pourtant formidable. Il s’agit d’une plateforme éducative susceptible de fédérer l’ensemble des acteurs de l’éducation autour de thématique pédagogique européenne.
Nous avons besoin d’une Europe qui s’adresse aux jeunes. Nous demandons par conséquent aux futurs députés européens de proposer à chaque établissement scolaire de célébrer, le 9 mai, la journée de l’Europe. Cette dernière fait partie de notre histoire. Elle doit en ce sens être à la fois vivante et vibrante ! L’Ode à la joie devrait revenir dans les cours d’école et les séquences pédagogiques, dans les matières générales, devraient être nourris par l’aventure européenne. C’est peut être ainsi, que demain, triomphera un nouvel humanisme.
Propos recueillis par Raphaël Rubio.