Publié le 5 septembre 2014 à 18h48 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 18h09
Le socialiste Christophe Masse, président de «13 Habitat», se félicite des mesures de relance du logement annoncées par le gouvernement. Il applaudit au renforcement des incitations à la construction de logements sociaux et des nouveaux pouvoirs accordés aux préfets pour les permis de construire en lieu et place des maires défaillants. Il annonce la création de 1 000 nouveaux logements créés par 13 Habitat en 2015 après les 650 qui devraient être livrés fin 2014 mais il attend encore du gouvernement la mise à disposition de foncier, des aides à la construction et la liberté des loyers pour les bailleurs sociaux. Il appelle aussi le maire UMP de Marseille à inviter ses élus de secteurs à ne plus considérer le sigle HLM comme un «gros mot» et d’aider 13 Habitat dépendant du Conseil Général à majorité socialiste à réaliser sur leur territoire et en concertation des logements sociaux dont la ville a besoin.
Élu socialiste, conseiller municipal du 6e secteur de Marseille dont il a échoué à remporter la mairie (11e et 12e arrondissements) restée à droite, conseiller général (PS) depuis 1998 et vice-président du CG13, candidat malheureux à la primaire socialiste pour la mairie de Marseille en 2014, il se félicite du recadrage de la politique nationale avec le gouvernement Valls 2, affirmant un «réel intérêt à ce qu’il y ait une ligne et qu’elle soit respectée». En tant que président de 13 habitat, il attend les nouvelles mesures annoncées pour le logement et applaudit au détricotage de la loi ALUR de Cécile Duflot pour éviter une nouvelle «usine à gaz». Il cible notamment le risque d’un «nouvel assistanat» dont pourraient bénéficier les «profiteurs professionnels» pour la Garantie Universelle des Loyers (GUL) ouvrant la porte «à tous les abus» désormais réservée aux jeunes salariés. Entretien.
Que pensez-vous des derniers changements au gouvernement ?
Je me félicite du choix clair de François Hollande et Manuel Valls qui prônent une ligne claire : l’affirmation de la social-démocratie et de la volonté de réformer notre pays pour redéployer notre appareil productif. Sur un plan politique, on avait un réel intérêt à ce qu’il y ait une ligne et qu’elle soit respectée. Ces derniers jours on a tout entendu sur l’ordre, la sévérité, ce n’est pas ça qui est important. Ce qui est important c’est que l’on ne peut avoir au sein du gouvernement des lignes différentes. Alors est-ce que celle qui est choisie est la bonne? Moi je le pense mais, en tout cas, s’il y a une ligne il faut que tout le monde la respecte.
Que pensez-vous des réactions de Cécile Duflot ?
Elle a quitté le gouvernement au moment du Valls I sur un sujet plus politique car elle appartient à Europe Ecologie les Verts et que le choix de quitter le gouvernement était plus tactique qu’idéologique. Et vous ne pouvez pas garder au gouvernement quelqu’un qui, là aussi, n’avait de cesse de critiquer son action.
Elle a été la principale ministre du Logement ces dernières années. Elle laisse la fameuse loi ALUR qui avait pour objectif de réguler certains dysfonctionnements du marché, d’encadrer les loyers. Mais dans la loi ALUR les organismes sociaux, les offices, ne sont pas directement concernés.
Qu’attendez-vous comme mesures complémentaires aux dernières annonces ?
Aujourd’hui, avec Sylvie Pinel, qui a été confortée dans son ministère du Logement, j’espère que l’on va revenir à des fondamentaux. Les fondamentaux pour un grand bailleur social comme 13 Habitat, premier bailleur social de Paca avec 34 000 logements dans notre patrimoine sur tout le département des Bouches-du-Rhône, c’est le foncier, les aides à la construction et la liberté des loyers. Ce dernier point, qui est du domaine du gouvernement, nécessite une explication: revenir à une forme de liberté des loyers ne veut pas dire systématiquement les augmenter. Depuis quelques années les loyers des logements sociaux sont bloqués sur la fameuse Indemnité de revenu du logement (IRL) du troisième trimestre, c’est-à-dire1,9% en 2014. Nous avons donc augmenté nos loyers de 1,9% cette année. Nous en avions besoin, mais il se peut qu’en 2015 nous n’ayons besoin que de 0,5% et en 2016 de 2,5% pour équilibrer nos comptes et selon nos projets de construction. Ce que je souhaite aussi c’est qu’à partir de maintenant, on nous permette, tout en fixant des fourchettes maximales, d’être libres, au sein de ces fourchettes, de mettre en place ou pas, des augmentations de loyer.
Le foncier est-il votre première priorité ?
J’attends toujours du gouvernement la mise à disposition de foncier aux bailleurs sociaux dans les bouches du Rhône et pas qu’à 13 Habitat, on est des dizaines de bailleurs sociaux, il n’y a pas d’exclusivité. Il faut à tout prix que le gouvernement nous donne, nous concède, gratuitement s’il le peut, des terrains pour construire des logements sociaux. Les consignes données aux préfets de se substituer aux maires défaillants pour des permis de construire est une bonne mesure. Mais, comment faire pour que des communes, des particuliers puissent être tentés de céder, de vendre leurs terrains à un bailleur social plutôt qu’à un promoteur privé. Voilà pour nous la première contrainte : trouver du foncier et l’acheter à un prix du marché raisonnable et pas à certains tarifs assez déraisonnables ou l’on ne peut pas s’aligner face à des promoteurs immobiliers.
L’inventaire du foncier disponible réalisé par Cécile Duflot ne vous suffit-il pas ?
L’annonce faite par Cécile Duflot avec Jean-Marc Ayrault, il y a deux ans maintenant, concernait le fait que l’État allait procéder à l’inventaire de tous les fonciers résiduels qui pouvaient rester dans tous les ministères. Dans la première liste sortie par Cécile Duflot il n’y avait pas grand-chose dans les Bouches-du-Rhône et le peu qu’il y avait était mis en concurrence. Cela ne correspondait pas du tout à ce qui avait été annoncé. On nous promettait d’ailleurs une deuxième liste de foncier Duflot2 que l’on n’a jamais vue et qui n’est jamais sortie.
La deuxième priorité concerne-t-elle l’aide à l’emprunt ?
Le deuxième point important ce sont les aides à la construction, l’aide à l’emprunt. Nous sommes en train de renégocier tous nos prêts avec la Caisse des dépôts et consignation (CDC), l’aide à l’emprunt. La CDC applique un tableau et des calculs très mathématiques sur la manière dont on va être capable demain de rembourser les emprunts. Ce qui est normal. Nous gérons aussi 13 Habitat en bons pères de famille. Mais à un moment donné, si le gouvernement ne demande pas à la CDC de faire aussi des efforts de prêts pour les bailleurs sociaux, cela ne marchera pas. Donc j’attends toujours des annonces sur l’aide aux bailleurs sociaux par la CDC avec des taux peut-être plus intéressants pour nous.
Comment concilier votre demande avec le taux historiquement bas du livret A ?
On s’aperçoit que les Français qui le peuvent n’ont jamais autant économisé qu’en ce moment… et que beaucoup de produits partent du livret A (historiquement de la Caisse d’Épargne pour financer le logement via la CDC, ndlr) vers des revenus qui partent en assurances vie beaucoup plus rentables. Ça, c’est le fruit de deux causes : le manque de confiance en l’avenir et la constitution de bas de laine. Si l’on ne veut pas que cet argent aille se placer dans des endroits qui ne sont pas «intéressants et rentables» pour le service public il faut que le gouvernement soit capable de mettre en place un dispositif attrayant pour capter les économies et les rendre rentables et surtout nous permettre de les réinjecter dans les secteurs du logement et du commerce, de l’artisanat, de l’entreprise…
Voilà ce que je souhaitais comme annonce : le foncier, la construction avec les emprunts et la liberté de budget enfin de pouvoir décider des loyers selon nos besoins.
La loi ALUR est en cours de détricotage, de « piétinage » dit Madame Duflot. Pensez-vous qu’elle va être mise en place par décrets à la découpe ?
A une certaine époque, par solidarité, je vous aurais répondu que non. Mais, comme je ne manie pas la langue de bois j’espère que la loi ALUR sera détricotée. Pour le bailleur social la loi ALUR n’a pas de conséquence particulière. En revanche, je me suis aperçu qu’elle avait des conséquences importantes sur la politique du logement dans son ensemble. Par exemple, la fameuse GUL (Garantie Universelle des Loyers).Toujours en tant qu’homme de gauche et dans cette même mouvance que Valls, je ne suis pas pour l’assistanat. Et aujourd’hui quand on fait le point de toutes les mesures en remontant jusqu’en 1981, si l’on ne met pas de contrôle on va dans le mur. En tant qu’homme de gauche, je veux que l’on mette un euro pour le RSA, la CMU ou la GUL ou l’aide médicale d’État (AME) à condition que l’on en mette autant pour contrôler que cet euro soit utilisé à bon escient. Et ça malheureusement on n’est pas en capacité de le faire et on ne le fait pas. Donc cette GUL aurait pu devenir une autre usine à gaz d’assistanat ou l’on aurait pu avoir des profiteurs professionnels qui auraient maquillé certains revenus. La mesure consistant à limiter l’universalité de cette garantie aux jeunes salariés est donc une bonne mesure annoncée par Manuel Valls.
Travaillez-vous avec les promoteurs privés ?
Souvent, très souvent. Dans les concurrences de terrains le promoteur privé l’emporte. Ils ne sont pas comme nous dans le critère obligatoire d’équilibre d’opération. Et puis nous sommes gestionnaires de deniers publics. Lorsque l’on achète un terrain pour construire 20 logements on met dans l’opération le prix du foncier, le coût de la construction, le prix de la gestion et du fonctionnement qui nous donnent un prix au m². A savoir si nous pouvons mettre en face la somme qu’il faut. Aujourd’hui 13 Habitat achète et construit à environ 2 250€ le m². Depuis 5 ans que la loi nous y a autorisé, nous pouvons travailler avec des promoteurs privés dans ce que l’on appelle en VEFA (Vente en État Futur d’Achèvement). Les VEFA représentent aujourd’hui plus de 50% de notre production annuelle de logements. C’était à 70%, en 2011, quand je suis arrivé, j’avais souhaité que l’on rectifie un peu le tir et que l’on fasse moitié VEFA et moitié construction propre et pas se contenter de ne faire que des VEFA. On a donc baissé déjà de 20% et je pense que l’on arrive à un niveau qui est assez intéressant.
Comment se passe cette collaboration avec les promoteurs privés ?
La VEFA c’était au début une volonté de résoudre le double problème du logement social, de la crise de l’immobilier et des queues de programmes que les promoteurs immobiliers n’arrivaient plus à vendre. Au tout début cette opération était intéressante. Sur une opération de 60 logements, si le promoteur n’en avait vendus que 40 et qu’il en restait 20, il faisait un sacrifice et nous vendait le reliquat au prix coûtant. Le promoteur remboursait son opération et nous, nous achetions à un prix défiant toute concurrence. Avec 20 logements par-ci, 30 logements par là… c’était intéressant.
On nous a souvent critiqués par rapport à ces VEFA, nous accusant de faire les choux gras des promoteurs immobiliers mais ce n’est pas vrai parce qu’aujourd’hui même, selon les opérations, cela coûte moins cher en VEFA aux bailleurs sociaux que si nous faisions la construction en propre par notre équipe. Donc la VEFA nous rend service mais bien que la crise ne soit pas terminée, les promoteurs immobiliers ont une vision un peu plus rationnelle et aujourd’hui on achète avec eux d’emblée. C’est eux souvent qui prennent le terrain et nous disent nous faisons 80 logements, vous m’en achetez 30 en logement social et j’en fais 50 en accession à la propriété…
La proximité de logements sociaux pose-t-elle des problèmes aux copropriétaires ?
Ce n’est pas de la copropriété. Les logements que nous achetons en VEFA sont des bâtiments bien distincts de ceux qui ont été construits pour la propriété. Mais ils sont voisins quand même. Je déteste tout ce qui est appartement ou petit bloc isolé. Je ne prends pas. Lorsque qu’on achète des logements il faut que le constructeur, le promoteur, me les fasse dans le même ensemble, la même qualité si ce n’est plus parce qu’on est encore plus rigoureux que le droit commun sur le logement social. Cela est important, parce que moi, j’en ai assez… on dirait que HLM est un gros mot, que logement social c’est un gros mot. Ce n’est pas un gros mot, on va en avoir besoin. Aussi, je demande aux promoteurs une accession indépendante qu’il y ait une entrée sortie indépendante de son opération à lui, et bien sûr un bâtiment indépendant pour que je n’aie pas à gérer la copropriété. Dans un immeuble, je ne peux pas gérer le 2e et le 4e étage mais pas le 3e parce qu’il a été vendu. Ça, on ne fait pas… du disséminé, comme cela, on ne prend pas. Cela permet au promoteur d’être calé. S’il y a 60 logements, 30 pour 13 Habitat et 30 pour l’accession à la propriété, il fait trois petits blocs de 10 puisque maintenant on ne fait plus de tours ni de barres.
Donc maintenant la VEFA n’est plus un achat de fin d’opération, c’est aussi une concertation en amont avec le promoteur. Et souvent lorsque nous sommes en concurrence avec un promoteur sur un terrain, et que nous ne l’avons pas, à l’arrivée nous l’avons quand même… parce que 6 mois après le promoteur vient me dire c’est moi qui l’ai acheté mais je t’en vends 25 ou 30…
Y a-t-il des possibilités d’accession à la propriété pour les locataires de 13 Habitat ?
Pour nous, pas d’accession à la propriété. 13 Habitat ne vend pas son parc locatif sauf exception pour des petites maisons isolées et indépendantes. La règle depuis que l’OPAC puis 13 Habitat existent, on ne vend pas. Cela ne veut pas dire qu’on ne va pas construire demain pour vendre, mais c’est une autre opération; on va se lancer nous aussi dans le primo accédant. Lorsque l’on va faire une opération de 50 logements il n’est pas dit que l’on ne fasse pas 25 pour des primo accédant à la vente et 25 que l’on garde en logements locatifs sociaux. La seule idée qui pourrait me faire changer d’opinion c’est que dans un bloc de 15 logements j’ai 15 locataires potentiels acheteurs. Chaque année je reçois 15 à 20 demandes d’achat de la part de locataires isolés. Je ne peux accéder à leurs demandes parce que sinon je créé de la copropriété que je ne veux pas faire. Ce n’est pas dogmatique, la question est matérielle et opérationnelle.
On parle d’une baisse du nombre des chantiers, c’est aussi vrai pour vous?
Non. On va produire 650 logements qui seront livrés au 31 décembre 2014. On n’est pas en diminution sur notre plan de charge. Tant mieux, on s’en sort bien grâce à l’aide régulière du Conseil Général des Bouches-du-Rhône qui est notre organisme rattaché et qui prend en charge toutes nos garanties d’emprunt, qui nous donne 15% de fonds propres sur le montant total chaque fois que l’on fait une construction. Donc, je respecte mon plan de charge après les 620 livrés au 31 décembre 2013 et avant les 1 000 logements prévus pour 2015. Mais malheureusement, cela ne veut pas dire que nous allons poursuivre et construire tous les ans 1 000 logements.
Il y a quelques années 13 Habitat qui s’appelait l’OPAC était considéré comme un «dodu dormant» (un bailleur social qui, grâce à son patrimoine amorti, produit de l’argent sans le réinvestir dans des programmes de construction ou de réhabilitation, ndlr). … On avait des millions d’euros en caisse et on ne construisait jamais. Et l’organisme de contrôle des Offices avait été très sévère à ce sujet. Aujourd’hui, c’est l’inverse, on a tellement tapé dans nos réserves financières que si l’on conserve notre courbe ascendante de 800 à 900 logements par an dans 10 ans on met la clé sous la porte. Donc on en fait 1 000 en 2015, parce que j’avais cet objectif, après on va redescendre afin que nous soyons en équilibre par rapport à nos comptes. Mais on a voulu montrer, et le Conseil Général en avait donné la consigne à tous les présidents de 13 Habitat successifs, que l’on pouvait être avant-gardiste en termes de production de logements.
Donc on construit beaucoup, on construit mieux et on innove. Et j’en viens notamment à notre projet de Saint-Martin-de-Crau et notre Bâtiment à Énergie Positive (BEP) qui va voir le jour au premier trimestre 2016. 13 Habitat sera le premier bailleur social à rendre un bâtiment à énergie positive dans le domaine du logement social à moins que d’ici là un autre bailleur social nous dépasse.
Le logement social est-il toujours déconsidéré ?
On est nombreux à en avoir assez d’être méprisés et déconsidérés. Un logement social, ce n’est pas un logement en mauvais état, qu’on va mal faire avec des sous-produits fabriqués par des sous entreprises. Au contraire lorsque l’on réalise des opérations de logements sociaux elles sont toutes très bien intégrées à l’environnement de la commune dans laquelle elles seront implantées. On ne fait pas le même genre de bâtiment dans les différentes municipalités. 13 Habitat ce n’est pas que des tours et des barres. Nous devons faire beaucoup de pédagogie avec les maires.
Vous concertez-vous avec Marseille qui a 1 000 hectares de foncier disponible?
Je le regrette mais non. Aujourd’hui la ville de Marseille travaille avec ses propres bras armés en termes de logements sociaux. C’est Habitat Marseille Provence (HMP) qui est le bailleur social de la ville, c’est la société d’économie mixte la SOLEAM (Société Locale d’Équipement et d’Aménagement de l’Aire Marseillaise) qui pilote un peu tout ça ; mais, très honnêtement on n’est jamais concerné ou concerté par la Ville. Pire que ça, certaines mairies de secteur nous posent même des recours lorsque l’on construit du logement social en certains endroits.
Suivez mon regard, les 4/5 avec Bruno Gilles et les 11/12 avec Roland Blum et maintenant Valérie Boyer. J’avais fait un petit coup à Valérie Boyer qui n’a de cesse de m’envoyer des demandes de recommandations de logement social de la part des gens qu’elle rencontre, ce qui est normal. Et dans le même temps, elle n’a eu de cesse dans la campagne des dernières municipales d’alerter par tract les électeurs en disant attention si vous élisez Masse comme maire de secteur il va vous faire des logements sociaux partout … Maintenant, à chaque fois que je reçois un courrier de Valérie Boyer, je réponds à l’intéressé, la personne qui est concernée et qui n’y est pour rien dans cette histoire, de rappeler aussi à Mme Boyer que si vous voulez avoir un logement il faut aussi qu’elle me laisse du foncier. Et Bruno Gilles sur le 4/5 fait des recours pour empêcher que 13 Habitat construise 27 logements sociaux. On va gagner mais on perd un an deux ans…
Donc, nos relations avec la ville de Marseille, je souhaiterais qu’elles soient meilleures et c’est un appel au maire de Marseille sur des zones qui vont être à urbaniser. Nous ne pouvons être les seuls et les premiers partout mais, si demain la ville de Marseille a besoin de plusieurs aménageurs ou de plusieurs bailleurs sociaux pour tel foncier bien sûr que je suis preneur. Comme sur Euroméditerranée à l’époque pilotée par Guy Tessier et maintenant pour un temps encore par Michel Vauzelle (Président socialiste de la Région Paca ; là aussi 13 Habitat qui est le plus grand bailleur social de Paca ne peut pas être absent. Donc voilà, on est en recherche quasi permanente de foncier et j’ai créé à cette fin en arrivant à la présidence de 13 habitat en juin 2011 un service de prospection foncière qui a pour but d’aller rencontrer régulièrement les maires et des promoteurs privés.
Vous félicitez donc le Premier ministre et vous soutenez son action ?
Manuel Valls est venu plusieurs fois dans mon canton, dans ma circonscription et dernièrement c’était à l’occasion des élections municipales. Je conduisais la liste dans le 6e secteur (11e & 12e arrts) avec Patrick Mannucci et, Manuel Valls est venu au mois de février lancer ma campagne. Donc c’est un ami, moi je suis à la fois fidèle et reconnaissant. Je fais partie de ceux qui veulent décomplexer ce Parti socialiste. Continuer à briser des tabous même si je pense que c’est fait maintenant depuis quelques temps. C’est pas parce que je suis de gauche que je m’interdis de parler de l’insécurité, c’est pas parce que je suis de gauche que je m’interdis de parler des rapports que l’on doit avoir avec l’entreprise, c’est pas parce que je suis de gauche que je m’interdis de parler de rétablir l’ordre dans le logement social, l’ordre juste, cette fameuse expression de Ségolène Royal qui a six ou sept ans maintenant et qui me semble être parfaite.
Que signifie le terme agent de «paisibilité» inscrit sur un tee-shirt épinglé sur votre mur?
L’ordre juste. J’aime l’ordre. J’estime que dans les cités HLM par exemple on voit trop d’abus. J’ai été le premier à mettre en place les dispositifs d’agents de «paisibilité». On ne trouve pas le mot dans le dictionnaire mais quand on l’exprime il veut bien dire ce qu’il veut dire. Nous avons à Marseille depuis deux ans les agents de paisibilité de 13 Habitat. Ce ne sont pas des médiateurs. On m’avait d’abord proposé des travailleurs sociaux. Je n’ai rien contre les travailleurs sociaux, j’en connais beaucoup, ils font du bon boulot, mais là je voulais des gens mieux formés, mieux identifiés avec des tenues, des «médiateurs plus-plus». Face à certains gamins, il faut montrer que la fermeté est de notre côté. Attention à aucun moment ce sont eux qui vont régler les trafics de drogue ou de Kalach’. Mais on s’aperçoit que depuis deux ans on a diminué dans nos tableaux de bord mensuels les petits conflits de voisinage, les petits rackets et petits larcins à la sortie de l’école. Nous avons la chance à 13 Habitat d’avoir des ensembles immobiliers maintenant qui sont composés de 400-500 voire 600 logements et à l’intérieur il y a une école municipale, des commerces, des locaux associatifs… Tout cela ce sont de petites communautés au sein desquelles j’ai introduit des agents de paisibilité qui nous ont permis de déminer beaucoup de conflits, des petits soucis à la sortie de l’école parce que que l’on travaille avec le directeur de l’école ou le principal du collège. Ils vont passer devant les locaux commerciaux, voir si tout va bien. On est en lien direct avec le président ou la présidente de l’amicale des locataires. Cela ne permet pas de réaliser des miracles, mais il y a 99% de locataires de 13 habitat qui souffrent pour le 1% qui nous emmerdent. J’ai souhaité aider ces 99% de locataires qui souffrent et en ont assez et qui ont droit à la sécurité et au sentiment d’être bien chez eux. Donc, on a eu des remontées très positives de ces agents de paisibilité. Pourquoi je dis ça, parce que c’est un peu la ligne de Manuel Valls, la ligne de l’ordre, mais l’ordre ce n’est pas non plus la dictature, l’ordre ce n’est pas non plus des barrières à la démocratie ni une atteinte aux droits de l’homme, non, l’ordre c’est simplement dans ce pays respecter l’Autre; on a des droits et on a des devoirs.
Pas de rancune contre Manuel Valls qui ne vous a pas fait de cadeau électoral?
Je n’en veux pas à Manuel Valls pour l’épisode des Européennes car il a lui-même subi ce qui s’est passé. J’aurai dû être troisième derrière Vincent Paillon et Sylvie Guillaume sur la liste Sud-Est; finalement on a eu une candidature de Paris décidée par le parti… Moi je l’accompagne dans sa politique de cette gauche décomplexée, je l’accompagne dans sa lutte contre l’insécurité, je l’accompagne dans nos rapports avec l’entreprise, si on n’est pas capable aujourd’hui de comprendre que c’est l’entreprise qui créé la richesse que c’est l’entreprise qui créé l’emploi, cela ne marchera pas.
Mais je suis surpris que nos collègues contestataires du Parti socialiste oublient que nos aides et nos exonération aux entreprises de 40 milliards d’euros sont quand même conditionnées à de la création d’emploi. C’est toute la différence avec la version 1995 de Juppé où l’on avait eu des aides extraordinaires aux entreprises mais sans aucune contrepartie chiffrée ou contractualisée. Donc libérons un petit peu plus l’entreprise, ce qui ne veut pas dire que les impôts qu’ils ne paient pas doivent être payés par les ménages… il faut faire des coupes, il faut être drastique. Aujourd’hui je suis conscient de ce qui se passe. Libérons l’entreprise, donnons-leur le temps qu’il faut, on sait très bien que le Pacte de responsabilité ce n’est pas en 6 mois que l’on va en voir les fruits, c’est en, au moins, deux ans. Eh bien moi je suis ok pour ce pari.
Il y a de nombreuses critiques et des insultes vous concernant sur Internet. Des électeurs des 11/12 ont estimé méprisante la façon que vous avez eu de vouloir vous présenter ailleurs. Qu’avez-vous à répondre ?
Élu des 11/12, j’avais voulu être candidat aux dernières municipales dans le 13/14, c’est vrai parce que j’avais peur de ce qui allait se passer et de ce qui s’est passé. Je ne suis pas arrogant, mais je le dis aujourd’hui avec beaucoup de simplicité, j’aurai empêché Stéphane Ravier (FN) d’être maire du 6e secteur. Si l’on m’avait fait confiance et laissé la tête de liste de ce secteur, j’aurai laissé Garo Hovsépian (PS) maire sortant sur ma liste et il aurait été à nouveau maire de secteur mais on aurait gagné.
Je suis conseiller général du 13e arrondissement et élu municipal dans les 11/12, j’ai été député du 13e. Moi, mener des combats difficiles, je sais faire. En 1998, j’ai été élu conseiller général pour la première fois en battant Roland Blum, je n’ai pas hérité du canton de mon père ni même de mon grand-père (il avait été élu député en 2002 de la 8e circonscription des Bouches-du-Rhône succédant ainsi à son père Marius Masse député depuis 1981 dans cette circonscription détenue auparavant par son grand-père Jean Masse de 1962 à 1978, ndlr)… Je suis issu du 13e arrondissement, je voulais être candidat aux municipales dans le 13e on m’a dit que non, qu’on allait le gagner quand même sans moi et que je serais plus utile pour essayer de gagner le 11/12 contre Blum et contre Boyer. Sauf qu’on a perdu les deux. Je n’ai pas de réponse à apporter à ceux qui disent: « il ne nous aime pas, il est venu chez nous par dépit». Non. Je suis un homme politique très respectueux de mon parti.
Conseiller général et vice-président du CG13. Quelles sont vos relations avec Jean-Noël Guérini ?
Ce sont des relations de vice-président à son président. Voilà. Il est président du Conseil général des Bouches-du-Rhône et je dis toujours la même chose depuis 2011. Je ne suis ni juge ni procureur ni policier. Si ces gens-là n’arrivent pas à démontrer l’éventuel rôle de Jean-Noël Guérini dans telle ou telle affaire que va dire Christophe Masse ? Le respect que j’ai dans la justice en France se traduit aussi par cela. Aujourd’hui je suis dans les relations professionnelles d’un vice-président à son président. Je n’ai pas d’état d’âme.
Pourquoi ne pas vous être présenté aux sénatoriales ?
Parce qu’il n’y a pas de place.
Vous auriez pu être sur la liste de Guérini ?
Je suis socialiste, lui il ne l’est plus.
Dernière question, concernant la Métropole, qu’est-ce que ça change pour 13 Habitat ?
Demain, je ne sais pas… Aujourd’hui, nous sommes adossés à un organisme de référence qui est le conseil général. Que va-t-il se passer en 2020 puisqu’on nous annonce la disparition des départements pour cette date ? Et entre temps le 1er janvier 2016 va sortir la Métropole. Quelles vont être ses compétences? Actuellement la Communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM) a compétence pour tout ce qui touche l’aide à la pierre par délégation de l’État. Je pense que la Métropole est un outil indispensable avec Marseille ville phare au milieu. Avec Aix, Aubagne, Martigues, Berre, Fos, Salon qui sont des villes riches en population et en activités économiques, la nécessité de mutualiser les moyens autour d’un dispositif qui s’appelle Métropole est indispensable. Or, on s’aperçoit quand on en dessine les contours qu’on est quasiment sur le département mis à part le pays d’Arles. Donc cela veut dire aussi que demain la vocation de ces grands bassins de vie qui devront vivre au sein d’une métropole fera doublon avec le Conseil général. Je pense qu’à partir de 2020 les offices comme 13 Habitat seront certainement adossés à la future Métropole.
Mais j’espère que 13 Habitat ne perdra pas au change. Le CG13, je le répète, c’est pour nous deux points importants : toutes les garanties d’emprunt sont financées par le département des Bouches-du-Rhône qui nous apporte aussi des fonds propres directement en cash sur les opérations que nous menons. Demain si c’est la métropole il faudra au moins qu’elle s’aligne sur ces critères.
Propos recueillis par Antoine LAZERGES