Publié le 20 décembre 2019 à 14h47 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h29
Trente-et-un partenaires économiques et sociaux, fédérés autour de la bannière « Tous Acteurs Municipales 2020 » viennent de se réunir au Palais de la Bourse pour dévoiler devant les candidats leur vision du développement économique d’Aix-Marseille Provence. Cinq défis à relever, déclinés en 15 projets-clés ont été partagés devant plus de 200 participants. Jean-Luc Chauvin, le président de la CCI Marseille Provence revient sur cette démarche, les propositions formulées, les « folles idées » avancées.
Destimed : Qu’est-ce qui a poussé le monde économique à s’unir pour élaborer des propositions en direction des candidats aux élections municipales?
Jean-Luc Chauvin: Ce qui compte pour nous, au-delà des résultats électoraux, c’est le projet, les projets, ce qui se passera après mars 2020. Nous sommes déjà en mode solutions et actions. Nous avons voulu sortir de la logique électoraliste, porter et défendre une vraie vision de ce que nous voulons pour nos communes et le territoire à horizon 2030 mais aussi 2050. Et de cette mobilisation a émergé 5 défis déclinés en 15 projets parmi une centaine de propositions. Car, il est clair que c’est l’économie qui doit permettre de recoudre notre territoire et nos communes en étant créatrice de richesses et d’emplois, source de cohésion. C’est elle qui doit permettre de faire rayonner notre territoire et lui rendre son lustre d’antan en France, en Méditerranée, en Europe et dans le monde. Il nous faut assumer un véritable saut quantique plutôt que de nous inscrire dans une logique de rattrapage. Il faut oser rêver grand, avoir un coup d’avance sur les autres territoires.
Vous parlez de « rêver grand », de «saut quantique» mais, comment y parvenir?
Nous proposons de relever cinq grands défis: donner envie de travailler et vivre ici en créant, dans chaque commune, les conditions d’une vie professionnelle épanouie pour tous les actifs d’aujourd’hui et de demain; dessiner la métropole durable en Méditerranée, Aix-Marseille-Provence doit devenir un laboratoire écologique; combiner foncier, mobilités et connectivités physique et numérique; assumer notre vocation mondiale, cogérer les projets-clés du territoire. Pour ne revenir que sur le 4e défi, nous devons accepter d’être à l’interface d’une Europe vieillissante et d’un Sud de la Méditerranée en extension. Nous sommes au centre d’échanges commerciaux d’hier, d’aujourd’hui et, de demain. Quel meilleur positionnement géographique que le nôtre? Nous sommes la porte de l’Europe du Sud, le trait d’union avec l’Afrique, la porte de l’Orient. Et, avec nos 14 câbles sous-marins nous sommes l’une des dix villes les plus connectées au monde et bientôt l’une des cinq… Il nous faut capitaliser là-dessus, devenir le leader européen de l’Intelligence Artificielle. Il nous faut capitaliser aussi sur notre multiculturalisme, sur notre jeunesse, sa vitalité, son énergie. C’est bien de dire que nous sommes le trait d’union avec l’Afrique encore devons-nous l’être pleinement. C’est le continent qui va tirer la croissance demain et nous sommes juste en face. Il faut ouvrir la Maison de l’Afrique en 2021, une porte à double entrée, qui favorisera le développement des entreprises de la Métropole vers ou dans le continent africain et dans le même temps sera le sas d’entrée des investisseurs et des entreprises africaines sur le territoire métropolitain; inauguré à cette occasion le fonds d’investissement Afrique sur le territoire Aix-Marseille Provence. Et accueillir, dans les 5 prochaines années, les 1 000 startupers qui comptent sur le pourtour méditerranéen et l’Afrique.
Comment avez-vous élaboré ces propositions ?
Nous avons lancé notre réflexion le 13 juillet, monde patronal et partenaires sociaux, et travaillé avec 31 acteurs du monde économique ainsi que 32 experts nationaux et internationaux, parmi lesquels Olivier Babeau, le fondateur de l’Institut Sapiens – Michel Barnier, négociateur en chef de l’UE pour le Brexit – Selena Candia, chercheuse en urbanisme et aménagement du territoire de l’Université de Gênes- Eric Delbecque, directeur adjoint de l’IFET et directeur du pôle intelligence économique de Comfluence -Hervé Martel, le président du directoire du Grand Port Maritime de Marseille – Alioune Gueye, PDG du groupe Afrique Challenges – Olivier Oullier, le patron de la société américaine de bio-informatique Emotiv ou encore des chercheurs européens en urbanisme et les architectes marseillais Rudy Ricciotti et Corinne Vezzoni. L’optimisme des experts nous oblige d’autant qu’ils n’éludent pas les difficultés. Les défis sont nombreux, parfois immenses, en matière de logement, de mobilité, d’inclusion sociale, d’excellence environnementale… Mais, le cœur de leur message c’est : la confiance.
Sur quoi ont-ils insisté?
Sur l’idée que le territoire ne réussira que si Marseille réussit. La Ville doit devenir la capitale euro-méditerranéenne, elle a tout pour l’être, pour peu que les partenaires et en premier lieu l’Etat mesure les bénéfices que cela pourrait apporter à la France, l’Europe, la Méditerranée… Deuxième idée, fortement portée par les experts internationaux, il faut en finir avec l’auto-bashing et faire connaître les réussites locales existantes et en être fiers, les essaimer, les étendre. Je pense notamment à l’exemplarité du Parc National des calanques, Euroméditerrranée, l’Arbois, thecamp, l’AMU, aux promesses de Giptis… Et fort de cela, nous devons aller de l’avant, promouvoir l’esprit Lab de notre territoire. Il faut privilégier l’incitatif au coercitif, au niveau de la fiscalité, la gestion des déchets, la mobilité. Il importe aussi de privilégier l’expérimentation à la norme. Ainsi, en matière d’urbanisme, donnons la priorité au projet sur la règle et non l’inverse tant que l’esprit de cette dernière est garanti. Alors, plutôt que d’imposer des règles maximales, proposons des règles minimales en accordant des droits à construire supplémentaires s’il y a un effort de végétalisation, d’économie d’espace ou de construction de bâtiments à énergie positive.
Vous vous adressez aux politiques, tracez une feuille de route, mais qu’est-ce qui légitime votre prise de parole?
Les entreprises sont créatrices de richesses, d’emplois, elles ont dans ce cadre non seulement le droit mais le devoir d’exprimer leurs besoins et leurs propositions d’autant plus que cela concerne non seulement les chefs d’entreprise mais aussi l’ensemble des salariés. Nous attendons tous des résultats concrets qui permettent aux entreprises de se développer, proposer des conditions de vie suffisamment intéressantes pour attirer et conserver des salariés en mesurant bien que la compétition internationale est une compétition de métropole. Une idée est d’ailleurs sortie de la consultation, celle d’un copilotage entre élus et monde de l’entreprise sur des projets d’infrastructures portés par les communes et la Métropole.
Le saut quantique que vous proposez aux candidats ne réside-t-il pas aussi dans les «idées folles» que l’on trouve au fil de vos propositions?
Au fil de nos travaux, les uns et les autres ont pu avancer des propositions qui paraissaient folles, que nous ne voulions pas inscrire jusqu’au moment où nous nous sommes dit et pourquoi pas ? Pourquoi s’autocensurer? Il faut rêver grand. Le document que nous avons réalisé comprend donc des «idées folles», sachant que nous n’avons retenu que celles qui sont peut-être folles mais réalisables. Pour citer quelque exemple, il y a des propositions emblématiques comme l’accueil de l’exposition universelle de 2027 et d’autres très concrètes visant à changer la vie au quotidien comme assurer une place en crèche de proximité pour tous les bébés du territoire ou encore tous les services du quotidien dans un rayon d’un quart d’heure à pied. Nous proposons également la création d’un label pour les communes particulièrement engagées dans l’accueil des actifs. Nous avançons aussi l’idée d’accompagner des jeunes talents de nos quartiers pour leur faire intégrer des formations « classe Prépa » nationales ou internationales. En termes de ville durable nous évoquons la création d’une cité durable et bio-aquatique du XXIe siècle au Frioul mais aussi la mise en place de vélos-cargo pour la collecte des déchets verts des restaurants des centres-villes. Nous lançons également l’idée de profiter des tramways et métros qui ne circulent pas de minuit à 5heures du matin pour transporter des marchandises, les déposer à des points relais. Marchandises qui seront ensuite prises en charge par les vélos-cargo. En ce qui concerne le transport, nous réfléchissons à un système de navettes sur l’eau et des Flybus, de Cassis à La Ciotat, de la Côte-Bleue à Marseille, de Martigues à Marignane et, soyons fous, à l’instar des territoires qui gagnent, faisons en sorte que l’aéroport Marseille Provence soit à proximité des principaux lieux de vie et bassins d’emploi, est-ce à dire : à 10 minutes d’Istres, Aix-en-Provence et Marseille. Et, en 2025, pourquoi ne pas proposer un aller-retour dans la journée au départ de Marseille vers les principales capitales du Nord de l’Afrique? Nous devons d’autre part rêver les services de demain et les expérimenter; tirer parti de la connexion avec le reste du monde dont nous bénéficions et pourquoi ne pas créer un campus de la cyber-sécurité sur le territoire? Et enfin, un Trip Advisor de la gestion publique, pour confier l’évaluation des politiques publiques à un cabinet indépendant. Pour toutes les idées «folles» et projets nous sommes aux côtés des collectivités pour les accompagner et concrétiser leurs propositions.
Est-ce que ce document met fin à votre interpellation du monde politique?
Non, c’est au contraire un point de départ. Nous irons à la rencontre des candidats qui le souhaitent dès le mois de janvier et nous ferons des vidéos de nos échanges croisés. Et j’invite déjà avec l’ensemble des partenaires de la démarche «Tous acteurs» aux vœux du monde économique qui se tiendront le 20 janvier, à partir de 19 heures, au Palais de la Bourse.
Propos recueillis par Michel CAIRE