Publié le 7 juin 2018 à 20h10 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 18h49
Lorsqu’il compose «Ernani», son cinquième opéra, en 1844, le tout juste trentenaire Guiseppe Verdi ne se doute certainement pas qu’il va proposer à ses auditeurs comme un catalogue des œuvres qui viendront ensuite construire sa légende. Phrases musicales, ressorts dramatiques : «Ernani» préfigure, à n’en pas douter, «Rigoletto», «Don Carlo», «Le Trouvère» ou encore «La Force du Destin» tout comme l’épaisseur de l’orchestration et la richesse des couleurs sont déjà affirmées. Rappelons que cet ouvrage marque, aussi, le début de la collaboration entre Verdi et le librettiste Francesco Maria Piave, qui se poursuivra pendant près de vingt ans. «Ernani», parfait looser romantique qui aura tout manqué dans sa vie, depuis sa carrière de bandit jusqu’à sa première nuit d’amour en passant par ce régicide qui lui aurait permis de venger son père ; une vie d’échecs et un si beau rôle pour un ténor bien en voix. Sur la scène de l’opéra, Francesco Meli n’est pas passé à côté de son sujet au soir d’une première «tourmentée» (lire ci-dessous). Vous voulez du ténor verdien, en voici en voilà… Puissance, ligne de chant franche et solide, volume, précision, présence scénique : il est assurément l’un des meilleurs entendus ici ces dernières années. Il fallait bien toutes ces qualités pour affronter les deux autres protagonistes mâles de l’histoire, Carlo et Silva. Pour incarner Charles Quint, Maurice Xiberras, le directeur de l’Opéra, avait convié Ludovic Tézier à revêtir les atours royaux. Choix des plus judicieux car le baryton fut… royal, de la première à la dernière note. Une voix profonde et sensuelle au service d’une interprétation qui marie force, peur et magnanimité. Un grand Tézier qui trouve ici un caractère taillé sur mesure ; il en profite et il a raison ! Pour notre bonheur. Le troisième larron, c’est Alexander Vinogradov. Barbe de pacotille mais basse de folie pour donner à Silva, toute la profondeur et la cruauté implacable de son rôle. Barbon et triste sire, il s’impose au dernier acte tel le Commandeur venu chercher Don Giovanni. «Souffle dans le cor et Ernani mourra…» Ce pauvre Ernani, maudit et victime de son serment qui se plantera une dague dans le cœur et défunctera dans les bras de son Elvira d’amour qui, elle, n’aura eu de cesse de rabibocher les uns et les autres tout au long de l’ouvrage, obtenant même la clémence royale pour Ernani… Elle n’en profitera même pas ! Elvira, c’est la soprano chinoise Hui He, invitée pour la première fois à Marseille. Voix mature et chaude, elle ne manque ni de puissance ni de présence, venant compléter idéalement le trio masculin. Anne-Marguerite Werster, Christophe Berry et Antoine Garcin complétant idéalement la distribution. Ajoutez à ce casting de rêve, mis en place il y a déjà plusieurs mois par Maurice Xiberras, un orchestre qui sert Verdi comme pas un sous la direction du maestro Lawrence Foster et un chœur somptueux, préparé par Emmanuel Trenque, vous obtiendrez ce triomphe délivré mercredi soir par un public de connaisseurs qui a su mettre de côté le contexte scénique pour ne jouir pleinement que de la musique et des voix ! A Marseille, on aime l’opéra et on est passionné par Verdi. Que personne ne l’oublie…
Michel EGEA
Pratique. Autres représentations le dimanche 10 juin à 14h30 puis les 13 et 16 juin à 20 heures. Réservations au 04 91 55 11 10 ou au 04 91 55 20 43. opera.marseille.fr
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