Publié le 7 juin 2015 à 20h18 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 19h17
L’espace JAL à Marseille propose du 15 juin au 14 juillet un travail original d’Iphoneographies de rue de Hannibal Renberg qui vit entre Marseille et Paris. Tout comme Léon-Paul Fargue, Hannibal Renberg est un « piéton» qui aime à déambuler dans les rues et y débusquer l’inattendu voire le grotesque du quotidien.
Un travail original qui est dans l’air du temps.
Il y a presque autant d’appareils pouvant prendre des photos connectés sur Internet en 2015 que d’individus sur terre; il y en aura plus de 9 milliards en 2020, selon Ericson. Autant dire que ce sont autant de photographes amateurs qui vont tenter leur chance sur les réseaux sociaux avec un selfie, une photo souvenir de vacances, de paysages, de couchers de soleil (un nombre impressionnant de couchers de soleil), de la grand-mère mourante ou d’un scan de photo de classe retrouvée dans un carton à dessin d’enfant, voire des petites vidéos ou des teasers mettant en scène des proches lors de rencontres familiales ou coquines.
Ce sont des instants de vie pour lesquels chacun veut son quart d’heure de célébrité qu’Andy Warhol n’avait pas imaginé comme ça dans les années 80. Les auteurs de ces moments figés, qui peuvent être transformés à l’infini grâce à Photoshop ou autres logiciels de traitement d’images, sont-ils pour autant des photographes ? Les professionnels de la photographie jurent que non. Mais passés bon gré mal gré de la pellicule argentique au numérique plus rapide et immédiatement transmissible, photographes de presse ou de mode, utilisent parfois leur téléphone portable pour fixer un instant et en font des portfolios.
En fait, être photographe, c’est avoir l’œil photographique. C’est-à-dire d’être en capacité intellectuelle de saisir immédiatement le bon angle, la belle attitude, la pose. De le capter au sens de « captation » malheureusement traduit par « live » (en français dans le texte !). Parfois, le photographe de plateau saisira une image qui ne sera pas dans le film ; il aura capté un instant, avant le lancement du « moteur », qui résumera la scène et sera gardée pour la promotion. Certains grands, pour avoir raté ce moment magique de l’instant, ont tenté de le recréer et demandé à un couple de refaire à nouveau ce baiser ou à un enfant de retaper sa balle… avec le succès que l’on sait.
Hannibal Renberg fait partie d’une génération du tout numérique. Il s’est surpris à photographier avec son téléphone et à s’apercevoir que ces clichés avaient un signifiant ; bref qu’il avait un œil certain. Emile Zola, Louis Aragon, Max-Pol Foucher, Pierre-Jean Jouve, Jean-Paul Sartre, Albert Londres, Blaise Cendrars et tous les poètes qui ont arpenté Paris ou Marseille ont écrit, décrit, raconté ce qu’ils voyaient, ce qu’ils ressentaient. Hannibal Renberg s’est senti une même envie, toutes proportions gardées, avec le désir aussi de faire partager ses émotions son humour, sa dérision par l’image. Ses photos intemporelles et hors de tout contexte local n’ont d’intérêt que par le regard que le spectateur leur porte. Un reflet de notre société. Sans autre ambition.
N’en déplaise aux pros de la photographie qui avaient aussi leur temps décrié le polaroïd revenu au goût du jour après un long purgatoire. Parallèlement à ce nouvel engouement pour les instantanés de vie capturés à l’aide de téléphones portables, appelé Iphonéographie, se développe aussi la mode de la lomophotographie. Il s’agit de boites à images sur le modèle du vieux Brownie Flash des années 50 pour des photographies aléatoires. Un procédé plus long à partir de pellicules argentiques 6×6 qui a son fan club. Clic-Clac, merci Kodak. Mais c’est un autre sujet.
Antoine LAZERGES
Exposition d’Iphoneographies de rue de Hannibal Renberg du 15 juin au 14 juillet. Vernissage le lundi 15 juin à partir de 18h.
Espace JAL, Concept Store « et moi et moi » – 8, Boulevard Notre-Dame, 13006 Marseille – Tél: 04.91.54.08.88 – aurora.com@aliceadsl.fr