Publié le 12 juin 2013 à 4h00 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 15h39
Plus de télévision, plus de radios, plus rien sur le service public grec depuis ce mardi soir 23 heures (heure locale). Les écrans de télévision sont devenus noirs à la suite d’une fermeture brutale du groupe audiovisuel public ERT, décidée sans préavis par le gouvernement grec quelques heures plus tôt. Réaction de François Jacquel, directeur général du CMCA, association organisatrice du Prix international du documentaire et du reportage méditerranéen (PriMed) qui se déroulera du 17 au 21 juin.
Quel est votre sentiment face à une mesure aussi radicale de la part d’un gouvernement ?
C’est une nouvelle stupéfiante puisque pour la première fois dans l’histoire de la télévision, un gouvernement ferme d’autorité une télévision publique avec toutes les conséquences qui s’ensuivent pour ses employés. Outre le fait que ce soit une première cela traduit la politique d’un gouvernement qui est souvent critiqué non seulement par les grecs mais également par ailleurs. Toutefois les réactions sont nombreuses, d’indignation d’abord chez les professionnels mais j’entends aussi des réactions moins négatives comme certains qui approuvent cette solution notamment la Commission européenne qui a l’air de comprendre que nécessité se doit et que pour résoudre les problèmes endémiques de cette télévision publique, dont on ne peut pas dire qu’elle était économiquement saine, a accepté de principe cette solution. Je ne peux pas croire que la clef a été mise sous la porte définitivement. Je pense qu’il s’agit plus d’une stratégie pour permettre la renaissance d’une autre télévision publique qui s’inscrira sur d’autres bases.
Selon vous, qu’est-ce qui a motivé une telle brutalité de la part du gouvernement ?
C’est peut-être parce qu’il n’est pas arrivé à mettre en place une réforme de l’audiovisuel qui était nécessaire chez eux. Ils se sont résolu à cette solution radicale qui consiste à fermer une entreprise pour pouvoir, j’espère dans un délai le plus bref possible, recréer une nouvelle télévision publique. Il est un peu trop tôt pour arriver à des conclusions de ce genre. Il est certain qu’on ne peut pas concevoir un pays sans télévision de service public, je n’ai pas dit une télévision d’État ou nationale, face aux télévisions privés, il y a là un juste équilibre à trouver. On ne peut pas imaginer qu’il n’y ait plus de télévision publique en Grèce, pour faire partie de l’Union Européenne, il me semble, qu’il s’agit là d’une condition sine qua non que de disposer d’une télévision de service public.
Ne pensez-vous pas que le gouvernement grec vient d’ouvrir une porte par laquelle risque de s’engouffrer d’autres États ?
Je n’en sais rien, je ne suis pas devin. Il est clair que toutes les télévisions de services publics pour n’évoquer que les télévisions méditerranéennes – je ne parle pas des autres télévisions européennes ou d’autres continents – toutes ces télévisions sont dans des difficultés économiques dues à la crise mais aussi à la multiplicité des chaines, à la concurrence féroce, à une audience qui se désiste avec le numérique. On ne regarde plus que la télévision mais on regarde son ordinateur, son téléphone portable. Les écrans se multiplient et cela a forcément des conséquences sur la bonne vieille télévision que l’on connaissait jusque là. Il y a des révolutions industrielles à faire et selon les pays on les fait plus ou moins avec brutalité.
Tout cela n’annoncerait-il pas la fin de la télévision de service public ?
Je ne crois pas du tout à la fin de la télévision publique mais certainement dans un autre type de télévision publique adaptée à son temps aux révolutions technologiques. Elle est forcée de s’adapter et ceux qui y travaillent également.
Par rapport aux événements que l’on va connaître à Marseille, cette triste nouvelle que j’espère provisoire, ne fait que renforcer l’actualité de la conférence-débat que nous organisons le 21 juin au Mucem sur l’avenir des télévisions publiques en Méditerranée. Le président de la télé grecque est invité, pour l’instant, il n’a pas annulé sa venue. S’il vient, son témoignage sera important, en tout cas tous les présidents de télévisions publiques de la Méditerranée qui seront présents vont très certainement se prononcer, sur cette question. Je ne pensais pas, il y a un an, en proposant le thème de cette conférence qu’il y aurait une telle actualité. On discutera toujours des valeurs et des missions de la télévision publique, de son financement et de son avenir en présence d’une quinzaine de présidents dont Rémy Pflimlin, président de France Télévisions. Cette conférence prend un relief tout à fait nouveau et qui sera l’occasion pour des personnalités de prendre position à la suite des informations qui vont dans les jours qui viennent sans doute évoluer. On en saura un peu plus sur comment tout cela s’est décidé, orchestré. Parmi les invités, il y aura également Jean-Paul Philippot président de l’Union européenne des radio-télévision (UER) qui dores et déjà, ce matin, a pris position sur cette information. Écran Noire à Athènes mais nous espérons des écrans méditerranéens plus bleu à Marseille du 17 au 21 juin.
Propos recueillis par Patricia MAILLE-CAIRE