Publié le 6 juillet 2017 à 21h20 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 16h57
On le sait, Simon McBurney est passé maître depuis longtemps dans l’art des images. Et pour sa mise en scène de «The Rake’s progress», l’opéra de Stravinski, il ne se prive pas d’en user. A l’Archevêché, il a installé une grande cage de papier blanc, décors de base unique, qui va servir d’écran aux multiples facettes pendant la quasi totalité de la représentation alternant des moments sublimes comme ce couloir de métro londonien et ses SDF où ce cimetière impressionnant qui marquera la défaite de méfisto-Shadow et l’entrée en folie du libertin Rakewell.
Autre grand moment, cette caverne de Baba la Turque, improbable et impressionnant bric-à-brac dont les éléments transpercent les murs de papier blanc dans un moment de pure folie. Des moments qui succèdent à d’autres moments un peu plus soporifiques et nettement moins forts. Et c’est ce qui dérange, dans cette production, c’est qu’elle est une succession de moments et de trous dans le papier qui manque de ressort dramatique. On est loin du mythe de Faust avec un Shadow pas maléfique pour deux sous jusqu’à sa scène finale, fort réussie au demeurant, un Rakewell sans grande présence dont on a du mal à apprécier l’évolution psychologique qui le mènera à la folie, une Anne Trulove qui traverse la pièce sans grande émotion jusqu’à un adieu qui pourrait pourtant être déchirant. Car c’est à travers ses souvenirs que la carrière du libertin arrive jusqu’à nous. Dans ce flash-back, qu’elle ouvre en déposant un bouquet à terre et qu’elle referme en reproduisant ce geste, elle se remémore la chute de son amour perdu. Souvenirs, images fugaces : est-ce pour ça que les personnages ont un petit quelque chose de fantomatique, de déshumanisé, à l’image de ces femmes et ces hommes vêtus de simples sous-vêtements, qui passent sur la couche du libertin comme des gymnastes à l’entraînement ?
Musicalement, l’Orchestre de Paris est beaucoup moins brillant que la veille pour «Carmen». On ne retrouve pas, sous la baguette d’Eivind Gullberg Jensen, les qualités révélées par la direction de Pablo Heras-Casado. Tout comme pour la mise en scène, cela manque singulièrement de tension dans la fosse. Du côté de la distribution, hormis le travail scénique qui leur a été demandé, pas grand chose de négatif à dire. Kyle Ketelsen est un Shadow précis à la belle ligne de chant, au jeu impressionnant dans sa scène finale. Ann Trulove, incarnée par Julia Bullock, aurait pu nous faire pleurer d’émotion : elle s’est contenté d’une prestation de qualité tout comme Paul Appleby, Tom Rakewell, qui attendra les dernières minutes pour nous tirer quelques frissons. Autour de ce trio, David Pittsinger (Trulove), Hilary Summers (Mother Goose), le contre-ténor Andrew Watts (Baba la Turque), Andrew Watts et Alan Oke semblent prendre du plaisir, tout comme les membres des «English Voices». Tant mieux pour eux… Nous attendrons un peu pour en avoir nous aussi.
Michel EGEA
Au Théâtre de l’Archevêché les 7, 11, 14 et 18 juillet à 22 heures – Réservations à La Boutique du Festival, Palais de l’Ancien Archevêché, Tél. 08 20 922 923 (12 cts/mn) festival-aix.com